Droit administratif Serge Velley VUIBERT DROIT 11e édition T O U T L E C O U R
Droit administratif Serge Velley VUIBERT DROIT 11e édition T O U T L E C O U R S À JOUR DE LA DÉCISION QPC DU 22 JUIN 2012 SUR LA LIBERTÉ DU MARIAGE + DES CONSEILS MÉTHODOLOGIQUES Chapitre 3 De ´centralisation (59) Centralisation, de ´concentration, de ´centralisation L’expose ´ des principes (I) sera suivi de l’e ´tude de l’administration franc ¸aise, qui allie e ´le ´ments centralise ´s (II) et de ´centralise ´s (III), de `s lors que la de ´centralisation ne peut se concevoir sans un E ´tat central et une administration de ´concentre ´e. Au demeurant, autonomie et libre administration ne signifient pas inde ´pendance : de ´centralisation territoriale et de ´concentration administrative forment de ce point de vue un couple indissociable1. I. Principes I.1. Centralisation (60) Centralisation et de ´concentration La centralisation accorde le monopole de l’activite ´ administrative a ` une seule personne morale de droit public2 : l’E ´tat. Mais c’est la ` une conception ide ´ale, rarement re ´alise ´e puisque cette volonte ´ de soumettre les affaires du pays a ` un centre de de ´cision ne peut convenir qu’a ` de petits ensembles. La centralisation de l’autorite ´ exige, pour se maintenir sur de vastes territoires, une de ´concentration du pouvoir au profit de repre ´sentants du pouvoir central au niveau local, soumis comme tels a ` sa puissance hie ´rarchique. Centralisation et de ´concentration apparaissent de la sorte comme pratiquement indissociables. La de ´concentration, concept forge ´ par L. Aucoc dans la deuxie `me moitie ´ du XIXe sie `cle3, ne conduit donc pas a ` l’apparition de personnes morales dis- 1. L’article 1 de la loi du 6 fe ´vrier 1992 dispose de la sorte que « l’administration territoriale de la Re ´publique est assure ´e par les collectivite ´s territoriales et par les services de ´concentre ´s de l’E ´tat ». 2. Les personnes morales – de droit public ou de droit prive ´ – sont des groupements (E ´tat, collectivite ´s territoriales, associations, syndicats, socie ´te ´s) a ` qui est accorde ´e la qualite ´ de sujet de droit, a ` l’instar des personnes physiques. Elles disposent de personnels et d’un patrimoine, et sont en mesure d’e ´dicter des actes juridiques et d’ester en justice dans la limite des droits et obligations qui leur sont reconnus. 3. L. Aucoc, Confe ´rences sur l’administration et le droit administratif, Paris, 3 vol., 1878-1882 (2e ed.), vol. 1, pp. 97-98. 61 tinctes de l’E ´tat, mais seulement a ` une re ´organisation des compe ´tences au sein de l’administration e ´tatique. Elle favorise la mise en place d’une administration plus consciente des re ´alite ´s locales, mais aussi mieux a ` me ˆme de s’assurer de l’exacte application des mesures prises. Ce n’est donc pas l’effet du hasard si les premie `res mesures importantes de de ´concentration seront e ´dicte ´es par Louis Napole ´on Bonaparte (le futur Napole ´on III), quelques mois apre `s le coup d’E ´tat du 2 de ´cembre 1851. C’est, pour reprendre une formule ce ´le `bre de O. Barrot, pre ´si- dent du Conseil au de ´but de la IIe Re ´publique, « toujours le me ˆme marteau qui frappe, me ˆme si on en a raccourci le manche ». En France, le principal be ´ne ´ficiaire de la de ´concentration sera le pre ´fet, cre ´e ´ par la loi du 28 pluvio ˆse an VIII (17 fe ´vrier 1800). (61) Un principe se ´culaire La centralisation n’est pas un phe ´nome `ne re ´cent. C’est le re ´sultat d’un effort se ´culaire de la monarchie franc ¸aise, magnifiquement expose ´ par A. de Tocque- ville dans L’Ancien Re ´gime et la Re ´volution. L’auteur y de ´ploie la vision quelque peu ide ´alise ´e d’un syste `me centralise ´ construit autour du Conseil du roi, « corps administratif d’une puissance singulie `re » cumulant les pre ´rogatives d’une Cour supre ˆme et d’un tribunal administratif supe ´rieur, d’un conseil du gouvernement et d’un conseil supe ´rieur de l’administration ; du contro ˆleur ge ´ne ´ral des finances, a ` la fois ministre des Finances, de l’Inte ´rieur, des Travaux publics et du Commerce ; et de l’Intendant, « agent unique, dans les provinces, de toutes les volonte ´s du gouvernement »1. La re ´alite ´ est moins majestueuse et plus rassurante. Ces pre ´tentions se trouvaient en effet combattues par la multitude des agents et des juridictions dont les compe ´tences s’encheve ˆtraient, les privile `- ges accorde ´s a ` des particuliers, a ` des villes et a ` des provinces, le caracte `re indocile des parlements et autres cours souveraines2... La centralisation serait donc un « produit » de l’Ancien Re ´gime ; ce serait me ˆme « la seule portion de la constitution de l’Ancien Re ´gime qui ait surve ´cu a ` la Re ´volution, parce que c’e ´tait la seule qui pu ˆt s’accommoder de l’e ´tat social nouveau que cette Re ´volution a cre ´e ´ »3. Radicalement remise en cause en 1789, la centralisation connaı ˆtra un rapide retour en gra ˆce avec les « ne ´cessite ´s » induites par la Re ´volution et la guerre europe ´enne, avant de se voir renforce ´e et consacre ´e par Bonaparte. Avec la cre ´ation des pre ´fets4 et l’abandon du principe e ´lectif pour les agents administratifs locaux5, l’administration franc ¸aise 1. A. de Tocqueville, L’Ancien Re ´gime et la Re ´volution, Paris, 1856, re ´e ´d. Ide ´es/Gallimard, 1967, livre II, chap. 2, pp. 100 et s. 2. Rappelons que, sous l’Ancien Re ´gime, les Parlements sont des cours de justice qui exercent aussi des fonctions que l’on qualifierait aujourd’hui d’administratives. Tocqueville « affinera » sa pre ´sentation de l’Ancien Re ´gime dans le chap. 6. 3. Tocqueville, op. cit., p 98. 4. Loi du 28 pluvio ˆse an VIII (17 fe ´vrier 1800). 5. Constitution du 22 frimaire an VIII (13 de ´c. 1799), art. 41. Ces agents sont nomme ´s par le Premier consul a ` partir de listes communales et de ´partementales e ´tablies par les e ´lecteurs (art. 7 et 8). Organisation 62 devient en effet une « chaı ˆne d’exe ´cution (qui) descend sans interruption du ministre a ` l’administre ´ et transmet la loi et les ordres du gouvernement jus- qu’aux dernie `res ramifications de l’ordre social avec la rapidite ´ du fluide e ´lec- trique »1. Cette administration de type quasi militaire fera la force, mais aussi la faiblesse des gouvernements franc ¸ais du XIXe sie `cle. Devenue un simple instru- ment entre les mains du pouvoir, elle acceptera sans broncher les coups d’E ´tat et re ´volutions venus de Paris. Ces avantages e ´vidents l’emportant sur des de ´fauts plus masque ´s, le syste `me administratif napole ´onien ne sera que prudemment amende ´ a ` compter de la monarchie de Juillet et de la IIIe Re ´publique2, avant de voir son e ´conomie bouleverse ´e par la loi du 2 mars 1982 et la re ´vision constitu- tionnelle du 28 mars 2003. I.2. De ´centralisation (62) De ´centralisation territoriale et de ´centralisation technique La de ´centralisation est un mode d’administration qui consiste a ` cre ´er des per- sonnes morales distinctes de l’E ´tat, soustraites a ` sa puissance hie ´rarchique mais non a ` son contro ˆle, a ` qui l’on confie certaines activite ´s administratives. Elle peut e ˆtre re ´alise ´e suivant deux proce ´de ´s tre `s diffe ´rents : 1) La de ´centralisation territoriale confe `re l’expe ´dition des affaires admi- nistratives locales a ` des collectivite ´s territoriales e ´lues, distinctes et autonomes de l’E ´tat. Elle se traduit par la multiplication des personnes morales de droit public en charge de l’administration dans le cadre d’une circonscription infra- e ´tatique : communes, de ´partements ou re ´gions. 2) La de ´centralisation technique confie la gestion de certains services publics a ` des personnes morales de droit public spe ´cialise ´es (e ´tablissements publics, groupements d’inte ´re ˆt public) voire me ˆme, avec le phe ´nome `ne de privatisation qui affecte l’administration franc ¸aise, a ` des personnes morales de droit prive ´ telles que les associations ou les socie ´te ´s anonymes. Cette forme de de ´centralisation se rencontre a ` tous les niveaux – e ´tatique, re ´gional, de ´partemental et communal. Elle se trouve gouverne ´e par le principe de spe ´cialite ´ : la personne publique ou la personne morale de droit prive ´ conside ´re ´e ne ge `re en principe qu’une activite ´ de service public de ´termine ´e3 – fabrication et transport de l’e ´nergie e ´lectrique pour EDF, transport et distribu- tion du courrier pour La Poste... 1. Discours de Chaptal, orateur du gouvernement et futur ministre de l’Inte ´rieur, devant le Corps le ´gislatif, le 28 pluvio ˆse an VIII (Archives parlementaires, 2e se ´rie, t. 1, p. 230). 2. uploads/s1/ droit-administratif-tous-de-serge-velley-2.pdf
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- Publié le Apv 09, 2021
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