BENOIST DELECOURT L’intérêt social Sous la direction de madame MONSALLIER ( M.C

BENOIST DELECOURT L’intérêt social Sous la direction de madame MONSALLIER ( M.C.F. ) Mémoire D.E.A Droit des contrats Université de Lille II, année 2000 / 2001 Droit des sociétés 2 Remerciements particuliers à Madame Monsallier, ma directrice de mémoire, pour ses conseils avisés. à Sébastien Baroche, Antoine Despinoy et Cyril Hermier. 3 Abréviations Bull. civ. Bulletin civil de la Cour de cassation. Bull. com. Bulletin commercial de la Cour de cassation. Bull. Joly Bulletin Joly. Bull. Joly Sociétés Bulletin Joly Sociétés. C.A. Cour d’appel. Cass. 1è civ. Cour de cassation, Première Chambre civile. Cass. 3è civ. Cour de cassation, Troisième Chambre civile. Cass. com. Cour de cassation, Chambre commerciale. Cass. crim. Cour de cassation, Chambre criminelle. D. Dalloz. D.A. Dalloz affaires. Gaz. Pal. Gazette du Palais. JCP Jurisclasseur périodique. La semaine juridique, édition générale. JCP E Jurisclasseur périodique. La semaine juridique, édition entreprise. JCP N Jurisclasseur périodique. La semaine juridique, édition notariale. J.O. Journal officiel. J.O.A.N. Journal officiel de l’Assemblée Nationale. P.A. Petites affiches. Rev. jurisp. com. Revue de jurisprudence commerciale. R.J.D.A. Revue de jurisprudence du droit des affaires. Rev. Sociétés Revue des sociétés. RTD Civ. Revue trimestrielle de droit civil. RTD Com. Revue trimestrielle de droit commercial et de droit économique. 4 Sommaire Introduction Un concept à contenu variable. Présentation des différentes conceptions doctrinales. La protection de la société. I) La protection de la société par l’intérêt social A) Intérêt social et défense du fonctionnement correct de la société 1) Les hypothèses où l’intérêt social protège efficacement le bon fonctionnement de la société a) L’abus de majorité : une jurisprudence prudente, refusant de fragiliser les gestionnaires. b) Les conventions de vote aménageant le fonctionnement de la société dans le seul but d’améliorer ce fonctionnement. 2) Les hypothèses où l’intérêt social protège insuffisamment le fonctionnement correct de la société a) La non reconnaissance d’un abus de minorité lorsque les minoritaires bloquent une décision favorable au fonctionnement de la société. b) L’irrecevabilité de l’action civile des salariés en cas d’abus de biens sociaux. B) Intérêt social et pérennité de la société 1) Les hypothèses où l’intérêt social protège réellement la pérennité de la société a) L’abus de minorité : sanction du blocage des décisions nécessaires à la survie de la société. b) La nomination d’un administrateur provisoire en cas de paralysie des organes sociaux. 5 c) Les conventions de vote aménageant le fonctionnement de la société dans le but d’assurer sa survie. 2) Les hypothèses où l’intérêt social protège insuffisamment la pérennité de la société Le problème de l’exclusion d’un associé en réponse à une demande de dissolution de la société. II) Les incidences de l’intérêt commun des associés sur la protection de la société A) Les propositions ayant une incidence sur le fonctionnement de la société 1) La modification de l’abus de majorité 2) La validité des conventions de vote améliorant le fonctionnement de la société au regard de l’intérêt commun des associés 3) L’instauration d’un droit général de retrait au profit des associés minoritaires B) Les propositions ayant une incidence sur la pérennité de la société 1) La modification de l’abus de minorité 2) La dissolution pour justes motifs Conclusion générale 6 Introduction Un concept à contenu variable « Comme la bonne foi ou l’intérêt de la famille, l’intérêt social est un standard, un concept à contenu variable ; d'autres parlent de concept mou. C’est un impératif de conduite, une règle déontologique, voire morale, qui impose de respecter un intérêt supérieur à son intérêt personnel »1. Cette assertion des professeurs Cozian et Viandier met en lumière les difficultés posées par la définition de l’intérêt social : ce concept, à l’instar des autres standards juridiques, est utilisé pour donner plus de flexibilité au droit, en laissant à la jurisprudence le soin de préciser la notion selon les cas qui lui sont présentés. Ainsi, l’intérêt social, c’est à dire l’intérêt de la société, n’aurait pas de définition précise et devrait être « découvert » par le juge selon la nature du litige qui lui est soumis. Le juriste aura tendance à suspecter une notion aussi incertaine, empreinte de subjectivité, qui constituera selon lui une menace pour la sécurité juridique et peut-être même un risque d’arbitraire. Mais cette réaction épidermique doit être surmontée : le droit n’est pas une science exacte et doit nécessairement admettre en son sein cette part d’incertitude que lui confère son essence humaine. Le doyen Carbonnier2 a ainsi pu affirmer à juste titre : « le droit n’est pas cet absolu dont souvent nous rêvons. Le droit est droit, sans doute, mais les hommes le plient en tous sens, le ploient à leurs intérêts, à leurs fantaisies, voire à leur sagesse. Flexible droit, droit sans rigueur. Faut-il, d’ailleurs, s’en lamenter ? Il est peut-être salutaire que le droit ne soit pas cette massue, ce sceptre qu’on voudrait qu’il fût… ». 1 COZIAN M., VIANDIER A., DEBOISSY F., Droit des sociétés, éd. Litec, 13è, 2000, n°466, p.175. 2 CARBONNIER J., Flexible droit : pour une sociologie du droit sans rigueur, éd. LGDJ, 6è, 1988, p.379. 7 De nombreux concepts à contenu variable rendent le droit plus flexible et ce, dans ses diverses branches. La jurisprudence a ainsi recours de manière fréquente à la cause ou à la bonne foi, en matière contractuelle (sur le fondement des 1108 et 1134 du Code civil). Le droit de la famille connaît lui aussi des « concepts mous »3 tels que les « dépenses manifestement excessives » ou l’intérêt de la famille évoqués aux articles 220 et 220-1 du Code civil. Le droit de la responsabilité civile connaît quant à lui la notion d’abus4 et se fonde tantôt sur l’article 1134 al 3 du Code civil, tantôt sur les articles 1382 et suivants du même code, selon la nature de la responsabilité5. La liste exhaustive de ces concepts serait longue et fastidieuse : qu’il nous suffise de constater simplement que ces concepts se multiplient et permettent au juge d’adapter la loi aux situations concrètes que lui soumettent les justiciables. Il nous faut aussi constater que cette multiplication des concepts à contenu variable tient sans doute son origine dans la rigidité du droit écrit. La loi du 24 juillet 1966, portant sur les sociétés commerciales, donne l’illustration parfaite d’un droit écrit rigide, multipliant les règles impératives, que tente d’assouplir une jurisprudence soucieuse de faciliter la vie des affaires. Le professeur Saintourens6 remarque que « la flexibilité du droit des sociétés résulte […] de l’infléchissement des règles écrites dans l’application qui en est faite par les tribunaux, mais aussi par la pratique ». Le droit des sociétés utilise pour cela des « notions plastiques » qui établissent « un renvoi implicite mais nécessaire du Législateur vers le juge, ce qui constitue […] un efficace vecteur d’infléchissement des règles de droit par le juge »7. Les principales notions plastiques du droit des sociétés sont les justes motifs et l’intérêt de la société ou intérêt social. Les justes motifs apparaissent à l’article 1844-7, 5° du Code civil à propos de la dissolution judiciaire et à l’article 1869 du même code sur l’autorisation judiciaire de retrait d’un associé 3 SAINTOURENS B., La flexibilité du droit des sociétés, RTD Com., 1987, p.478 et s. 4 JAMIN C., Typologie des théories juridiques de l’abus, Revue concurrence et consommation, juillet-août 1996. 5 ANCEL P., Critères et sanctions de l’abus de droit en matière contractuelle, JCP E 1998/6, Cahiers droit de l’entreprise, p.32 et s. 6 SAINTOURENS B., La flexibilité du droit des sociétés, RTD Com., 1987, p.478. 7 SAINTOURENS B., La flexibilité du droit des sociétés, RTD Com., 1987, p.479. 8 d’une société civile. Mais c’est principalement en matière de révocation des dirigeants sociaux que les références textuelles sont les plus nombreuses : ainsi les articles L. 221-12, L. 223-12 et L. 225-61 du Code de commerce sur la S.N.C., la S.A.R.L. et sur la S.A. avec directoire et conseil de surveillance organisent la révocation des dirigeants de ces sociétés commerciales. L’article 1851 du Code civil fait de même pour les sociétés civiles. La loi portant sur les nouvelles régulations économiques8 prévoit également des justes motifs pour révoquer le directeur général de la S.A (article L. 225-55). L’intérêt social apparaît peu dans les textes. La première référence textuelle portant sur l’intérêt social se trouve dans le décret-loi du 8 août 19359 qui a institué l’abus de biens sociaux en tant qu’infraction pénale10. Comme le note le professeur Couret11, il avait été envisagé d’introduire une définition de l’intérêt social lors de l’élaboration de la loi du 24 juillet 1966. Cette idée ne fut pas favorablement accueillie par le Garde des Sceaux Jean Foyer qui redoutait un gouvernement judiciaire des sociétés. Cela explique le recours limité à l’intérêt social dans la loi de 1966 : l’utilisation trop étendue d’un concept à contenu variable se serait opposée aux caractères impératifs et dirigistes que la loi de 1966 devait imposer au droit des sociétés. Le législateur entendait ainsi limiter la possibilité pour le juge d’assouplir les rigueurs de la loi, quitte à ce que celle-ci uploads/Societe et culture/ interet-social.pdf

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