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HAL Id: halshs-01017228 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01017228 Submitted on 2 Jul 2014 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. La Main du potier : le récit de voyage dans la littérature anglaise Jean Viviès To cite this version: Jean Viviès. La Main du potier : le récit de voyage dans la littérature anglaise. Atala. Cultures et sciences humaines, Lycée Chateaubriand, Rennes, 2010, pp.29-36. <halshs-01017228> La Main du potier: le récit de voyage dans la littérature anglaise Jean Viviès, Université de Provence, LERMA (E.A 853) « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre » (Blaise Pascal). "Les récits de voyage sont aussi anciens que les voyages eux-mêmes — sinon plus" (Tzvetan Todorov). L'insularité a ses paradoxes: les lettres anglaises sont riches en récits de voyage, sans doute parce que pour l'insulaire l'ailleurs est source d'un attrait particulier. Bien avant l'Empire britannique, l'Anglais avait la réputation d'être un grand voyageur. En 1745, l'abbé Le Blanc remarquait: "Il est sûr que les Anglois sont le peuple de l'Europe qui voyage le plus"1. Le Méphistophélès de Goethe s'étonne même de ne pas en trouver parmi les sorciers et sorcières des nuits de Walpurgis. S'ils ont depuis longtemps trouvé leur public, les récits de voyage n'ont pas vraiment réussi jusqu'à une période récente à susciter l'attention de la critique littéraire universitaire et à être pris complètement au sérieux. La tradition du travel writing britannique est certes fort bien établie mais ces récits n'ont pas toujours paru relever de la littérature et sont demeurés étrangers aux intenses débats critiques et théoriques qui ont agité d’autres domaines comme le roman.Certes ils ont toujours suscité l’intérêt , constituant de précieuses sources primaires pour les historiens ou les ethnologues. Mais de ce fait on a eu tendance à les 1 Lettres d’un François, La Haye, 1745, t ; I, p . 48. 2 aborder avant tout comme des documents et à en négliger la dimension littéraire. D’autre part, l'examen de ces récits révèle une très grande diversités sans doute parce qu’il est mille manières de voyager : on peut choisir de parcourir le vaste monde ou voyager autour de sa chambre, de cheminer dans sa tête ou d’arpenter la bibliothèque. Les types de voyageurs sont également nombreux: écrivains engagés comme le vingtième siècle en a connu beaucoup, en Russie ou en Chine par exemple, ou en quête du frisson de l'inconnu, voyageurs sentimentaux, pèlerins, explorateurs, scientifiques ou simples dilettantes. Laurence Sterne dans son Sentimental Journey through France and Italy (1768) avait dressé une typologie facétieuse des différents catégories d’homo viator selon les motivations de leur voyage. Voyageurs oisifs, Voyageurs curieux, Voyageurs menteurs, Voyageurs orgueilleux, Voyageurs vaniteux, Voyageurs qui s’ennuient. Viennent ensuite les Voyageurs par nécessité : Le Voyageur délinquant et criminel, Le Voyageur infortuné et innocent, Le Simple Voyageur Enfin le dernier de tous (s’il vous plaît) Le Voyageur sentimental (autrement dit moi-même).2 Dès lors les récits de tous ces voyageurs sont tout aussi divers. Constituent-ils tous ensemble, au delà de leur diversité, un genre ? Définir conceptuellement le genre littéraire du récit de voyage n’est pas aisé si 2 Laurence Sterne, Le Voyage sentimental, édition de Serge Soupel, traduit par Aurélien Digeon, Paris : Garnier-Flammarion, 1981, p. 49. 3 l’on cherche un peu de rigueur. Écriture d'un déplacement, dira-t-on. Peut-être mais quelle écriture au fond ne l'est pas ? Et un contenu référentiel, le voyage, peut-il suffire à définir un genre ? Si on laisse de côté le contenu narré pour considérer la forme narrative et si l'on aborde donc la question du côté de la mise en forme textuelle, on rencontre une aussi grande hétérogénéité: lettres, journaux, mémoires, récits, écrits divers proches de genres connexes comme l'histoire, l'autobiographie, voire la géographie ou l’anthropologie. On semble avoir affaire à un genre protéiforme, hybride, dépourvu de toute "loi du genre". A sa manière Jonathan Raban, praticien et théoricien, a souligné l’impureté qu’implique le mélange des genres, expression toujours péjorative: « le récit de voyage est une maison mal famée et dissolue dans laquelle des genres très différents ont toutes les chances de se retrouver dans le même lit »3. Par conséquent l’on se contente parfois, faute de mieux, de distinguer les récits à partir des lieux du voyage : récits de voyage en Afrique, en Orient, en Grèce, en Italie, etc. Quant à la distinction entre récits réels et fictionnels, elle n'est pas si aisée à établir. Elle n’est d'ailleurs pas toujours pertinente. L'incertitude est présente du reste dès les origines. Au début du quatorzième siècle les Travels of Sir John Mandeville racontent un périple à travers de nombreux pays du Moyen-Orient et de l'Extrême- Orient, de la Palestine à la Chine. Reçu pendant des siècles comme un récit de voyage réel, le récit de Mandeville est pourtant un récit fictionnel, au narrateur lui-même fictif. En apparence le "roman de voyage" est certes bien distinct du récit de voyage parce qu’il est de nature fictionnelle : voir Conrad ou Stevenson. Mais le récit de voyage fonctionne à bien des égards comme le roman : lui aussi il façonne son matériau, le "met en intrigue" (même si les procédures qu'il met en œuvre sont moins évidentes) et donc à ce titre il présente des traits similaires à ceux du genre romanesque. Et quand bien même on souligne la parenté, ou la continuité, entre récit de voyage 3 Cité par Barbara Korte, , English Travel Writing. From Pilgrimages to Postcolonial Explorations, Basingstoke: MacMillan, 2000, p. 9. Ma traduction. 4 et roman, et que derrière l'inventaire on discerne l'aventure, une hiérarchie de valeurs semble souvent s'insinuer de manière sous-jacente. On a tendance à présenter le récit de voyage comme un laboratoire, ou un répertoire, pour la fiction. Il ne serait pas l'œuvre achevée mais le brouillon. Comme si le récit de voyage était le Sancho Pança d'un Don Quichotte au sang plus noble, un Sancho qui dirait le monde dans les termes du vulgaire là où Don Quichotte le dit dans les termes de la fiction. Là où l'un ne voit que des moulins à vents, l'autre distingue des géants, ils n'ont que des ailes pour l'un, mais des bras pour l'autre, et quand Sancho rencontre un hôtelier, Don Quichotte s'adresse au commandant d'une forteresse4. Voyager dans les récits de voyage de la littérature anglaise, c'est se confronter à un ensemble de textes qui se jouent des frontières génériques et qui ne disent pas toujours clairement ce qu’ils sont. Les Anglais, ces insulaires qui éprouvent pour l'ailleurs une fascination-répulsion, sont depuis longtemps de grands voyageurs. Ils sont d’ailleurs très vite à l’étranger. L’étranger commence en effet à peine franchies les falaises de Douvres. Comme aime à le souligner plaisamment Julian Barnes, leurs plus proches voisins sont au sud les Français et sur les autres côtés des millions de poissons5. Sans remonter aux origines et au voyage élisabéthain, la tradition du Grand Tour au XVIIIe siècle puis deux siècles d'impérialisme allaient accentuer ce trait. Les écrivains canoniques du XVIIIe siècle, remarquons-le, sont pour la plupart des auteurs de récits de voyage: Joseph Addison, Daniel Defoe, Henry Fielding, James Boswell, Samuel Johnson, Tobias Smollett, Laurence Sterne, Horace Walpole, William Beckford, Ann Radcliffe. La plupart ont entrepris le fameux Grand Tour qui les entraînait en Europe, surtout en France et en Italie, beaucoup moins souvent en Espagne comme Beckford en 1787-88. C'est un romancier, Henry Fielding, qui sera dans la préface à son Journal of a Voyage to Lisbon (1755), l'un des premiers à tracer les contours du genre. 4 Voir Christine Montalbetti, Le Voyage, le monde et la bibliothèque, Paris : Presses universitaires de France, 1997. 5 Something to Declare, London : Picador, 2002, p. xv. 5 Comme il l’avait fait dans les préfaces de ses romans, en particulier dans Joseph Andrews, où il entreprenait de fonder une nouvelle « province » de la littérature, le roman, Fielding fixe des règles., il présente son récit comme véridique et s’il entend distraire, il entend aussi exclure toute affabulation6. Viendront ensuite les voyageurs romantiques: William Wordsworth, Lord Byron et Samuel Taylor Coleridge qui décriront leurs hauts lieux comme les Alpes, notamment le Mont Blanc, véritable rite de passage de leur génération. Au dix-neuvième siècle le voyage s'intensifie et le voyageur anglais ne cesse de buter sur d'autres voyageurs anglais (Trollope, Ruskin, Dickens le diront). Ruskin déplorera dans Modern Painters (1856), de buter dans ses excursions sur les sommets sur d'autres reliefs, ceux de repas laissés par les touristes, os de poulet et coquilles d’œuf. On ne cessera de croiser des idiots du uploads/Voyage/ la-main-du-potier.pdf

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  • Publié le Jan 10, 2021
  • Catégorie Travel / Voayage
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