Mondes du Tourisme 14 | 2018 Habiter le Monde en touriste Habiter comme un camp

Mondes du Tourisme 14 | 2018 Habiter le Monde en touriste Habiter comme un camping-cariste : de l’art d’être mobile et de stationner au quotidien Living as tourist in motorhome: the art to be mobile and to park daily Rodolphe Dodier Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/tourisme/1579 DOI : 10.4000/tourisme.1579 ISSN : 2492-7503 Éditeur Éditions touristiques européennes Référence électronique Rodolphe Dodier, « Habiter comme un camping-cariste : de l’art d’être mobile et de stationner au quotidien », Mondes du Tourisme [En ligne], 14 | 2018, mis en ligne le 30 juin 2018, consulté le 30 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/tourisme/1579 ; DOI : 10.4000/tourisme.1579 Ce document a été généré automatiquement le 30 avril 2019. Mondes du tourisme est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International. Habiter comme un camping-cariste : de l’art d’être mobile et de stationner au quotidien Living as tourist in motorhome: the art to be mobile and to park daily Rodolphe Dodier Introduction 1 Les groupes sociaux sont aujourd’hui de plus en plus délimités par des pratiques sociales spécifiques, en particulier par la mobilité qui apparaît comme une « nouvelle frontière » pour les sciences sociales (Urry, 2005). Les camping-caristes formeraient-ils alors l’un de ces groupes sociaux ? Se caractérisent-ils à la fois par une manière spécifique de faire du tourisme et par une nouvelle manière d’habiter ? Le terme « camping-caristes » s’entend ici au sens de touristes utilisant un camping-car ou un fourgon aménagé, à la fois pour se déplacer et pour résider au moins une nuit hors du domicile. Les travaux de synthèse sur ce sujet sont peu nombreux ou portent plus sur le modèle nord-américain (Forget, 2012) que sur les espaces européens. En France, les travaux sur l’habitat mobile (Le Marchand, 2011) s’intéressent aux actifs, souvent intérimaires, qui utilisent ces formes d’hébergement dans le cadre de leur travail et non aux pratiques touristiques. La question peut toutefois être abordée en se focalisant sur l’interface entre les travaux fondamentaux sur l’habiter contemporain (Lazzarotti, 2006) et les approches plus pragmatiques sur les modes d’habiter (Mathieu, 2012). La principale hypothèse de transformation de l’habiter contemporain est celle de la montée de l’habiter polytopique (Stock, 2006). La multiplication des lieux de résidence, l’intense mobilité quotidienne ou de tourisme semblent conduire à l’émergence d’un nouveau modèle d’habiter, que pourraient illustrer les pratiques des camping-caristes. 2 Travailler sur l’habiter ou sur les modes d’habiter est ainsi une nouvelle manière de travailler sur les inégalités socio-spatiales. De nouveaux plans de différenciation sociale se surimposent à ceux issus du fonctionnement des sociétés fordistes, différenciations Habiter comme un camping-cariste : de l’art d’être mobile et de stationner au... Mondes du Tourisme, 14 | 2018 1 Mise en contexte sur les différents sujets qui vont être traités dans cet article. I sociodémographiques selon l’âge ou socio-économiques selon le revenu ou la position dans le travail (Murdie, 1968), et du fonctionnement des sociétés postfordistes, nouveaux types de ménages, différenciations socioéconomiques selon la position sur le marché du travail, rôle renouvelé de l’appartenance communautaire (Scott et Soja, 1996), qui restent toutes valides. Toutefois, dans la période contemporaine, de nouvelles différenciations directement liées à l’espace semblent émerger, ayant trait à la maîtrise des métriques, des distances, des différents modes de transport, des manières d’être en mobilité, etc. Le tout forme sinon un capital spatial (Cailly, 2007 ; Lussault, 2007), du moins un ensemble de compétences fortement clivant. 3 S’intéresser aux touristes en camping-car permet de décentrer le point de vue, en considérant le véhicule comme un domicile mobile et non en se focalisant sur le domicile fixe. Cet exemple permet de comprendre comment fonctionne la mise en place des pratiques spatiales des camping-caristes et, au-delà de ce groupe social, de l’ensemble des individus. Quelles sont les stratégies de déplacement et de stationnement, à l’échelle de la personne, du couple ou de la famille ? Les individus construisent-ils des routines comportementales afin de trouver leur place, au sens littéral comme symbolique du terme ? Comment interagissent-ils avec les pratiques spatiales d’autres camping-caristes ou avec les postures différenciées des riverains ? Quelles sont les formes d’appropriation de l’espace mises en place par le groupe social des camping-caristes ou par les autres groupes sociaux présents ? Quelles sont les formes de régulation mises en place par les pouvoirs publics ? En répondant à ces questions, le but de ce travail encore exploratoire est bien de comprendre les transformations contemporaines des modes d’habiter. 4 Au sein du groupe social des camping-caristes, les pratiques concrètes de stationnement ont fortement évoluées ces dernières années, sous l’influence combinée d’une pression touristique plus forte, de l’apparition de nouveaux comportements et de la mise en place de véritables politiques publiques autour de cette question. Les individus acquièrent de nouvelles compétences spatiales dans l’art de stationner au quotidien, en se confrontant à l’Autre, à d’autres valeurs, à des représentations divergentes, à des normes contraignantes ou à des aménagements. Les modes d’habiter qui en découlent sont de plus en plus divers, basés sur des formes d’itinérance variées, du séjour touristique classique au nomadisme contemporain. 1. Questionnements autour de l’habiter contemporain 5 La notion d’habiter est devenue, au fil des ans, un concept clef des sciences sociales francophones, permettant un véritable dialogue interdisciplinaire autour d’une question centrale, celle des changements des modes de vie contemporains au sein d’une société d’individus mobiles (Stock, 2004). Plusieurs acceptions du terme coexistent : résider, être- là-au-Monde-qui-est, agir spatialement dans le contexte du quotidien… Dans ce travail, une approche pragmatique, centrée sur les modes d’habiter, sera privilégiée, en considérant le camping-car comme la base d’un habiter mobile. 1.1 Habiter et modes d’habiter 6 Les différentes acceptions du concept d’habiter peuvent être regroupées en trois pôles plus ou moins distincts. Le premier consiste à lui donner le sens étroit de résider, comme dans la définition donnée dans le Dictionnaire de l’habitat et du logement : « fait de rester Habiter comme un camping-cariste : de l’art d’être mobile et de stationner au... Mondes du Tourisme, 14 | 2018 2 Citation des anciennes et nouvelles différences apparues suite à ce nouveau moyen de déplacement Questionnement sur la mise en place des pratiques spatiales des camping-caristes Énumération des trois concepts sur la nouvelle façon d’habiter dans un lieu donné et d’occuper une demeure » (Ségaud et al., 2003). L’analyse est alors centrée sur les pratiques du domicile, notamment en étudiant la manière qu’ont les individus d’occuper leur logement, la répartition des rôles et de l’espace entre les membres du ménage, etc. (Arbonville, 1998). Cette approche restrictive est moins courante à l’heure actuelle mais est intégrée à de nombreux travaux portant sur les modes d’habiter. 7 Un deuxième sens, beaucoup plus théorique et philosophique, est inspiré du Dasein de Heidegger, ce qu’André-Frédéric Hoyaux (2003) traduit par l’expression « être-là-au- monde-qui-est ». Cela permet d’insister sur le fait que les individus habitent l’ensemble de l’espace, donc le Monde (Lazzarotti, 2014), se placent par rapport aux autres (Lussault, 2009) et se pensent comme tels (Hoyaux, 2015). Il s’agit donc d’analyser la condition géographique des individus (Lazzarotti, 2006) par des approches empiriques basées sur un faible nombre d’individus, mais qui permettent de construire une véritable approche ontologique de l’habiter contemporain. 8 Enfin, une dernière acception se focalise sur l’ensemble des pratiques spatiales ordinaires, celles de la géographie du quotidien (Di Méo, 1999) des individus. Cette forme d’habiter regroupe à la fois la manière d’habiter son logement, au sens étroit de résider, les pratiques spatiales qui sont indispensables à l’insertion matérielle de l’individu dans la société et plusieurs dimensions symboliques du rapport à l’espace (Dodier et al., 2012). Les pratiques spatiales sont généralement organisées à partir d’un centre, qui est le lieu de résidence, et permettent à l’individu de s’insérer dans des groupes sociaux et de trouver une place dans la société. Elles sont engendrées par la survie biologique (se nourrir, dormir, etc.), la reproduction sociale (travailler, consommer, loger sa famille, se déplacer) ou la réalisation de soi (relations sociales, besoins récréatifs, aspiration à la connaissance ou à la culture, etc.). Des besoins variés s’expriment donc au quotidien et les individus habitent l’espace à travers ces pratiques spatiales ordinaires mais aussi en l’investissant, en se l’appropriant, en le prenant éventuellement comme référent identitaire. 9 Dans ce dernier cas, le concept d’habiter s’inscrit dans la filiation de deux autres concepts géographiques plus anciens, l’espace vécu (Frémont, 1976) et la territorialité (Raffestin, 1986). Le premier insistait déjà sur l’articulation dialectique entre les pratiques concrètes et les dimensions symboliques de l’espace. Le second a permis de mieux articuler les dimensions individuelle (la territorialité habitante) et collective, qui fait de certains espaces des territoires appropriés et des référents identitaires. L’utilisation du verbe habiter permet désormais de promouvoir clairement une approche actorielle (Lévy, 1999), à la fois individuelle et collective, mais également de ne pas se restreindre à la forme spatiale du territoire, celle-ci n’étant qu’un possible au même titre que le lieu (et notamment les « hauts lieux », qui jouent uploads/Voyage/ article-scientifique.pdf

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  • Publié le Jui 13, 2021
  • Catégorie Travel / Voayage
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