Les articles et essais réunis dans ce volume illustrent divers aspects d'une qu

Les articles et essais réunis dans ce volume illustrent divers aspects d'une question d'un intérêt fondamental à l'étude de laquelle Alexandre Koyré a consacré l'essentiel de son œuvre d'historien de la pensée scientifique: la genèse des grands principes de la science moderne. A côté des quatre grands ouvrages qu'il a successivement publiés sur ce thème: la traduction commentée du premier livre, cosmologique, du De revolutionibus de Copernic 1, les Études galiléennes 8, La Révolution astronomique Du monde clos à l'univers infini 4, ce recueil d'articles mérite sans nul doute une place de choix, non seulement pour les nombreux éléments complé- mentaires qu'il apporte, mais aussi pour les fécondes liai- sons qu'il permet d'établir entre les différents domaines de l'histoire intellectuelle et pour les précieuses indications qu'il donne sur la méthode de recherche et d'analyse de son auteur. Ce volume méritait d'autant plus d'être publié que certains des textes ainsi regroupés étaient restés jusqu'alors inédils, au moins en langue française, et que la plupart des autres étaient devenus très difficiles à consulter. Ces articles ont été reclassés suivant l'ordre chronolo- Avant-propos 1. N. Copernic, Des révolutions des orbes célestes, introduction, traduction et notes de A. Koyré, Paris. Librairie Félix Alcan, 1934, vm-154 p. 2. A. Koyré, Études galiléennes I. A l'aube de la science classique; Il. La Loi de la chute des corps. Descaries et Galilée; III. Galilée et la loi d'inertie. Paris, Hermann, 1940, 3 fasc., 335 p. 3. A. Koyré, La Révolution astronomique. Copernic, Kepler, Borelli. Paris, Hermann, 1961, 525 p. (• Histoire de la pensée >, III). 4. A. Koyré, Du monde clos à l'univers infini. Paris, Presses Univer- sitaires de France, 1962, 279 p. (trad. française de From the cloaed World to the Infinite Univcrsc, Baltimore, The Johns Hopkins Press, 1957). Études d'histoire de la pensée scientifique gique de leurs thèmes et non d'après les dates de leur rédac- tion. Il est vrai que, compte tenu de quelques inévitables retours en arrière, la ligne générale des recherches d'A. Koyré a suivi ce même plan chronologique, partant de la science scolastique pour aboutir à Newton. Les articles concernant l'auteur des Principia étant réservés à un volume spécial d'Études newtoniennes, ce recueil comprend en fait trois grandes parties consacrées respectivement à la science du Moyen Age et de la Renaissance, à Galilée et à l'œuvre de certains autres savants éminents de la première moitié du XVlle siècle (Mersenne, Cavalieri, Gassendi, Riccioli, Pascal) l. En dehors de quelques corrections mineures d'ordre typographique et de; l'introduction de renvois intérieurs au volume, le texte des articles reproduits est exactement conforme à celui des originaux: les traductions ont été réa- lisées avec le souci constant de préserver à la fois la pensée d'Alexandre Koyré et son mode habituel d'expression. En même temps qu'il regroupe un ensemble d'études du plus haut intérêt sur les origines et la genèse de la science moderne, ce volume apporte une vivante leçon de méthode de recherche historique. Plusieurs textes particulièrement révélateurs des principes directeurs de l'œuvre d'Alexandre Koyré s'y trouvent en effet reproduits. Celui qui ouvre le recueil est remarquablement clair et explicite. L'auteur y insiste d'abord sur sa « conviction de l'unité de la pensée humaine, particulièrement dans ses formes les plus hautes » (pensée philosophique, pensée religieuse et pensée scienti- fique), conviction qui explique en grande partie l'évolution de ses recherches Si, ayant abordé l'élude des origines de la science moderne, il passe successivement de l'astro- nomie à la physique et aux mathématiques, il continuera à lier l'évolution de la pensée scientifique à celle des idées transscientifiques, philosophiques, métaphysiques, reli- gieuses les quatre ouvrages précédemment cités et la plupart des articles reproduits dans ce volume sont le fruit de ce remarquable effort d'analyse et d' 'interprétation de l'une des plus importantes révolutions de l'histoire intellectuelle de 1. En dehors, bien entendu, du premier et du dernier article, où Alexandre Koyré présente les idées directrices de son œuvre. 2. Voir en particulier à ce sujet l'importante étude d'Y. Belaval (Critique, août-septembre 1964, pp. 675-704). Avant-propos l'humanité. Afin de « saisir le cheminement de celle pensée (scientifique) dans le mouvement même de son activité créatrice », il est indispensable de la replacer aussi fidèle- ment que possible dans son cadre d'époque et de l'analyser dans toute sa complexité, avec ses incertitudes, ses erreurs et ses échecs. Les articles qui suivent illustrent de la façon la plus convaincante le soin avec lequel Alexandre Koyré a su mellre en œuvre ses propres règles de pensée, que ce soit à l'occasion d'études de synthèse s'efforçant de dégager les grandes lignes d'une œuvre, le climat scientifique d'une époque ou l'influence des idées philosophiques, ou encore à l'occasion d'articles plus techniques étudiant des questions précises en s'appuyant sur de nombreuses citations. Par celle admirable leçon de méthode qu'il nous donne, autant que par la richesse de son contenu, ce nouvel ouvrage d'Alexandre Koyré mérite d'être lu et médité par les spécia- listes de l'histoire de la pensée scientifique et, d'une façon beaucoup plus large, par tous ceux qui s'intéressent à l'his- toire des idées. René Taton. ORIENTATION ET PROJETS DE RECHERCHES Dès le début de mes recherches, j'ai été inspiré par la conviction de l'unité de la pensée humaine, particulière- ment dans ses formes les plus hautes; il m'a semblé impos- sible de séparer, en compartiments étanches, l'histoire de la pensée philosophique et celle de la pensée religieuse dans laquelle baigne toujours la première, soit pour s'en inspirer, soit pour s'y opposer. Cette conviction, transformée en principe de recherche, s'est montrée féconde pour l'intellection de la pensée médiévale et moderne, même dans le cas d'une philosophie en apparence aussi dénuée de préoccupations religieuses que celle de Spinoza. Mais il fallait aller plus loin. J'ai dû rapidement me convaincre qu'il était pareillement impos- sible de négliger l'étude de la structure de la pensée scien- tifique. L'influence de la pensée scientifique et de la vision du monde qu'elle détermine n'est pas seulement présente dans les systèmes tels ceux de Descartes ou de Leibniz qui, ouvertement, s'appuient sur la science, mais aussi dans des doctrines telles les doctrines mystiques apparemment étrangères à toute préoccupation de ce genre. La pensée, lorsqu'elle se formule en système, impli- que une image ou, mieux, une conception du monde et se situe par rapport à elle la mystique de Bœhme est rigou- reusement incompréhensible sans référence à la nouvelle cosmologie créée par Copernic. Ces considérations m ont amené, ou, plutôt, m'ont ramené, à l'étude de la pensée scientifique. Je me suis Extrait d'un curriculum vitae rédigé par A. Koyré en février 1951. Études d'histoire de la pensée scientifique occupé tout d'abord de l'histoire de l'astronomie; puis mes recherches ont porté sur le domaine de l'histoire de la physique et des mathématiques. La liaison de plus en plus étroite qui s'établit, aux débuts des Temps modernes, entre la physica coelestis et la physica terrestris est à l'ori- gine de la science moderne. L'évolution de la pensée scientifique, du moins pendant la période que j'étudiais alors, ne formait pas, non plus, une série indépendante, mais était, au contraire, très étroi- tement liée à celle des idées transseienlifiques, philoso- phiques, métaphysiques, religieuses. L'astronomie copernicienne n'apporte pas seulement un nouvel arrangement, plus économique, des « cercles », mais une nouvelle image du monde et un nouveau sentiment de l'être le transport du Soleil dans le centre du monde exprime la renaissance de la métaphysique de la lumière et élève la Terre au rang des astres Terra est slella nobilis, avait dit Nicolas de Cues. L'oeuvre de Kepler procède d'une conception nouvelle de l'ordre cosmique, fondée elle- même sur l'idée renouvelée d'un Dieu-géomètre, et c'est l'union de la théologie chrétienne avec la pensée de Pro- clus qui permet au grand astronome de s'affranchir de la hantise de la circularité qui avait dominé la pensée antique et médiévale (et encore celle de Copernic); mais c'est aussi cette même vision cosmologique qui lui fait rejeter l'intui- tion géniale, mais scientifiquement prématurée, de Gior- dano Bruno et l'enferme dans les bornes d'un monde de structure finie. On ne comprend pas véritablement l'oeuvre de l'astronome, ni celle du mathématicien, si on ne la voit pénétrée de la pensée du philosophe et du théologien. La révolution méthodique accomplie par Descartes procède, elle aussi, d'une conception nouvelle du savoir; à travers l'intuition de l'infinité divine, Descartes arrive à sa grande découverte du caractère positif de la notion de l'infini qui domine sa logique et sa mathématique. Enfin, l'idée philosophique et théologique du pos- sible, intermédiaire entre l'être et le néant, permettra à Leibniz de passer outre aux scrupules qui avaient arrêté Pascal. Le fruit de ces recherches, menées parallèlement à mon enseignement à l'École pratique des Hautes Études, a été la publication, en 1933, d'une étude sur Paracelse et d'une autre sur Copernic, suivies, en 1934, d'une édition, avec introduction, traduction et notes, du premier livre, cosmo- logique, du De revolutionibus orbium coelestium, et, en Orientation et projets de recherches 1940, des Études galiléennes. J'ai essayé d'analyser, dans ce dernier ouvrage, la uploads/s1/ etudes-d-histoire-de-la-pensee-scientifique-alexandre-koyre 1 .pdf

  • 22
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Jui 23, 2021
  • Catégorie Administration
  • Langue French
  • Taille du fichier 2.6452MB