Volume VII Numbers 7-9 ORIENS Summer 2010 1 L’Enigme René Guénon et l’Agarttha

Volume VII Numbers 7-9 ORIENS Summer 2010 1 L’Enigme René Guénon et l’Agarttha (III) Mircea A. Tamas Jean-Pierre Laurant a suggéré, comme nous l’avons indiqué dans notre article précédent, que Guénon avait plagié Creuzer et De Rougemont dans son introduction à la doctrine des cycles cosmiques. Bien entendu, cette affirmation est fausse, mais une telle accusation représente une bonne opportunité pour tenter de porter atteinte à la réputation de Guénon. « Louis de Maistre » déclare: « Bien qu’il [Guénon] ait toujours tenu les doctrines hindoues en haute estime, les écrits de cette école « occidentale » [la Fraternité Hermétique de Louxor] ont constitué la source principale de ses développements théoriques sur les cycles cosmiques. »1 « De Maistre » doit être ravi: il a finalement trouvé une des « sources » de Guénon; d’ailleurs l’auteur ajoute aussi que la Fraternité Hermétique de Louxor s’était inspirée des travaux de Samson Arnold Mackey, ce qui veut dire qu’une seconde « source » a été découverte. Si nous nous rappelons combien « De Maistre » était offensé par le manque de références de la part de Guénon, nous devrions nous attendre à un chamboulement astronomique, changeant complètement tout. Car maintenant, nous savons la vérité! Nous avons deux sources tangibles. Malheureusement, la réalité est bien plus compliquée. « De Maistre » a trouvé l’information sur Mackey dans l’ouvrage Arktos2 de Godwin, où, en tant de théosophe pur et dur, Godwin a discuté de la connection entre Blavatsky et Mackey. Il a montré que Blavatsky appelait Mackey « l’adepte autodidacte de Norwich », et qu’elle connaissait son œuvre. Blavatsky, qui fut toute sa vie une escroc rusée, a utilisé Mackey de la même façon qu’elle a utilisé Csoma de Körös, et a fait de lui un « adepte », car qui se soucie des mots? Godwin assume qu’elle a découvert Mackey au travers de la Fraternité Hermétique de Louxor, qui a « enseigné la doctrine de Mackey »3, sans jamais mentionner son nom (il était appelé « un initié de notre Ordre Noble») 4. Toutefois, Godwin admet que la théorie de Mackey avait été modifiée et que les valeurs cycliques traditionnelles avaient remplacé les valeurs profanes5, ce qui porte atteinte aux spéculations de Mackey; et dans le journal de la Fraternité Hermétique de Louxor, Mackey était présenté comme étant un « nouvel initié de la F. B. de L. », et de cette initiation, Mackey a « acquis sa 1 L’Énigme René Guénon, p. 731. 2 Joscelyn Godwin, Arktos, The Polar Myth, Thames and Hudson, 1993, pp. 196-202. 3 Nous pourrions plutôt parler de la « théorie de Mackey », mais jamais de « doctrine ». 4 Godwin 201. 5 Pour la précession des équinoxes, la valeur traditionnelle de 25,920 ans a remplacé celle de Mackey. L’Enigme René Guénon et l’Agarttha (III) 2 connaissance de l’astronomie ancienne ». « Louis de Maistre » a négligé ce dernier élément et a préféré considérer Mackey comme étant un génie énigmatique qui a fourni à René Guénon les données sur les cycles cosmiques; il conclut : « l’autorité qui est attribuée à Guénon sur le sujet des doctrines des cycles semble avoir besoin d’être sérieusement révisée. Dorénavant, le jugement de Guénon sur la réfutation de l’affirmation des astronomes selon lesquels la précession des équinoxes dure 25,765 ans, au lieu de la « vraie durée traditionnelle » de 25,920 ans, devient aussi particulièrement questionnable. » « Sérieusement révisée » ? Le verdict de « De Maistre » est plus que ridicule ; il est malicieux et obtus. Mais cet individu n’est pas seul. Jean-Pierre Laurant, étudiant des documents provenant du soi-disant « Ordre du Temple Rénové » (année 1908), a trouvé des travaux sur les cycles cosmiques, où la durée précessionnelle était établie à 25,765 (comme mentionné par « De Maistre ») 6, et bien que Laurant ne l’ai pas clairement dit, il nous amène à croire que Guénon, en tant que leadeur de l’Ordre, accepterait ce nombre et d’autres calculs se trouvant dans ce document.7 D’autre part, Marcel Clavelle (Jean Reyor), dans son « Document confidentiel inédit », a affirmé qu’il avait vu des manuscrits appartenant à l’OTR, où la « théorie des cycles cosmiques était correctement restaurée ». La doctrine traditionnelle des cycles cosmiques est basée, évidemment, sur les nombres cycliques. Si l’on considère les quatre phases lunaires comme reflets des quatre yugas et si l’on multiplie 4 par le nombre d’astérismes Nakshatras8, l’on obtient : 4 x 27 = 108, un nombre cyclique fondamental. Si l’on multiplie le nombre d’astérismes Nakshatras par 16 (les parties du disque lunaire), l’on obtient: 27 x 16 = 432 (108 x 4 = 432), un autre nombre cyclique fondamental. Symboliquement parlant, les quatre yugas durent 4000, 3000, 2000 and 1000 ans (l’on notera la proportion 4 – 3 – 2 – 1). Chaque yuga est précédé et suivi par une aube et un crépuscule, ce qui lie les cycles ensemble ; donc, l’Age d’Or, Krita-yuga, est évalué à 4800 ans (4000 + 400 + 400), Treta-yuga à 3600 ans, Dwapara-yuga à 2400 ans, et Kali- yuga à 1200 ans. Par conséquent, un Manvantara ou un Mahâyuga sera évalué à 12,000 ans. Parce que chaque Année divine dure 360 années terrestres, un Age Manu durera 4,320,000 ans9. Enfin 4320 x 6 = 25,92010, qui est la durée précessionnelle. 6 Le sens caché, p. 48. 7 Feydel, commentant les travaux de Laurant, dit que tout le monde est d’accord pour considérer ces travaux « non-guénoniens ». Voir Pierre Feydel, Aperçus historiques touchant à la fonction de René Guénon, Archè, 2003, p. 30. 8 Selon la science astronomique védique (jyotishavedanga), il y avait 27 astérismes Nakshatras (la moitié du nombre fondamental 54), ce qui a rendu possible l’observation des positions variable du soleil, de la lune et des planètes, et de corréler les mouvements du soleil et de la lune. 9 Les nombres cycliques 10,800 et 432,000 apparaissent aussi dans d’autres traditions. Censorin a mentionné la Grande Année de 10,800 ans chez Héraclite et le babylonien Bérossos a souligné la période cosmique de 432,000 ans. Les grecs et perses anciens ont souvent évalué la Grande Année comme ayant 12,000 ou 13,000 ans (voir René Guénon, Formes traditionnelles et cycles cosmiques, Gallimard, 1980, p. 23). Le Satapatha Brahmana indique que Prajâpati (le Principe de la manifestation universelle) est l’Année, son Verbe, qui produit le Monde, étant récolté par le Vêda, lequel est divisé en 10,800 moments de l’Année, comme le Rig-Vêda contient 10,800 unités de chacune 40 syllabes, ou 432,000 syllabe au total. L’Enigme René Guénon et l’Agarttha (III) 3 Les recherches de Leonard Woolley ont produit une liste de rois chaldéens antédiluviens, ce qui a précisé la durée traditionnelle du règne du roi A-lu-lim – 28,000 ans, du règne du roi A-lal-gar – 36,800 ans, et du règne du roi En-me-en-lu-an-na – 43,200 ans11. 28,000 + 36,800 = 64,800 ans et ce dernier nombre est considéré par René Guénon comme étant la durée traditionnelle d’un Manvantara, composé de cinq Grandes Années (5 x 12,960) 12. Il n’y a pas d’ « énigme »13 concernant la doctrine des cycles cosmiques et sa connaissance par René Guénon. Le fait que Guénon possédait des données traditionnelles, autres que celles provenant de la tradition hindoue ou de l’antiquité chaldéenne et perse, est aussi tout à fait possible, mais il est plus important de souligner qu’il était très prudent lorsqu’il présentait ces données, parce qu’il n’y a pas intérêt pour nous, comme toutes les traditions l’ont affirmé, de découvrir en détails quand la fin du cycle va arriver ; donc, à l’exception d’un article publié en anglais, en 1937, dans le Journal of the Indian Society of Oriental Art, il n’a pas fait mention directe des valeurs des cycles. Ce que nous devons aussi indiquer c’est que, comme René Guénon l’a dit, puisque la perfection n’est pas de ce monde, les planètes, comme la Terre, ne sont pas des sphères parfaites, et leurs trajectoires ne sont pas des cercles mais des ellipses14. De même, nous ne pouvons nous attendre à trouver les nombres cycliques et la valeur traditionnelle de la précession des équinoxes dans ce monde, surtout de nos jours, à la fin du Kali-yuga15. De plus, « Louis de Maistre » est très intéressé par la fondation de l’ « Ordre du Temple Rénové » (OTR), parce qu’il pense que René Guénon a joué « un rôle énigmatique dans cet épisode injustifié au niveau traditionnel » 16, et que cela pourrait être comparé aux expériences qui ont fait naître les mouvements néo-gnostiques, martinistes ou paramaçonniques, qui ont tous un aspect dévié (« De Maistre » a même suggéré une activité contre-initiatique). Puisque ce sujet a été débattu en large par d’autres, « De 10 Voir Guénon, Formes, p. 22. 11 C. W. Ceram, Gods, Graves, & Scholars, Alfred A. Knoph, 1968. 12 Chaque Grande Année égale la moitié de la durée précessionnelle. 13 Toutefois, nous devons faire justice à « De Maistre ». L’Enigme René Guénon uploads/Societe et culture/ l-enigme-rene-guenon-et-l-agarttha-iii.pdf

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