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Global Humanities Quarterly Our multilingual Global Humanities Quarterly features a range of spotlight issues via the views of SISU foreign faculty and scholars. Vincent MERK: L’interculturel, c’est quoi? 31 March 2017 | By Vincent MERK, Université d’Eindhoven (v.merk@tue.nl) | Copyedited by Boris Lopatinsky and Gu Yiqing L’interculturel, c’est quoi? Vincent MERK (v.merk@tue.nl) Universitaire et formateur consultant indépendant Université d’Eindhoven u sens large du terme, l’interculturel, c’est tout ce qui concerne la relation entre les différentes cultures dans le monde des humains. Le concept de « culture » y est donc central. Nous sommes tous héritiers d’une culture… Les définitions abondent dans tous les domaines. L’une, traditionnelle, oppose nature et culture (déjà en latin natura / cultura), mais comprend A tout ce qui touche à la relation de l’homme à la nature. L’autre, plus classique et largement reprise par nombre de praticiens, est « l’ensemble des valeurs et normes, attitudes et comportements, coutumes et habitudes, manières de vivre, faire, communiquer, travailler, etc. propre à un groupe que celui-ci partage ou non, entièrement ou partiellement, avec d’autres groupes, dans une délimitation territoriale ou non, et le tout basé sur l’histoire et les traditions de ce groupe ». Cette notion de partage est importante, car l’individu n’a pas de culture qui lui soit propre. En effet, on ne naît pas avec une culture à soi (même si on admet de plus en plus que certains éléments peuvent être héréditaires et présents dans les gènes, comme par exemple, la relation au bonheur) : elle s’acquiert dans le milieu social, culturel et naturel dans lequel on vit. D’où l’importance des premières années, celles dites formatrices jusqu’à l’âge adulte, qui déterminent le bagage culturel, « l’ADN » d’un individu. Lorsque l’on vit dans sa propre culture, dans sa propre comfort zone où tout semble normal (dans le sens de l’alignement sur les normes et valeurs en vigueur), on oublie cette notion de culture ; elle ne constitue aucune difficulté majeure d’adaptation, puisqu’on évolue dans son propre cocon. La culture est aussi un ensemble dynamique et évolutif, elle n’est donc pas statique. En effet, si on prend la langue comme expression manifeste de la culture à laquelle on appartient, on en mesure bien le caractère changeant: selon l’âge, on parle la langue d’une autre manière, propre à sa génération. Citons quelques définitions (en anglais) bien connues proposées par les gourous de l’interculturel: “Culture is the hidden dimension” (E.T. Hall), “Culture is the collective programming of the human mind”, ou “Software of the mind” - le cerveau étant alors le hardware (G. Hofstede). Autre définition plus sophistiquée et plus percutante: “Culture is the way in which a group of people solves problems and reconciles dilemmas” (E. Schein), ou encore: “We don’t see things as they are… we see things as we are” (A. Nin), qui introduit la notion de filtre culturel et subjectif entre nous et la réalité telle que nous la percevons. …qui a plusieurs dimensions On distingue en général plusieurs niveaux de culture. Le niveau de la culture nationale, manifeste et souvent conflictuel, qui se réclame de l’identité nationale et a nourri les excès que l’on connaît au cours des siècles. Elle peut coïncider avec des domaines géographiques, pays ou territoires reconnus ou pas, voire de nations. Par exemple la culture française propre aux Français vivant en France et parlant français, qui est aussi partagée en grande partie par les Français vivant à l’étranger (c’est mon cas !). D’autres domaines adjacents sont les notions de région, religion, génération, etc. Puis vient la culture professionnelle, plus fédératrice et convergente des métiers entre eux. Les ingénieurs, les enseignants, les médecins, les banquiers, etc. parlent entre eux le même langage et se comprennent, quelles que soient leurs origines nationales. Vient ensuite le niveau de la culture organisationnelle, d’entreprise. Elément fédérateur également, partagé idéalement par les employés et autres parties prenantes. Valeurs affichées et codes de conduite symbolisent et structurent son fonctionnement au niveau humain. Mais là aussi apparaît une dimension éminemment culturelle: des valeurs telles que l’honnêteté, la transparence touchent à l’éthique et peuvent s'interpréter de bien des manières différentes selon le groupe culturel auquel on appartient. Ici apparaît la notion d’universalisme, et surtout de relativisme, sur laquelle nous reviendrons. Cette catégorisation de la culture en différents niveaux, souvent controversée d’ailleurs, car simplificatrice, permet ici de mieux décrire la chose et sert à la démonstration du caractère complexe et nuancé de l’interculturel en général. Je précise tout de go que dans les relations humaines, tout n’est pas culturel, loin de là, et que les aspects interpersonnels, subjectifs et psychologiques jouent un rôle important aussi. Prenons comme exemple le cas de deux personnes de nationalités et de professions différentes travaillant ensemble, mais auxquelles les dénominateurs communs décrits ci-dessus feraient donc défaut. Leur collaboration pourrait s’avérer efficace grâce à l’affinité qu’elles sauraient développer dans leur travail. C’est ici le niveau psychologique de la culture. Cela dit, connaître et ainsi appréhender les différences culturelles lorsque l’on travaille ensemble peut aider à optimiser une collaboration interpersonnelle, sans pour autant oublier l’aspect humain et individuel, les caractères qui se ressemblent et s’assemblent et la reconnaissance inconsciente des affinités qui peut en découler. Des recherches récentes en neurobiologie et en neuropsychologie tendent à cadrer et structurer cet aspect important de l’interculturel, et constituent une nouvelle branche d'étude. L’interculturel dans tous ses états L’interculturel est une discipline scientifique, une science à part entière, relativement récente. Elle est née comme telle il y a fort longtemps, mais a pris de l’ampleur comme domaine d’étude et d’application après la deuxième guerre mondiale sous l’impulsion d’anthropologues américains (E.T. Hall) ou français (C. Levi-Strauss), pour ne citer ici que ces deux chercheurs connus. Elle se caractérise par une très grande interdisciplinarité, aussi bien au niveau des sources - les autres sciences dont elle s’inspire ou découle - que dans les domaines d’application très variés qu’elle englobe et sert. En voici les principales : anthropologie, sociologie, psychologie, (psycho)linguistique, langues et traductions, philosophie, littérature comparée, économie et gestion/ management, voire médecine, politique et diplomatie. Ce caractère interdisciplinaire lui confère aussi un aspect de superficialité, souvent relevé par les puristes à science unique. Ses champs d’application sont les suivants: recherche (universitaire), éducation (multilingue et pluriculturelle), management (ressources humaines, formation, conseil et coaching), politique, diplomatie, police et armée (forces d’intervention ou de maintien de la paix), santé et médecine, écologie, etc. L’interculturel fait souvent partie intégrante de formations en entreprise dans les domaines de la négociation, communication, gestion du changement, fusions-acquisitions, responsabilité sociale et environnementale (corporate social responsibility), dynamique de groupe, gestion d’équipe virtuelle, etc. L’interculturel, tout en existant déjà dans beaucoup de pratiques professionnelles (voir ci-dessus) a pourtant mis longtemps à se développer comme véritable matière d’enseignement à proprement parler. Il est à présent enseigné partout dans le monde, essentiellement dans l’enseignement supérieur. Il existe par exemple des filières de formation à la communication interculturelle, aux langues étrangères appliquées, à la négociation internationale, etc. ou à des domaines aux titres plus percutants en anglais : cross-cultural psychology, cultural anthropology, intercultural studies, intercultural management, gender studies, etc. Cet essor de l’interculturel dans l’enseignement reflète la mondialisation en marche et répond à un besoin réel de formation structurée à tous les niveaux. La France n’y échappe pas, et nombre d’universités proposent des masters spécialisés dans les domaines précités. L’Université Paris-Dauphine, par exemple, offre un master complet en Management Interculturel (cf Références ), et beaucoup d’écoles d’ingénieurs et de commerce (par exemple Skema à Lille et Audencia à Nantes) dispensent des formations dans divers domaines de spécialité. Cette science et matière d’enseignement récente est née, on l’a vu ci- dessus, sous l’influence d’anthropologues, surtout nord-américains, dont Edward Hall, Clyde Kluckhohn, Clifford Geertz et le psychologue social Fred Strodtbeck qui sont parmi les plus connus (cf Références). Des travailleurs sociaux, voire des missionnaires, militant dans des organisations telles que le Peace Corps, ont également contribué à son développement dans les années 1960-70. Puis c’est l’association SIETAR (Society for Intercultural Education, Training And Research), d’abord nord-américaine elle aussi, et mondiale à présent, qui a structuré et fait connaitre l’interculturel comme discipline scientifique en évolution. Des chercheurs et formateurs ont ensuite ici et là pris des initiatives plus ou moins personnelles ou professionnelles, souvent dictées par des circonstances de travail ou d’exposition à l’interculturel. Citons le Néerlandais Geert Hofstede, ingénieur de formation et docteur en psychologie sociale, reconnu comme un des pères fondateurs de l’interculturel, qui a mené une large recherche sur les effets de la culture sur la communication, les attitudes et les comportements dans le monde de l’entreprise chez IBM, liant ainsi culture nationale et organisationnelle. En a résulté un modèle pour appréhender les différences culturelles (cf Références). Le Belge Pierre Casse a lui aussi été à la base de cette évolution mondiale. Dans la foulée, d’autres scientifiques, universitaires et formateurs, se sont lancés dans le développement et la promotion de l’interculturel. En voici quelques-uns parmi les plus connus : les Américains Janet et Milton Bennett, qui ont créé le modèle DMIS (Developmental Model of Intercultural Sensitivity), uploads/Societe et culture/ susi-linterculturelcestquoi.pdf

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