@ RENCONTRES INTERNATIONALES DE GENÈVE TOME X (1955) LA CULTURE EST-ELLE EN PÉR

@ RENCONTRES INTERNATIONALES DE GENÈVE TOME X (1955) LA CULTURE EST-ELLE EN PÉRIL ? Débat sur ses moyens de diffusion : Presse, cinéma, radio, télévision Georges DUHAMEL - Wladimir PORCHÉ Giacomo DEVOTO - André CHAMSON Ilya EHRENBOURG - Jean DE SALIS La culture est-elle en péril ? 2 Édition électronique réalisée à partir du tome X (1955) des Textes des conférences et des entretiens organisés par les Rencontres Internationales de Genève. Les Éditions de la Baconnière, Neuchâtel, 1955, 370 pages. Collection : Histoire et société d'aujourd'hui. Promenade du Pin 1, CH-1204 Genève La culture est-elle en péril ? 3 TABLE DES MATIÈRES (Les tomes) Avertissement - Introduction DISCOURS D’OUVERTURE : Alfred Borel — Antony Babel : Les nouvelles techniques de diffusion et l’avenir de la culture. * Georges DUHAMEL : Crise de civilisation. Conférence du 7 septembre. PREMIER ENTRETIEN PUBLIC : Crise de civilisation, le 8 septembre. Wladimir PORCHÉ : Le rôle de la radio-télévision dans l’évolution de la connaissance. Conférence du 8 septembre. DEUXIÈME ENTRETIEN PUBLIC : Le rôle de la radio-télévision dans l’évolution de la connaissance, le 9 septembre. Giacomo DEVOTO : La liberté et les limites de la science. Conférence du 9 septembre. ENTRETIEN PRIVÉ : La création face aux techniques, le 10 septembre. TROISIÈME ENTRETIEN PUBLIC : La liberté et les limites de la science, le 10 septembre. André CHAMSON : Langage et images. Conférence du 12 septembre. QUATRIÈME ENTRETIEN PUBLIC : Langage et images, le 13 septembre. Ilya EHRENBOURG : Le chemin du siècle. Conférence du 13 septembre. CINQUIÈME ENTRETIEN PUBLIC : Le chemin du siècle, le 14 septembre. SIXIÈME ENTRETIEN PUBLIC : L’éducation populaire, le 15 septembre. Jean DE SALIS : Perte ou métamorphose de la culture ? Conférence du 15 septembre. SEPTIÈME ENTRETIEN PUBLIC : Perte ou métamorphose de la culture ?, le 16 septembre. HUITIÈME ENTRETIEN PUBLIC : Pour une culture populaire, le 17 septembre. * Index : Participants aux conférences et entretiens. @ La culture est-elle en péril ? 4 AVERTISSEMENT @ p.007 Le présent volume contient l’ensemble des conférences et des entretiens des Xes Rencontres Internationales de Genève. L’introduction dont nous avons fait précéder ces textes, et qui est empruntée au programme des Rencontres Internationales de Genève, précise l’orientation que le Comité d’organisation entendait donner à ces manifestations. Pour les conférences, nous les publions, comme chaque année, in extenso et telles que les auteurs les ont prononcées 1. Quant aux entretiens, ils ont été établis sur la base du sténogramme de chaque séance. Le but que nous nous assignons en les publiant reste le même : nous essayons de restituer le vif des débats, d’en dégager les lignes de force, la direction principale, d’en marquer les articulations, de rendre enfin, dans la mesure du possible, nette et significative la confrontation des thèses en présence. C’est dans ce seul but que certaines digressions et certaines interventions, qui n’ont pas directement rapport avec le sujet du débat, ont été résumées. Précisons enfin que nous nous sommes efforcés de conserver au texte des interventions leur caractère oral. @ 1 Celle de M. Georges Duhamel — retenu par la maladie — a été lue par M. Jean Amrouche. La culture est-elle en péril ? 5 Le Comité d’organisation des Rencontres Internationales de Genève est heureux de pouvoir exprimer ici sa gratitude à ceux dont l’appui généreux lui a permis d’assurer le succès de ces Xes R.I.G., et tout particulièrement à l’UNESCO et aux autorités cantonales et municipales de Genève. La culture est-elle en péril ? 6 INTRODUCTION 1 @ p.009 Notre époque voit un accroissement prodigieux des moyens d’information, qui a modifié et modifie, dans une mesure incalculable, les conditions faites à la culture. Quelles seront les conséquences de cette sorte de bouleversement apporté par les diverses techniques dont dispose l’homme contemporain ? Aujourd’hui, les arts plastiques eux-mêmes ont, selon le mot de Malraux, « inventé leur imprimerie ». Ce « musée imaginaire », qui est venu doubler en quelque sorte le musée tout court, fait que le plus petit étudiant est désormais mieux renseigné sur les civilisations non européennes, sur l’art sumérien, chinois ou indien, que le plus grand critique d’il y a un siècle. Mais cet apport — dû au perfectionnement des procédés typographiques, aux illustrations et aux reproductions — qu’est-il, comparé à la diffusion par le disque, le cinéma, la radio, désormais par la télévision ? Il est normal de s’interroger sur les avantages et les inconvénients de ces moyens nouveaux, dont l’influence est immense, sans commune mesure avec celle d’aucune autre époque. De s’interroger, en somme, sur leur nature, leur qualité, leurs effets. Ne se produit-il pas, du fait de la commercialisation des procédés de diffusion — nous pensons ici au cinéma surtout et aux magazines de toutes espèces — une exploitation organisée d’instincts humains que la culture, jusqu’ici, s’efforçait de maîtriser ? Comment éviter que ces moyens ne deviennent les instruments d’une propagande néfaste pour la culture authentique, laquelle comporte une réelle activité intérieure, un effort personnel, un esprit critique ? Comment le respect de la vérité, comment le souci de la beauté, peuvent-ils conserver leurs droits ? Certes, dans la situation actuelle, les réactions, souvent plus sentimentales que réfléchies, sont divergentes. D’aucuns redoutent la passivité qu’encouragent chez l’auditeur, le spectateur, voire le lecteur, les conditions de notre temps. Ils déplorent que les exigences d’une culture désintéressée disparaissent sous la 1 Thèmes de discussions proposés par les organisateurs des R.I.G. 1955. La culture est-elle en péril ? 7 poussée d’un certain public trop enclin à confondre information hâtive et connaissance véritable. Ils craignent que la radio, p.010 le cinéma, les digests, ne donnent aux jeunes l’illusion de se cultiver à bon compte. D’autres estiment que la multiplication des moyens d’information, même s’ils dispensent une nourriture spirituelle souvent discutable, représente un avantage par rapport à un passé où la culture était l’apanage quasi exclusif d’une classe de privilégiés. Ils espèrent que notre époque verra naître une nouvelle forme de culture, adaptée aux exigences encore confuses du monde contemporain. Les Rencontres Internationales de Genève, en ouvrant la discussion sur ces problèmes, n’entendent pas préjuger de leur solution. Elles souhaitent seulement qu’un débat, aussi objectif que possible, projette quelque lumière sur une question qui, à juste titre, préoccupe aujourd’hui tous les hommes qui pensent. @ La culture est-elle en péril ? 8 GEORGES DUHAMEL CRISE DE CIVILISATION 1 @ p.011 La plupart des lexicologues — et Littré tout le premier — nous rappellent que le mot de crise est d’abord un mot du langage médical. Ce mot vient du grec et signifie, étymologiquement, le phénomène, bon ou mauvais qui, survenant dans le cours d’une maladie, a valeur de décision et incline l’observateur à juger la conjoncture. Nos vieux maîtres disaient, non sans optimisme, quand ils voyaient un malade atteindre l’acmé des troubles : « La crise est libératrice. » Bien que le mot de crise ait été, dans la suite des ans, utilisé en politique, en économie, et en bien d’autres circonstances, j’entends lui conserver son sens originel. La civilisation du monde humain traverse une crise. Elle est malade, force nous est de le reconnaître. Elle peut triompher des maux qui la tourmentent et nul ne le souhaite plus ardemment que moi. Elle peut aussi, dans cette épreuve qui traîne en longueur et se complique chaque jour à nos yeux, sombrer pour longtemps, ce qu’Einstein et d’autres savants n’ont cessé d’annoncer depuis la seconde guerre mondiale. Si, comme doit faire tout médecin attentif, j’entends étudier l’anamnèse de cette maladie et de cette crise, je ne crois pas inutile de remonter jusqu’au XVIIe siècle et de considérer comme un des événements de la plus haute importance la nette description de la méthode inductive dans deux ouvrages publiés à 1 Conférence du 7 septembre 1955. La culture est-elle en péril ? 9 quelques années d’intervalle, c’est-à-dire le Novum organum de François Bacon et p.012 le Discours de la méthode, de René Descartes. On ne manquera pas de m’objecter que l’effort de ces deux philosophes s’inscrit dans une longue histoire dont elle ne forme qu’un épisode. En vérité, le siècle de Descartes, ce n’est pas le XVIIe siècle, c’est très exactement notre siècle, le XXe. Je ne suis certainement pas de ceux qui, considérant la marche de l’humanité, ce que l’on appelle, non sans lyrisme, le progrès, se détournent avec humeur et parlent absurdement d’un retour à la nature. Si jamais un retour à la nature se produisait, il serait sans nul doute la conséquence de catastrophes prodigieuses. Par habitude, et conformément à ma formation d’origine, la formation médicale, je demande à juger et je ne me refuse pas à suivre la tradition hippocratique, c’est-à-dire à faire des pronostics. Descartes a mis entre les mains de ses semblables un instrument dont l’usage pouvait « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature ». La question est de savoir de quelle manière les hommes ont employé cette puissance qui leur était ainsi promise. Le problème est et demeure de considérer les événements du temps, et uploads/Societe et culture/ la-culture-est-elle-en-peril.pdf

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