LES CARNETS DE L’INSTITUT DIDEROT Philippe CHALMIN INSTITUT DIDEROT // www.inst
LES CARNETS DE L’INSTITUT DIDEROT Philippe CHALMIN INSTITUT DIDEROT // www.institutdiderot.fr / @InstitutDiderot Comment faire face à la pénurie et à la hausse des prix des matières premières ? Comment faire face à la pénurie et à la hausse des prix des matières premières ? Philippe CHALMIN LES CARNETS DE L’INSTITUT DIDEROT SEPTEMBRE 2022 Sommaire Sommaire Avant-propos p. 5 Jean-Claude Seys Comment faire face à la pénurie et à la hausse des prix des matières premières ? p. 11 Philippe Chalmin Questions de la salle p. 29 Les publications de l’Institut Diderot p. 49 LES CARNETS DE L’INSTITUT DIDEROT 5 Avant-propos Avant-propos Avant-propos Avant-propos Au moment où se clôt la COP 27 de Charm el-Cheikh, on ne peut que constater un large consensus sur le fait que la bonne utilisation des matières premières, en par- ticulier des énergies fossiles, conditionne les possibilités de survie de l’humanité dans la durée. Le recours mas- sif aux matières premières offertes par la Terre a été à l’origine de notre civilisation matérielle, et plus parti- culièrement de notre progrès depuis trois siècles ; il est dorénavant à l’origine de nos soucis. Pas ceux que le Club de Rome a cherché à nous faire ressentir en 1972, en évoquant le probable tarissement de ces matières premières, mais au contraire, sous la forme d’un sup- plice de Tantale consistant à mettre sous nos yeux leur grande abondance en nous enjoignant simultanément de nous en tenir éloignés, sous la menace d’une élévation de température infernale. Quel paradoxe que ce qui a été le sang de notre civilisa- tion depuis plusieurs siècles et dont l’abandon pourrait signifier notre disparition soit, dans la vie courante, l’ob- jet du jeu économique soumis à tous les vents que nous décrit Philippe Chalmin ! 6 S’agissant de produits essentiels à la vie de leurs citoyens, comme le pain et le riz, les gouvernements, de tout temps et en tout lieu, se sont efforcés de maîtriser leur prix pour qu’ils restent accessibles à tous. Tout aussi essentielles à l’humanité dans son ensemble, les matières premières – et ce sont parfois les mêmes – qui font l’objet d’un commerce international échappent au contrôle de toute autorité souveraine : seule la loi de l’offre et de la demande détermine leur prix, souvent sur la base de la demande marginale. On le sait, pour toute matière essentielle, surtout si elle n’est pas facile- ment stockable, une baisse de 10 % de l’offre n’est pas à l’origine d’une hausse de prix de 10 %, qui maintiendrait le revenu des producteurs, mais d’une hausse bien supé- rieure. L’inverse est vrai et les agriculteurs savent qu’une trop bonne récolte peut générer une baisse de prix drama- tique pour eux. Les échanges internationaux se font dans le cadre d’une économie libérale désormais presque totalement dérè- glementée. Pour paraphraser Winston Churchill, c’est probablement le plus mauvais système à l’exception de tous les autres. Il conduit à maximiser la production, ce qui, dans le passé, a été une excellente chose, malgré des conséquences collatérales parfois regrettables (mais cha- cun sait que maîtriser totalement un système infiniment complexe est impossible). Cependant, la maximisation de la production n’est plus un objectif, au contraire, et la 7 détermination du prix de l’énergie en fonction de l’offre et de la demande marginales conduit à des décisions contraires aux objectifs affichés de lutte contre le ré- chauffement climatique, objectifs pourtant stratégiques. Ainsi, une hausse du gaz due à un événement grave mais local, la guerre en Ukraine, qui n’affecte pas directement la capacité mondiale de production, fait exploser le prix de toutes les énergies et conduit à rouvrir des mines à charbon et des centrales électriques… Chaque jour, des événements encore plus limités, voire de simples spéculations relatives à des événements pos- sibles, illustrent cette volatilité des cours. Or, la transition climatique impose des investissements colossaux et à long terme, dont la rationalité repose en grande partie sur les prix auxquels la production future sera écoulée ; la volatilité des prix, leur « instabilité » pour reprendre l’expression de Philippe Chalmin, affai- blit la pertinence de toute prévision et constitue donc un obstacle à l’investissement. L’Organisation mondiale du commerce, sous l’égide de laquelle les échanges internationaux ont pu se dévelop- per dans un cadre libéral, ne parvient pas à terminer une dernière marche de libéralisation des échanges, le Cycle de Doha. La gouvernance d’un ensemble complexe, et le climat en est un, comme celle d’un voilier, doit se fixer une priorité qui la rapproche du but, même si elle compte des effets 8 collatéraux négatifs. À un moment, il faut cependant tirer un bord qui permette de poursuivre vers le but en gommant ces effets collatéraux, au prix d’autres incon- vénients qui, à leur tour, devront être éliminés. Devant les exigences de la transition climatique, peut- être l’OMC pourrait-elle recevoir la mission nouvelle d’introduire dans le jeu économique mondial plus de stabilité, de prévisibilité et de coopération. Déjà, des pays se préoccupent eux-mêmes des deux premières, ce qui risque d’être préjudiciable à la dernière, la coopération, pourtant essentielle en elle-même et condition d’une sta- bilité et d’une prévisibilité plus grandes. Jean-Claude Seys Président de l’Institut Diderot 9 10 11 Depuis plus de quarante ans que je travaille sur les matières premières, mon intérêt n’a jamais faibli. Il y a chaque jour du nouveau ; le prix des matières premières répercute les tensions géopolitiques et économiques du moment. Tout récemment encore, les fuites de Nord Stream 1 et Nord Stream 2 ont immédiatement agi sur le marché du gaz. Et le gaz pose bien sûr la question géopolitique de notre relation à la Russie et à l’Ukraine. En cet automne 2022, les matières premières font la une de l’actualité. Nous vivons aujourd’hui la pire crise éner- gétique que le monde ait connue depuis les années 1970. Le prix du gaz a été multiplié par vingt, celui de l’électri- cité en Europe par dix. Mais il n’y a pas que l’énergie. Nous connaissons aussi une crise alimentaire, peut-être un peu exagérée, car elle tient peut-être moins de la pénurie que de prix extrê- mement élevés. Les prix agricoles ont été multipliés Comment fair face à la pénu Comment faire face à la pénurie et à la hausse des prix des matières premières ? 12 par deux et, dans une partie du monde, là où règnent la mal-gouvernance et les guerres, la faim reste une cruelle réalité. Enfin, dans le domaine des matières premières indus- trielles, des tensions se font jour, qu’il s’agisse du lithium pour les batteries ou de la pâte à papier, deux produits qui connaissent actuellement les flambées les plus im- portantes. On pourrait me rétorquer que nous avons l’habitude de telles crises. Souvenons-nous de 2008 par exemple – d’ailleurs, le pétrole n’a toujours pas battu le record du 10 juillet 2008 à 147 dollars le baril. Souvenons-nous aussi, bien entendu, des années 70 et de leurs crises. Mais cela, c’était « le monde d’hier », pour reprendre le titre du CyclOpe de cette année 1, lui-même reprenant celui que Stefan Zweig a donné à son dernier texte achevé quelques semaines avant de se suicider au Brésil. Ma thèse est en effet que la crise que nous vivons au- jourd’hui est un tournant, comparable aux deux grands tournants que le monde a connus au XXe siècle, celui des années 1930 et celui de la décennie 1970. Les années 30 avaient marqué la fin du libéralisme et la montée vers la Seconde Guerre mondiale. Elles avaient ................................................................................................................................................................................................................... 1. Chalmin, Philippe & Jégourel, Yves (dir.), Les marchés mondiaux. Rapport CyclOpe 2022, Paris, Economica, 2022 (https://cercle-cyclope.com/produit/rapport-cyclope-2022-tele- chargeable/). 13 aussi préparé cette extraordinaire période, notamment pour l’Europe, que furent les Trente Glorieuses. Les années 70, symbolisées bien entendu par les crises pétrolières, marquent la fin des Trente Glorieuses. Ce sont les chocs pétroliers, mais aussi la fin du système de Bretton Woods : le passage, fondamental d’ailleurs pour les marchés des matières premières, du stable à l’instable. Je dis toujours à mes étudiants que la grande différence qu’il y a entre eux et moi, c’est que quand j’étais étudiant, au début des années 70, je pouvais me coucher en ayant la certitude que le lendemain matin je retrouverais le dollar, le baril de pétrole, la tonne de blé et même la plupart des métaux exactement au niveau où je les avais laissés la veille. Aujourd’hui, ma seule certitude, c’est que demain le dollar sera plus haut ou plus bas, le pétrole plus haut ou plus bas. Tout aura bougé. Nous sommes entrés dans le monde de ce que j’appelle « les commodités ». Nous avons vécu dans les années 1970 une autre rup- ture majeure : la remise en cause de ce qui avait admira- blement marché durant les Trente Glorieuses, à savoir l’économie sociale de marché. Paradoxalement, les an- nées 70 ont accouché d’un retour du libéralisme et ont préparé, finalement, d’autres Trente Glorieuses, qui commencent, symboliquement, avec la chute du Mur – mais on pourrait aussi prendre pour repère uploads/s1/ comment-faire-face-a-la-penurie-chalmain.pdf
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- Publié le Jul 16, 2022
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