L’effet-clip au cinéma, Laurent Jullier & Julien Péquignot Terme effet-clip : e

L’effet-clip au cinéma, Laurent Jullier & Julien Péquignot Terme effet-clip : employé par critique cinématographique pour stigmatiser certains films ou même certains aspirants stylistiques « gangrenés » par l’esthétique du clip ou de MTV. > péjoratif. Selon le contexte, la « même chose » à l’écran peut relever du « pur » geste artistique comme de la plus banale trivialité mercantile. Article : approche pragmatique de l’effet-clip en tant que type particulier de production de sens et d’affect chez le spectateur. Critique : années 1980 > films gangrenés par esthétique de clip ou de MTV, se contentant d’enchaîner moments de musique populaire + ou – esthétiquement mis en images sans se soucier de la solidité de leur scénario, de la bonne tenue de leur narration ou de la cohérence de la mise en scène >> but uniquement esthétique, mais vide. « […] ces cinéastes néo-publicitaires qui sacrifient tout à l’effet visuel ou graphique, [ces] tenants d’un cinéma clip qui ne pense qu’à satisfaire les jeunes spectateurs, à les faire planer. » (Coursodon et Tavernier 1995, p. 749-750) Dans critiques : clip tjs un moyen de caractérisation esthétique (esthétisme, artificialité, tape-à-l’œil, vitesse) > défaut ou faiblesse (jeunisme, publicité, sensation contre pensée). Il semble donc y avoir un paradigme esthétique : il existe un cinéma ou des séquences « clip » comme il existe des cinémas « expérimentaux », « Nouvelle Vague », ou « série B » Effet-clip : sous certaines plumes = un format importé de la télévision musicale et donc daté à l’apparition du clip (années 1960 si on prend explosion musique populaire à la TV & utilisation de la vidéo comme marqueurs). Pour d’autres, c’est une forme qui se serait vue identifiée, nommée (et stigmatisée) une fois exploitée systématiquement par les clips à partir de l’ « ère MTV » dans les années 1980. D’autres fois, effet-clip = idée esthétique kantienne, « représentation de l’imagination qui donner beaucoup à penser, sans pourtant qu’aucune pensée déterminée, càd sans qu’aucun concept ne puisse lui être approprié et, par conséquent, qu’aucun langage ne peut exprimer complètement ni rendre intelligible » (Kant 1985, 1097) Article = défend idée qu’il ne peut exister que des définitions d’usage de l’effet-clip, et que toute affirmation d’un lien automatique entre l’effet-clip et « mauvaise qualité » (faillite esthétique, artistique, figurale ou éthique » est indéfendable. Une séquence-clip remplace les sons diégétiques par une chanson -ou à la rigueur par un « instrumental », car l’important pour cette musique n’est pas d’avoir ou non une voix chantée, mais de sembler avoir été écrite sans souci de coller aux images, celles-ci devant en revanche se ranger sous sa double bannière rythmique et affective. Un effet-clip, à l’échelle d’une séquence entière ou d’un simple passage, se produit donc quand le montage des images semble largement déterminé par la structure, le tempo et le « climat » de la musique. L’idée se fait jour d’un objet sonore préexistant à l’histoire racontée, même si, en réalité, il a été écrit tout exprès. Du pdv de l’analyste ou du critique, trancher entre l’effet-clip et son inverse, l’effet-cirque (=quand musique s’adapte aux changements qui surviennent à l’image) pas facile. Suspension de la narration le temps d’une pause musicale ou d’une chanson : existe depuis aussi longtemps que le cinéma sonore >> effet-clip a toujours existé. Ex : quand tourtereaux de Casablanca (Curtiz 1942) filent le parfait amour dans le Paris de leur propre passé, il n’y a que de la musique. Mais est-ce suffisant pour parler d’effet clip ? On pourrait tirer définition plutôt du côté des gestes techniques, et en donner une 2nde version + détaillée. Non seulement une séquence-clip remplace les sons diégétiques par de la musique, mais : - Elle privilégie la synesthésie, à la fois synesthésie plastique (correspondance romantique des matières sonores et visuelles) et la synesthésie rythmique (s’établit entre les vitesses et les cadences d’apparition des éléments sonores et visuels) ; - Empêche que cette synesthésie donne lieu à une immersion diégétique > pratique l’autoréflexivité, chaque plan disant « je suis une image ! » Autoréflexivité ne débouche pas sur une prise de conscience du dispositif par le spectateur, mais sur une disparition du représenté au profit d’un effet direct du représentant sur le corps du spectateur (regarder des clips fait plaisir, fait bouger, berce, etc.). Elle s’épanouit, en outre, via l’impermanence des contenus et des styles (on passe sans arrêt du coq à l’âne, à la fois en ce qui concerne le contenu et en ce qui concerne les réglages techniques du cadrage et du montage). L’impermanence n’est pas totale cependant, car certains gestes sont privilégiés : - L’altération de l’iconicité (la transparence « bazinienne » y est mal vue) ; - Le décadrage (tout ce qui peut distingue cadre et champ est le bienvenue) ; - Les manipulations de la vitesse de défilement (ralenti, accéléré, stepmotion…) - Les points de montage elliptiques. Outre l’ellipse pure & simple du changement d’espace-temps, mentionnons le raccord mouvement sans raccord-objet, l’anti-cut et le jump-cut. Problème de ce type de définition (sur gestes techniques) : possible de trouver les figures qu’ils engendrent ailleurs que là où l’on voulait les circonscrire. >> ex : scènes d’actions de blockbusters ou spots publicitaires >> mais sans pour autant « faire clip » Connexion effet-clip au genre musical Et si seulement une affaire de genres musicaux ? > définition « culturelle », plus soucieuse de coller à la chronologie de l’apparition des étiquettes Si on réserve effet-clip & séquence-clip à des passages où chanson ou l’instrumental qui semble commander au montage appartient aux genres rock, pop, soul, rap, etc. & a déjà fait l’objet d’une sortie en single ou de passages radio. Première séquence-clip digne de ce nom du cinéma américain mainstream : Le Lauréat (Nichols, 1967) : routine de 5 à 7 s’installer entre Ben & Mrs Robinson pendant que Simon & Garfunkel égrène ses refrains. > deux chansons enchaînées : The Sound of Silence & April Come She Will pendant que Ben prend peu à peu conscience que cette affaire qui s’étiole (c’est le thème des paroles de la 2nde) n’est qu’une histoire de sexe qui ne résoudra pas ses problèmes existentiels. Le montage de cette s »quence comprend déjà des figures qui feront le succès des clips, comme les raccords-mouvements ménagés à la faveur d’ellipses et de changements d’espace. La séquence-clip s’est installée et banalisée dans le cinéma grand public & les émissions de télévision. Est allé dans les génériques de films, puis les ont quitté > critiques ont pas aimé >> ils voyaient une dilution du sens sur fond d’enjeux commerciaux, de l’effet pour l’effet. Dépend du contexte artistique. Quand séquence-clip : moyen de représenter un sentiment ou de décrire un état intérieur connectés au « feeling » préassocié à la chanson, surtout qd réalisateur « non commercial » était aux commandes, parler de dilution du sens n’était plus de mise. Tentative de lecture sémio-pragmatique >> peut-être faut-il se tourner vers le public, à la recherche d’un effet-clip en tant que production de sens et d’affect par le spectateur. 1er problème : considérée ainsi, la notion d’effet-clip autorise à voir du clip là où il n’est pas censé, technologiquement & culturellement, y en avoir. Ex : qd Les Cahiers du cinéma titrent « Un clip de Jean-Luc Godard » (Burdeau 2005) ils ne visent pas le clip de France Gall qu’il a réalisé en 1996, mais une séquence de Vivre sa vie (1962) censée « rendre visible » la pensée de l’héroïne en train d’écoute Ma Môme. Comment un film tourné 30 ans avant la naissance de MTV peut-il contenir un clip, sachant que certaines figures qu’évoquent l’article, comme le regard-caméra, « font » certes clip mais ne lui sont pas spécifiques. + la chanson n’est pas tjs en off puisque plans sur le jukebox & l’origine réelle (Jean Ferrat). Comment auteur de l’article peut-il parler de clip ? 1) Contamination du regard > l’effet-clip, en partie constitutif du format clip lui-même et importé dans les longs-métrages, (dé)forme le regard du contemporain sur des objets antérieurs présentant certains paramètres du clip. 2) L’effet clip ne date pas du clip et celui-ci n’est qu’une forme contingente d’un principe + général qu’on peut retrouver ailler que dans le cadre de ce qui est recouvert ajd par ce mot. Le contexte fait sens à l’objet, mais l’objet reste. La piste éthique Possiblement « effet-clip » : étiquette utile que l’on mobilise en situation, dans le contexte particulier d’un film, parce qu’on remarque une ressemblance entre ce que nous fait d’ordinaire un clip (ou cherche à nous faire) et ce qui s’est produit dans telle partie du film en question. Effet-clip : typiquement une notion que l’on manie sur le modèle des ressemblances de famille défendu par Wittgenstein. Clips et séquences-clips sont « unis non par un trait commun qui les définit, mais par un réseau complexe de similarités qui se chevauchent et s’entrecroisent » comme les membres d’une même famille se ressemblent. Vision éthique uploads/Societe et culture/ notes-articles-notions.pdf

  • 14
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager