UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES Faculté de philosophie et lettres Langues et litt

UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES Faculté de philosophie et lettres Langues et littératures françaises et romanes ANNÉE ACADÉMIQUE 2007-2008 LA FÉMINISATION Décret et arrêtés gouvernementaux belges concernant la féminisation DEBAILLE Hélène Travail réalisé dans le cadre du cours : Grammaire descriptive II (Roma-B-304) 2 Introduction À partir de la moitié du siècle dernier, les femmes ont commencé à revendiquer leur place dans la société et, en particulier, à réclamer le droit d’occuper les mêmes postes que les hommes dans le monde du travail. Ceci est à l’origine de l’apparition de la problématique relative à la féminisation des noms. En effet, jusqu’alors, la nécessité de féminiser des professions telles que « ambassadeur », « docteur », « avocat », … ne s’était jamais fait ressentir. Une vive polémique s’est développée entre les partisans de la féminisation et ses opposants. La Communauté française se positionna en faveur d’une évolution favorable à la féminisation. Les autorités compétentes durent s’impliquer activement dans le débat en déposant des textes de loi pour réguler l’emploi des noms féminins et éviter des néologismes inesthétiques tels que « ambassadeuse » ou « professeuse ». Le travail qui suit présentera l’impact des différents documents réalisés sous l’impulsion du gouvernement belge ainsi que les différents organismes et personnes qui les ont réalisés et en ont assuré le suivi. 3 1. Les textes officiels 1. 1. Premier acte officiel Le 21 juin 1993, la Communauté française de Belgique adopte un décret1 visant à féminiser les noms de métier, fonction, grade et titre. Ce décret comprend trois articles. Il est signé par Laurette Onkelinx, en tant que Ministre-Présidente du Gouvernement de la Communauté française chargée des Affaires sociales, par Michel Lebrun alors Ministre de l’Enseignement supérieur, par Elio Di Rupo, en sa qualité de Ministre de l’Education, de l’Audiovisuel et de la Fonction publique et par Eric Tomas, Ministre du Budget, de la Culture et du Sport. Ce décret implique l’obligation de procéder à la féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre dans la littérature officielle. L’article 2 est particulièrement intéressant car il mentionne le Conseil supérieur de la langue française : « L’Exécutif arrête au plus tard le 1er janvier 1994 et après avis du Conseil supérieur de la langue française, les règles de féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre. »2 Nous constatons donc que les autorités incapables de rédiger elles-mêmes des règles de féminisation cohérentes ont l’opportunité de faire appel à des personnes plus qualifiées pour les aider. 1. 2. Le rôle du Conseil supérieur de la langue française Créé en 1985 et à l’origine nommé « Conseil de la langue française », le Conseil supérieur de la langue française est un organisme chargé d’éclairer le 1 Voir annexes. 2 Voir annexes. 4 ministre en charge de la langue sur toutes questions relatives à l’usage et à la diffusion de la langue française.3 Les parlementaires firent appel à lui lors de la création du décret sur la féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre. Le conseil constitua une commission de féminisation, composée de cinq membres : deux parlementaires, Henri Simons et Antoinette Spaak, ainsi que trois linguistes, Michèle Lenoble- Pinson, Marie-Louise Moreau et Marc Wilmet. Force nous est de constater que le choix des membres de cette commission fut particulièrement judicieux étant donné la renommée indiscutable des linguistes choisis. Cette commission avait pour objectif d’éviter les créations « sauvages » en aidant les usagers à respecter le décret de juin 1993. C’est ainsi qu’elle rédigea le livret Mettre au féminin, un guide sur la féminisation des noms de métier, fonction, titre et gradequi fut édité en 1994. Ce livret comprenait, outre les règles de féminisation, cinq recommandations et une liste alphabétique de cinq cents noms.4 De nombreuses exceptions figurent en notes de bas de page, correspondant aux mots ne suivant pas les règles de féminisation retenues comme, par exemple, « auteure », « matelot », « chauffeuse », … On peut s’interroger sur la démarche de la commission qui relègue les exceptions en bas de page au lieu de leur donner une place dans le corps de texte comme c’est d’ordinaire le cas pour toute règle grammaticale. La commission voulait-elle rester prudente ? En tout cas, cette attitude n’entravait en rien l’évolution de la langue puisqu’elle mentionnait des exceptions attestées dans l’usage. Un avis du Conseil supérieur de la langue française fut émis en avril 1993. Il fut repris dans le livret mentionné ci-dessus. On y retrouve les cinq 3 http://www2.cfwb.be/franca/pg006.htm 4 Voir annexes 5 recommandations ainsi que les règles de féminisation. Cet avis comprend des règles morphologiques et syntaxiques pour la formation des noms féminins de professions, fonctions, grades ou titres et une recommandation quant à l’emploi des formes féminines. Il tranche entre les appellations « Madame » et « Mademoiselle » en faveur de la première dans les actes visés par le décret, recommande la publication d’un guide et suggère une évaluation suivie de l’application de l’avis.5 Les règles morphologiques semblent avoir été rédigées en fonction de l’usage. En effet, elles conservent les exceptions lorsque le mot féminisé ne correspond pas à la règle. Ex : Les noms masculins terminés par –teur se féminisent en –teuse lorsqu’il existe un verbe correspondant qui comporte un t dans sa terminaison : une acheteuse, une toiletteuse, … Néanmoins, l’avis rend compte de cas particuliers comme une éditrice ou une inspectrice, … De même, certains noms semblaient résister à la féminisation. L’avis conseilla de les laisser tels quels et ne recommanda donc pas une féminisation intempestive à l’encontre de l’usage. Ex : une écrivain, une chef, une mannequin, une marin, une médecin, … Pour l’emploi des formes féminines, le Conseil désapprouva les formulations du type un(e) chirurgien(ne), il leur préféra la rédaction du couple masculin et féminin : un chirurgien ou une chirurgienne. Le Conseil recommanda également d’éviter l’emploi générique des formes masculines, sans toutefois oublier que la forme masculine ne désigne pas 5 Voir annexes 6 nécessairement un ensemble d’êtres de sexe masculin mais parfois un groupe d’êtres des deux sexes. Ex : les étudiants Pour rester encore plus objectif et proche de l’usage et surtout pour éviter les abus qui nuisent parfois à l’intelligibilité des textes ainsi qu’à leur lisibilité, le Conseil recommanda d’éviter les formulations écrites qui n’ont pas de correspondant oral (ex : instituteur-trice) et de faire un emploi prudent des termes abstraits (ex : lectorat pour lecteurs et lectrices). En ce qui concerne la préconisation de l’appellation « Madame », cela est facilement compréhensible. En effet, pour les noms de métier, titre, grade et fonction, la féminisation du nom installait les femmes et les hommes sur un pied d’égalité linguistique et les femmes pouvaient ainsi assumer entièrement leur place dans un poste avant réservé aux hommes. L’état civil n’entrant pas en compte dans la nomination à un poste donné, il est plus judicieux de choisir un terme « neutre » dans les différents types de textes visés par le décret. Quant au suivi suggéré par le Conseil, nous verrons par la suite ce qu’il en a résulté. 1. 3. L’arrêté d’application L’arrêté6 fut délibéré le 13 décembre 1993. C’était urgent puisque la mise en application du décret du 21 juin 1993 devait prendre effet le 1er janvier 1994. L’arrêté comporte trois articles ainsi que deux annexes. Il officialise le travail du Conseil supérieur de la langue française. D’ailleurs, les annexes reprennent les 6 Voir annexes 7 règles de féminisation et les recommandations du Conseil. Il est signé par Eric Tomas en sa qualité de Ministre de la Culture. 8 2. L’impact des démarches officielles 2.1. Les obstacles Selon le site officiel de la Communauté française de Belgique, il semblerait que le décret ait aidé les mentalités à évoluer. Peu à peu, les noms féminisés ont pris place dans notre quotidien. Des médias aux campagnes électorales, de la vie courante à la publicité, les formes féminines sont devenues plus que courantes. Deux obstacles entravent néanmoins la progression des noms féminisés : 1. Les chefs de service, homme ou femme, qui n’emploient toujours pas les titres féminisés, influençant par la même occasion le service tout entier. 2. L’attitude de certaines femmes, occupant pour la première fois un poste réservé jusque là à un homme, qui répugnaient à être appelées par un titre féminisé afin de se sentir égales aux hommes. Toutefois, cette position n’a tendance à apparaître que chez des femmes qui occupent pour la première fois une haute fonction jusque-là attribuée à un homme. En général, les femmes qui leur succèdent ne ressentant plus le besoin d’égalité, elles désirent une appellation au féminin, leur fierté de femme refaisant surface. 2.2. L’enseignement Il est intéressant d’examiner les conséquences du décret et de l’arrêté sur le monde de l’enseignement. En effet, si le besoin fut ressenti par les autorités de faire évoluer les esprits quant à la féminisation, il semble que l’enseignement aurait dû être une source importante par laquelle attaquer le problème. Qu’a-t-il 9 été fait dans ce sens ? Pas grand-chose, semble-t-il. uploads/s1/ feminisation-decrets-gouvernementaux-belges.pdf

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  • Publié le Fev 21, 2021
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