histoire L’Europe archéologique Sous la direction de Jean-Paul Demoule c o l l
histoire L’Europe archéologique Sous la direction de Jean-Paul Demoule c o l l e c t i o n f o l i o h i s t o i r e Sous la direction de Jean-Paul Demoule L’Europe archéologique Gallimard © Éditions Gallimard/Inrap, 2009. © Éditions Gallimard/Inrap, 2021. Cartes et frises réalisées par EdiCarto. Couverture : Anse d’un chaudron en bronze – détail : le dieu grec Acheloos, V e siècle avant J.-C. Tombe princière, Lavau, 2015. Photo © Denis Gliksman, Inrap. Jean-Paul Demoule est professeur émérite de proto histoire européenne à l’université de Paris I (Panthéon- Sorbonne), membre honoraire de l’Institut Universitaire de France, et ancien président de l’Inrap. Ont contribué à cet ouvrage Irene Berlingò, direction générale du Patrimoine archéologique de Rome, Italie Lukas Clemens, université de Trêves, Allemagne Patrice Cressier, Centre national de la recherche scientifique, France Barry Cunliffe, université d’Oxford, Grande- Bretagne Jean-Paul Demoule, université Paris 1 Panthéon- Sorbonne, France Sonia Gutiérrez Lloret, université d’Alicante, Espagne Joachim Henning, université de Francfort-sur-le- Main, Allemagne Kristian Kristiansen, université de Göteborg, Suède Antoon Cornelis Mientjes, université d’Amsterdam, Pays-Bas Marcel Otte, université de Liège, Belgique Hermann Parzinger, Institut archéologique de Berlin, Allemagne Alain Schnapp, université Paris 1 Panthéon- Sorbonne, France Annie Schnapp-Gourbeillon, université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, France Jean-Pierre Sodini, membre de l’Institut, France Jaroslav Tejral, Institut archéologique de Brno, République Tchèque L’Europe archéologique 10 Préface « POUR FAIRE FACE À UNE HISTOIRE LONGUE DE L’EUROPE » Il y a une douzaine d’années paraissait la pre mière édition de cet ouvrage. L’Union européenne s’élargissait à 27 nations et l’on fêtait les 50 ans de sa construction. À l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives), à l’éditeur et aux auteurs semblait alors opportun de raviver la mémoire d’une histoire commune et de dessiner les contours d’un destin collectif en faisant un bilan de 30 ans de recherches archéologiques. Le livre eut un fort succès et compte aujourd’hui comme un classique. Cette nouvelle édition en format poche paraît alors que le Brexit crée comme une déchirure dans le pro jet européen, que différentes formes d’euroscepti cisme gagnent du terrain et que, face à des menaces sanitaires ou de sécurité publique, des frontières — y compris intérieures à l’Union — semblent faire leur retour. De même, les sciences sociales sont visées par des atteintes à la liberté scientifique et la crainte de crises économiques et sociales fait douter de la pour suite du développement d’une Europe de la culture. Pourtant, dans l’opinion publique, selon un récent sondage sur la perception de l’archéologie et du patrimoine archéologique par les Européens, la dis cipline reste populaire (Inrap et Harris-Interactive, 2017) : 83 % des personnes interrogées déclarent que développer et soutenir l’archéologie est important pour leur pays et 92 % des Européens sont favorables au principe de l’archéologie préventive. De même, en France comme dans une majorité des États membres, face à d’autres urgences qui ont surgi durant la pandémie de la Covid-19, les décideurs n’ont pas remis en cause l’exercice de cette activité et ont même soutenu de façon inégalée l’action des chercheurs. Le fait semble acquis : pour préparer ou affron ter l’avenir, il apparaît important de faire face au passé, y compris le plus ancien. La construction européenne s’est effectuée en parallèle à un déve loppement accru de l’aménagement des territoires à la suite du deuxième conflit mondial, de la réalisa tion d’infrastructures routières ou ferroviaires, d’une évolution des pratiques agraires, d’un sensible essor démo graphique et d’un processus d’urbanisation iné dit. Ces phénomènes ont entraîné la mise au jour de nombreux vestiges archéologiques qui furent long temps détruits avant qu’une réglementation adaptée et une professionnalisation de la discipline per mettent leur sauvegarde, le plus souvent par l’étude. En France, l’Inrap fêtera bientôt son vingtième anni versaire ; ses collaborations avec d’autres institutions européennes sont de plus en plus nombreuses. Ainsi, et ce n’est pas un hasard, la construction européenne et la redécouverte du continent par l’ar chéologie auront cheminé de pair. Il ne s’est pas agi de l’écriture a posteriori d’un « roman communau taire » (comme on évoque le « roman national ») pour justifier de frontières dessinées par la nature, de L’Europe archéologique 12 racines communes et d’un passé illustre à honorer, d’une identité figée et d’un destin unique à préserver. Bien au contraire, et ce livre l’illustre avec intelli gence, il s’agit d’une coconstruction qui, au gré de changements d’échelles spatiales, d’investissements de champs de recherche nouveaux, d’approches plu ridisciplinaires, de mises au point de techniques et d’outils, de formations de chercheurs et de prises en compte de questionnements sociétaux, a per mis l’écriture d’une longue histoire de l’Europe, connectée avec celle des autres continents et sans cesse renouvelée par des archives méthodiquement extraites de son sol. D’où qu’il vienne et où qu’il vive, grâce à l’archéo logie, l’Européen d’aujourd’hui trouvera dans ce livre des repères pour appréhender l’histoire des paysages qui l’entourent et la diversité des sociétés passées qui les ont façonnés. Les ruptures et les continuités culturelles anciennes lui deviendront plus familières et l’inciteront à interroger les situations actuelles. La matérialité de ces archives mises en perspective par des spécialistes de renom et appartenant à une dizaine de nationalités lui permettra de se sentir plus proche de ces hommes et de ces femmes qui, pour la plupart, ignoraient le nom même de l’Europe ou en percevaient des contours géographiques tout autres. DOMINIQUE GARCIA Président de l’Inrap Janvier 2021 « Pour faire face à une histoire longue… » 13 Introduction UNE ARCHÉOLOGIE DE LA CULTURE EUROPÉENNE Jean-Paul Demoule L’Europe existe-t-elle ? Sans doute pas comme un continent géographique, seule la mince barrière de l’Oural la séparant du reste de l’Asie et ses limites sud orientales se perdant vers la Caspienne. Ni non plus comme une entité politique et économique, puisqu’elle ne cesse d’hésiter entre affirmations nationales et dilution dans une expansion indéfi nie. Pourtant l’Europe a une histoire qui remonte à 1,8 million d’années1, et dont son sol porte les traces d’innombrables vestiges. C’est cette histoire, ancrée dans le sol, que ce livre veut raconter en réunissant les recherches les plus récentes des archéologues d’une dizaine de pays euro péens. L’archéologie n’est plus en effet une simple « discipline auxiliaire de l’histoire ». On ne dispose de témoignages écrits que depuis vingt-cinq siècles à peine (en exceptant les tablettes crétoises et mycéniennes), et ces textes sont partiels et partiaux. Ils ne racontent 1. Cet ouvrage contient de multiples références à des data tions. Pour les millénaires, il s’agit toujours d’avant notre ère. Pour les siècles et les années, on trouvera la précision lorsqu’il s’agit d’avant notre ère. que l’histoire officielle et ne nous sont parvenus que par bribes. Sur la vie quotidienne, l’économie, le com merce, les techniques, l’hygiène, la démographie, l’ali mentation, l’architecture, les migrations, ce sont les archives du sol qui témoignent, grâce à des méthodes archéologiques toujours plus rigoureuses et raffi nées. Ces dernières années en effet, les connaissances archéologiques n’ont cessé de s’accroître en Europe, sans doute la région la mieux connue du monde. Le développement économique a ouvert continûment d’innombrables chantiers : autoroutes, TGV, canaux, parkings souterrains, zones industrielles, bâtiments d’habitation, etc. Si, jusqu’à il y a peu, ces travaux nécessaires avaient pour conséquence la destruction de très nombreux sites archéologiques, parfois sans que les entrepreneurs en aient même conscience, depuis 1992, l’ensemble de l’Europe s’est doté d’une législation. Par la convention de Malte, la plupart des pays européens, signataires au-delà de la seule Union européenne, s’engagent à assurer par tous les moyens la « protection du patrimoine archéologique » euro péen. Cette convention est, certes, diversement res pectée, selon les moyens financiers et aussi la volonté politique des différents pays. La France elle-même a longtemps été à la traîne, avant de se doter, en 2001 seulement, d’une législation sur cette archéologie dite préventive qui fait maintenant figure de modèle. Comme on le verra, la plupart des découvertes récentes importantes sont issues de ces fouilles pré ventives, qui précèdent, en vertu de la loi, les travaux d’aménagement. Et désormais toutes les nouvelles grandes infrastructures, autoroutes en particulier, souvent financées par des crédits européens, sont précédées nécessairement de fouilles. Les informa tions recueillies sont souvent si abondantes que des L’Europe archéologique 16 synthèses détaillées manquent encore. Bien des idées reçues ont été bouleversées, en même temps que pro gressait la palette des méthodes et des techniques de l’archéologie, depuis le repérage des sites jusqu’aux analyses de laboratoire, et que s’approfondissaient aussi les réflexions théoriques sur le fonctionnement des sociétés — nous en verrons des exemples. LA DÉCOUVERTE DU PASSÉ L’archéologie, au sens moderne du terme, est une invention européenne. Certes, des sociétés anciennes, de la Mésopotamie à la Chine, se sont intéressées aux découvertes du sous-sol et à leurs enseigne ments. Et même 80 000 ans auparavant, l’homme de Néan dertal rapportait déjà dans ses campements des objets curieux, fossiles ou cristaux, qu’il avait trou vés dans la nature. Mais c’est avec la Renaissance et la redécouverte du passé gréco-romain que uploads/s1/ collectif 1 .pdf
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- Publié le Fev 20, 2021
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