Michel Lejeune Françoise Bader Gilbert Lazard Émile Benveniste (1902-1976) In:

Michel Lejeune Françoise Bader Gilbert Lazard Émile Benveniste (1902-1976) In: École pratique des hautes études. 4e section, Sciences historiques et philologiques. Annuaire 1977-1978. 1978. pp. 50-77. Citer ce document / Cite this document : Lejeune Michel, Bader Françoise, Lazard Gilbert. Émile Benveniste (1902-1976). In: École pratique des hautes études. 4e section, Sciences historiques et philologiques. Annuaire 1977-1978. 1978. pp. 50-77. doi : 10.3406/ephe.1978.6371 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ephe_0000-0001_1977_num_1_1_6371 Emile BENVENISTE (1902-1976) 50 bis EMILE BENVENISTE 51 EMILE BENVENISTE (1902-1976) Emile Benveniste est né à Alep le 27 mai 1902, décédé à Versailles le 3 octobre 1976; depuis le 6 décembre 1969, une attaque foudroyante l'avait condamné tragiquement à l'immob ilité et au silence. Agrégé de grammaire en 1922, docteur es lettres en 1935, il avait succédé à Antoine Meillet d'abord à la IVe Section des Hautes Études (1927) puis au Collège de France (1937). Il était depuis 1960 membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Une bibliographie exhaustive de ses travaux, rédigée par D. Moïnfar, ouvre les Mélanges linguistiques offerts à Emile Benveniste (Louvain, Peeters, 1975). C'est pour l'année scolaire 1918-1919 (il va avoir dix-sept ans; il prépare sa licence es lettres) qu'E. B. apparaît sur les registres de la IVe Section, comme auditeur de Meillet, Finot, S. Lévi, Châtelain; au terme de cette année, il est nommé élève titulaire, en même temps qu'il obtient sa licence. En 1919-1920, il suit les enseignements de Meillet, J. Bloch, Finot. Chez J. Bloch, il fait un exposé sur le type latin faxô, y donnant les résultats de son mémoire de D.E.S.; ce sera aussi le sujet de son premier article, qui paraîtra en 1922 (B.S.L., XXIII, p. 32-63). Pour cette même année 1919-1920, Antoine Meillet note dans son rapport, à propos de ce jeune homme de dix-huit ans : « On doit signaler M. Benveniste comme une recrue précieuse pour la linguistique ». De 1920-1921 à 1925-1926, il ne quitte plus les enseignements de Meillet (en grammaire comparée et en iranien). Entre temps (1922), il a été reçu à l'agrégation de grammaire. En 1922-1923 Meillet indique qu'E.B. « a déposé comme travail pour le diplôme [de la Section] la partie de la grammaire du sogdien non traitée par le regretté Gauthiot ». Ce sera son premier livre (Essai de grammaire sogdienne, II; Paris, Geuthner, 1929). L'année 1926-1927 est celle du service militaire, qui éloigne E. B. de Paris. C'est à cette époque que Meillet décide d'aban donner volontairement (il n'a que soixante ans) ses fonctions de directeur d'études (à la fois pour la grammaire comparée et pour l'iranien), en faveur de son jeune disciple. C'est à cette époque 52 MICHEL LEJEUNE aussi que les compagnons d'études d'E. B. (P. Chantraine, L. Renou, R. Fohalle, F. Kurylowicz, Marie-Louise Sjoestedt) préparent pour lui un volume de mélanges, que préfacera Meillet (Etrennes linguistiques offertes à Emile Benveniste, Paris, Geuthner, 1928). Le nom d'E. B. figure à nouveau à l'annuaire de la Section à partir de 1927-1928, mais dans la liste, désormais, des directeurs d'études. Il assurera, à la suite de Meillet, un double enseignement de grammaire comparée et d'iranien, avec les seules interruptions dues à la guerre et à l'occupation (1939-1944), puis, en 1956- 1957 à la maladie, soit en tout trois fois douze années. La conférence d'iranien est consacrée, alternativement au vieux-perse, à l'avestique, au pehlevi et au sogdien. Au programme de l'autre conférence, on voit figurer notam ment : les langues asianiques et le hittite (de 1928 à 1932, de 1933 à 1935, en 1938-1939, de 1951 à 1953, en 1964-1965), l'indo-iranien (1949-1950, 1964-1965), le grec (1927-1928 et 1931-1932: enquêtes sur le vocabulaire; 1932-1933 : les parlers « achéens »), l'osco-ombrien (1928-1929), le latin (1945-1946 : prépositions; 1950-1951 : le verbe; 1957-1958 : les présents thématiques); le gotique (de 1958 à 1961); et, au niveau de l'indo-européen lui-même : la méthode de reconstruction comp arative (1962-1963, 1966-1967), le phonétisme (1932 à 1934; 1968-1969), la formation des noms (1935-1936), le genre gram matical (1936-1937), la flexion nominale (1953-1954; 1963-1964), les pronoms (1937-1938; 1965-1966), les numéraux (1930-1931), la classification des formes verbales (1967-1968), les formations de présents (1938-1939; 1946-1947; 1948-1949; 1954-1955). Les rapports qu'E. B. donne à l'annuaire de la Section demeur ent, jusqu'au bout, concis; on y voit cependant nettement se préfigurer ce qui fera l'objet de nombre de ses articles ou de ses livres. Et qui voudra relever les listes de ses auditeurs cons tatera que presque tous ceux qui comptent aujourd'hui dans le monde entier, en ce domaine de la grammaire comparée, ont été des élèves de Benveniste. Michel Lejeune. E. Benveniste fut un homme secret. Ce que nous savons de l'histoire de sa vie se confond largement avec celle de son œuvre. Il est impossible de définir celle-ci selon des critères traditionnels, EMILE BENVENISTE 53 tant fut fécond cet esprit que passionna tout ce qui touche à l'homme : en fin de carrière il reçut l'hommage de deux volumes de Mélanges, non seulement des Mélanges linguistiques — ceux que lui offrit la Société de linguistique de Paris, qu'il anima pendant de nombreuses années — , mais aussi d'autres, dont le titre est évocateur (Langue, Discours, Société), et qui furent signés de spécialistes de la linguistique, mais aussi de l'anthropologie, de la mythologie, de la psychanalyse, de la théorie littéraire. Et il avait fait partie, avec C. Lévi-Strauss et P. Gourou, du Comité de direction de L'Homme, Revue française d'anthropologie, dès sa fondation, en 1961. Héritier d'Antoine Meillet, et, à travers lui, de Ferdinand de Saussure — auquel il consacra des travaux — , c'est par la gram maire comparée des langues indo-européennes, puis la gram maire comparée générale qu'il vint à la linguistique générale. E. Benveniste a marqué d'un sceau indélébile les études indo européennes. Peut-être eût-il pu s'engager dans une autre voie, qu'emprunta pour sa part un autre grand indo-européaniste, son camarade d'études, Jerzy Kuryîowicz — celle de la grammaire sémitique : dans les Mélanges offerts à Israël Lévy, parus en 1926, on le voit mettre sa connaissance de la paléographie araméenne au service de l'explication d'un titre militaire de l'hébreu biblique, rabmag (et sa compétence, en ce domaine, lui servira à étudier, plus tard, des « termes et noms achéménides en araméen », et les « éléments perses en araméen d'Egypte »). Mais l'année sui vante, en 1927, au retour de son service militaire, il succéda à l'E.P.H.E. à son maître, A. Meillet, dans la direction d'études de grammaire comparée des langues indo-européennes. Pendant plus de quarante ans, à l'École, d'abord, puis aussi au Collège de France, où il fut le suppléant de Meillet en 1934- 1935 et 1935-1936, avant d'y devenir le titulaire de la chaire de grammaire comparée en 1937, après la mort de son maître, il a ébloui les nombreux Français et étrangers qui se pressaient pour l'entendre. Il dut interrompre son enseignement à deux reprises : une première fois pendant les quatre années de guerre, en raison de ce qu'on appela les « lois raciales », puis, en 1956-1957, par suite d'un grave accident de santé, prélude à celui qui devait l'emporter. On écoutait avec une ferveur religieuse le petit homme fin et distingué, capable d'enclore le sujet choisi exactement dans les limites d'un tour d'horloge, et de parler sans regarder aucune note, joignant souvent les mains comme dans un geste de prière. C'est avec une courtoisie toujours souriante qu'il répondait 54 FRANÇOISE BADER aux auditeurs, dont il suscitait souvent les questions. Ceux-ci avaient alors un peu le sentiment de recevoir une faveur, tant il leur arrivait d'être intimidés par l'homme qu'ils sentaient animé d'une inspiration intense, mais contenue. Si la communication avec lui était, par là même, rendue parfois difficile, E. Ben- veniste n'oublia jamais qu'il était professeur. Toujours soucieux de faire parler ses auditeurs — de leur faire faire des exposés — il se mit de plus en plus à la portée des plus jeunes, ne craignant pas, durant les dernières années, de se borner à introduire la méthode comparative dans ses cours à l'École, dont il écartait alors délibérément les élèves plus chevronnés. Tout se passe alors comme s'il avait dissocié l'enseignement proprement dit — réservé à l'Ecole — de sa recherche : dans le même temps, ses leçons au Collège, où il traitait de plus en plus souvent de pro blèmes de linguistique générale, se faisaient de plus en plus abstraites. D'abord comparatiste, il fut historien de la langue et de la civilisation des Indo-Européens. En 1939, alors que faisait rage le nazisme dont il allait être lui-même victime, et qui assignait aux Indo-Européens une origine germanique, il donna à la Revue de synthèse historique un article serein, mais plein de vigueur, sur « Les Indo-Européens et le peuplement de l'Europe ». Des Indo-Européens, dont on commence à peine à l'heure actuelle à découvrir des traces archéologiques, il s'attacha toute sa vie à retracer l'histoire, en étudiant leurs institutions telles que les révèle le vocabulaire. Toujours attentif aux « problèmes sémanti ques de la reconstruction », il conduisit ses recherches de voca bulaire selon deux uploads/s1/ emile-benveniste-1902-1976-michel-lejeune-francoise-bader-gilbert-lazard.pdf

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  • Publié le Fev 25, 2022
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