é d i t i o n s 1 Petite histoire politique et sociale du tatouage. L a pratiqu

é d i t i o n s 1 Petite histoire politique et sociale du tatouage. L a pratique du tatouage est universelle. On la retrouve historiquement sous toutes les latitudes, tous les continents, toutes les civilisations. Il n’est pas de tribu, si minime et isolée qu’elle soit, qui n’ait pas pratiqué la modification corporelle au même titre que la danse, la musique ou les psychotropes. Que l’on parle de tatouage, de scarification ou de tout autre type de modification corporelle, cela a toujours été intégré dans les codes des sociétés et significatif de la place que les individu-e-s y occupent. La modification corporelle fonctionne comme marque du statut social : passage à l’âge adulte, mariage, place hiérarchique, tout est inscrit dans le corps, véhiculant de ce fait une marque de violence, une Première machine, en 1891. Tatouages traditionnels polynésiens: à gauche, le Pe-a pour les hommes, à droite, le Malu réservé aux femmes. Guerriers des îles britanniques aux alentours de l’an 400. souffrance à supporter, une épreuve qui donne accès à une place codifiée dans la société. Dans un monde qui, à de rares exceptions près, est tout entier soumis au système patriarcal, on embellit les femmes selon des canons de beauté spécifiques. On les décore. Les modifications corporelles esthétisantes les donnent à voir en tant qu’objet à acquérir ou à conserver, en tout cas à convoiter. La virginité, la puberté, le mariage, l’adultère et la fertilité sont présentés par des codes reconnaissables par tous-tes. Les hommes sont quant à eux virilisés par des marques de puberté, d’épreuves, des symboliques de force, de protection ou de statut social. C es pratiques ont dominé le monde jusqu’à l’arrivée des grandes religions monothéistes. La conception d’un dieu unique décharge les sociétés de la pluralité des modèles. On ne s’identifie plus à des forces naturelles ou symboliques (dieu de la guerre, déesse de la sagesse etc), mais à une entité dominante, désormais unique, qui ne peut que nous ressembler, attendu que nous sommes les seuls êtres vivants à la concevoir et, de fait, à s’en réclamer : si Dieu nous ressemble, alors nous devons lui ressembler au mieux pour s’en rapprocher. Le monde monothéiste rejette donc ces marques qui altèrent un corps devenu sacré dans sa pureté originelle. La circoncision est une exception de la religion judaïque. On peut penser qu’outre la considération hygiénique, le fait que le pénis de Dieu n’ait jamais été envisagé en représentation ait facilité cette exception. Pour autant que l’homme soit à l’image de dieu, ce n’est pas le cas de la femme. Dans la genèse de ces religions, la femme n’intervient que comme objet de compagnie et propre à propager l’espèce. Elle est exclue de la divinité afin de la maintenir en domination et son corps en répète les marques, même si celles-ci se font plus discrètes. Ce n’est pas pour rien que le perçage des oreilles des femmes, y compris très jeunes, est resté une tradition fortement ancrée en occident. Ce n’est pas pour rien non plus si le tatouage érotique a perduré au Maghreb par delà des interdictions et autres blasphèmes. Pendant plusieurs siècles, l’altération du corps est donc l’altération de l’image de Dieu. En dehors des « décorations » féminines, les modifications corporelles deviennent traces d’infamie. Marquages au fer rouge, amputations, sévices et tortures, tatouages forcés dégradent donc non seulement l’intégrité physique des supplicié-es, mais aussi leur part de divinité. La justice des hommes précède la justice de Dieu. Dans l’univers monothéiste, les modifications corporelles volontaires disparaissent presque intégralement. N’en reste que l’image du mal absolu, punitif et infamant. Perçage des oreilles au pistolet sur une nourissonne, pratiqué traditionellement en occident. L es grandes civilisations d’orient, en dehors de quelques parcelles converties à l’un des trois monothéisme, ont conservé un rapport pluriel à la divinité. La pratique des modifications corporelles y a perduré. Si les aspects religieux et sociaux en sont resté le socle, ce sont des évolutions économiques et politiques qui en ont fait évoluer l’usage, les régulant dans des sociétés bien plus vastes que les cellules tribales : des nations, des royaumes, des empires. Le social local est devenu politique global, et le tatouage a pu devenir une marque de féodalité (signifiant l’appartenance complète, physique et morale, à tel ou tel seigneur de guerre), un signe de reconnaissance entre membres d’une même secte (organisations multiples travaillant sur fond d’idéologie commune à un intérêt économique et d’influence, parfois proches d’une organisation toute militaire), un élément décoratif ou sensuel. Il est intéressant de voir qu’au Japon et sur une grande partie de la Chine, le tatouage est à la fois devenu plus étendu sur la surface du corps, plus fourni, plus éclatant, tout en étant circonscrit à des places réservées sous les vêtements, invisibles sur des individu-es habillé-es. Le code est toujours présent et même de plus en plus affirmé, mais réservé à certains regard avertis. Le commun des mortel-les n’y a pas accès. Cela prolonge la dimension de rang social, ou de caste sociale en l’occurrence, qui a bel et bien perduré au delà des pratiques tribales. De plus, on retrouve encore une fois des schémas fortement sexués dans les modifications corporelles. Une iconographie bestiale ou symbolique toujours signe de force ou de protection sur des hommes élevés pour la guerre, à la Peau embaumée et conservée au Japon. Pieds de femme Chinoise, torturés depuis la nais- sance, comprimés dans des bandelettes et des chaussures trop petites. fois soumis à une domination féodale aveugle et détenteurs du pouvoir des armes. Les femmes sont une fois de plus objectivées, portant fards, bijoux et coiffures extrêmement sophistiquées, des vêtements entravant les mouvement jusqu’à les rendre pratiquement incapables de marcher, leurs pieds torturés et atrophiés (en Chine) réduisant encore un peu plus l’usage de leur propre corps. Le tatouage est tout à la fois signe de sensualité et de soumission. Le rang social est encore extrêmement marqué : hommes et femmes de basses conditions ne peuvent arborer aucun signe corporel, les femmes conservant leurs capacités physiques afin de pouvoir travailler efficacement. L e retour des modifications corporelles en occident se fait à l’époque des grands voyages maritimes, lors de l’expansion coloniale des puissantes nations d’Europe, et ce par deux mouvements qui vont se télescoper. D’une part, des marins se trouvent confrontés à des peuples ayant conservé la pratique des modifications corporelles. Ces pratiques ont d’ailleurs renforcé la conviction de supériorité des conquérants sur des tribus tellement éloignées de dieu qu’elles en altéraient l’image, les ravalant d’autant mieux au statut d’animaux sans âmes et dont on peut disposer à loisir. Par l’esclavage, par les cabinets de curiosité ou l’on exhibait des « sauvages » portant tatouages, scarifications et autres plateaux au milieu de la belle société, les pratiques corporelles, bien que toujours considérées comme marques du mal, sont réapparues. Certains marins, se liant d’amitié avec des autochtones, ont commencé à se faire tatouer et percer selon leurs rites et coutumes. Pirates et corsaires en furent les plus grand-es représentant-es, allant jusqu’à s’installer définitivement au sein d’une tribu, dans un mode de vie qui correspondait mieux à leurs idéaux. D’autre part, si cette époque est celle du christianisme triomphant, elle ne l’est que par l’expansion économique qui le précède. Si le travail est utile à l’économie, alors le travail sera une punition idéale pour qui outrepasse les lois des hommes ou de Dieu, les lois de Dieu se rangeant aux lois économiques (On se souviendra de ces natif-ves d’Amérique du sud ne pouvant John Rutherford, tatoué par les Maoris vers 1821. être de nature divine attendu qu’illes ignoraient la valeur de l’or.) De ce fait, au lieu d’emprisonner ou d’exécuter systématiquement, bagne et mise aux galères deviennent un moyen de punir économiquement viable. De la même manière, on se sert de condamné-es pour coloniser les nouvelles terres trop hostiles. Tout ce bas peuple, qui était jusque-là isolé en cachot, exécuté ou rendu à la société amputé de quelque membre et condamné à la mendicité, ce peuple, donc, se voit réuni dans des lieux de travail forcé. Maintenu à l’écart de ses maîtres et de la population environnante, il forme des micro-sociétés. En ces lieux violents, à l’ espérance de vie plus que limitée, des codes se sont ré-instaurés. Ce qui était autrefois marque d’infamie devient un lien social, et la modification corporelle reprend un aspect positif de l’intérieur et négatif depuis l’extérieur. C’est dans ce croisement violent de l’apport tribal esclavagisé et de la concentration criminelle que tatouages et modifications corporelles refont surface en Occident. C’est logiquement chez les marins que le tatouage a pris son essor. Il devient à la fois une identification sociale entre les gens de peine à bord des bateaux et une bravade face à celleux qui les dirigent. L’ exemple de ces marins se faisant encrer un crucifix sur le dos afin d’échapper au fouet qui aurait alors lacéré une image divine est caractéristique de ces pratiques qui deviennent des formes de résistance face à une oppression. (On retrouvera plus tard le uploads/Societe et culture/ tatouage-libre-page-par-page.pdf

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