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PERKINS LIBRARY Dulœ U. Kare Dooks C^)^fn^A^ £ ~eje__ ^y^^x^C^ rcsv ^ CÉLÉBRITÉS CONTEMPORAINES A. DUMAS FILS PAR JULES CLARETIE PARIS A. QUANTIN, IMPRIMEUR-ÉDITEUR 7, RUE SAINT-BENOIT, 7 1882 €* &» • cotx^ à otuS~ £*-~^<* c*S~? Wfc ALEXANDRE DUMAS FILS. Imp. A. Quantin ALEXANDRE DUMAS FILS 'il reste une gloire incontestable à notre pays, une suprématie évidente, c'est la gloire du théâtre. L'étranger ne la discute même pas; il la subit. Le théâtre fran- çais contemporain, partout traduit, adapté, pillé, applaudi, demeure une des forces vives de la nation. On peut comparer à nos peintres français des peintres étrangers, anglais, italiens, espagnols ou hongrois. On n'a pas d'auteur * CELEBRITES CONTEMPORAINES. dramatique exotique à mettre en parallèle avec nos maîtres de la scène. L'homme qui a le plus fait pour donner à notre théâtre cette renommée éclatante et cette puissance souveraine, c'est M. Alexandre Dumas fils — ou plutôt, car depuis onze ans il est seul à porter ce nom illustre— M . Alexandre Dumas. Le premier, dans la comédie, dans cet art exquis du théâtre qui, avant lui, était par ceux de sa génération fidèles aux traditions de la génération précédente, regardé comme un aimable passe-temps, un plaisir digestif, un jouet, il apporta, il fit courir dans le drame cette chaleur de vie moderne, ce sentiment de vérité, cette haine de la convention qui n'ont fait que s'accentuer depuis et qui datent de lui. Lorsque parut la Dame aux Camélias, où en était le théâtre? Sauf de rares exceptions, il se traînait à la remorque de Scribe dans les petites comédies avec ou sans couplets, les anecdotes égrillardes ou sentimentales. Le grand drame romantique se taisait. Ponsard avait le bon sens de ne pas essayer de fonder Fécole du génie et M. Emile Augier, cet admirable moraliste, ce maître écrivain qui allait nous donner, un jour, ALEXANDRE DUMAS FILS. les Lionnes pauvres et le Mariage tf Olympe, en était encore à habiller du velours et de la soie des grands seigneurs padouans du temps passé son drame intime d'une inspiration pour- tant bien moderne, YAventurière. Enfin « Mal- herbe vint » et Dumas fils jetait toute vivante et palpitante encore à une foule empressée, enchan- tée, émue, enthousiasmée, une tragédie en habit noir, la Dame aux Camélias. C'était quelque chose, vers i83o, que d'arra- cher au théâtre sa tunique grecque ou romaine devenue souquenille et de la remplacer par un pourpoint neuf; c'était mieux encore, en i85o, de rejeter le pourpoint usé pour mettre, sur le torse en chair et en os de personnages bien hu- mains, le frac de la vie courante, le morne habit noir, l'uniforme banal de nos joies et de nos douleurs. Où M. Dumas fils avait-il pris, d'ailleurs, l'inspiration d'un tel drame ? Dans un de ses livres, et ce livre, il l'avait puisé en lui-même, dans ses propres sensations, ses souvenirs et ses souffrances. Il n'y a pas d'autre méthode au monde pour l'artiste. On parle beaucoup de documents humains; le véritable document pour tout homme qui crée, c'est son propre cœur. 6 CELEBRITES CONTEMPORAINES. « Si Ton savait, nous disait un jour Alexandre Dumas, ce que j'ai mis de moidans monœuvre, ce que j'ai utilisé de ma vie dans mon théâtre, ce qu'il y a de dessous dans mes pièces ! Je ra- conterai, autant que je le pourrai, ce passé, je montrerai ces sources d'émotions et d'études dans l'édition, destinée à mes seuls amis et tirée à quatre-vingt-dix-neuf exemplaires seulement, que je fais imprimer à Dole. Mais que voulez- vous? On ne peut tout dire, même à voix basse, même dans une édition à huis clos, et ce qu'on ne peut imprimer, c'est le plus curieux de la vie d'un homme ; voilà pourquoi ses biogra- phies, d'ordinaire, ne signifient rien. » M. Dumas a cinquante-sept ans aujourd'hui, étant né le 27 juillet 1824. 11 est Parisien ; il a de Paris la verve, l'alacrité, le trait qui vibre, le mot pareil au coup de fronde du gamin bibli- que. Grand, solide, les cheveux d'un blond gri- sonnant rejetés en arrière, légèrement chauve déjà, la moustache hérissée, bien vivant, avec un rictus narquois relevant comme la courbe d'un arc sa lèvre supérieure— expression sardonique admirablement rendue par Carpeaux dans son buste célèbre, — il passe à travers le monde parisien comme un conquérant^ sans fracas et ALEXANDRE DUMAS FILS. sans morgue. Il a le succès sans en avoir la fatuité'. Homme du monde et du meilleurmonde, il n'a jamais Pair de renier son humeur artis- tique. On lui a longtemps refusé le droit de s'occuper d'une autre partie de la société actuelle que de cette partie fractionnée qu'il a baptisée d'un nom inoubliable : le Demi- Monde. On connaît ce mot, tant de fois cité. Une mon- daine véritable lui demandait un jour, s'il ne s'occuperait jamais des femmes honnêtes : « Si fait, madame, ma prochaine pièce leur sera consacrée. — Ah!... Et où les avez-vous donc étudiées? — Chez moi, madame! » Ce n'était pas à une de ces demi-mondaines qu'il envoyait sa photographie naguère, mais à quelque amie honorée et fidèle, avec ces deux vers tracés au bas du carton : Acceptez ce portrait, il m'en reste encore un Du temps que j'étais blond et qu'on me faisait brun! C'est peut-être « en ce temps-là » que fatigué de mener une vie oisive, tout jeune, il se jeta résolument, corps et âme, à la lutte qu'il aime et au travail qui est sa joie. Jamais homme, peut-être, et surtout en un temps où les volon* 8 CELEBRITES CONTEMPORAINES. tés manquent, où les caractères coulent comme de la cire fondue, n'a plus fermement montré ce qu'est un caractère et démontré ce que peut la volonté. Jusqu'à Page de vingt ans, il avait vécu de Tinutile vie de ceux qu'il devait pein- dre, haïr et châtier; élégant, aimable, aimé — comme dans un bois, disait le pauvre Plouvier. Las de cette vie, un jour, il la secoue, avec un prodigieux courage. Il se met à l'œuvre , il travaille. Il pioche, c'est le mot brutal et réel; il fait des romans à deux sous la ligne, il paye ses dettes, il élimine de sa vie la femme, la maîtresse, celle que Taupin nous montre dans Diane de Lys prenant une possession lente et sûre de l'homme, qui devient sa chose. Il s'af- franchit par le labeur. D'ailleurs ne se prodi- guant pas, même en ces premières heures de production forcée. En veut-on la preuve? Il avait déjà composé, ou à peu près, VAffaire Clemenceau vers cette époque, et ce livre faisait partie d'une série de quatre romans qu'il s'était engagé à livrer à l'éditeur Cadot. Mais il sen- tit qu'il y avait là, dans une telle œuvre, autre chose qu'un succès de cabinet de lecture. Il garda dans son tiroir VAffaire Clemenceau et, au lieu d'avoir vendu l'ouvrage cinq cents ALEXANDRE DUMAS FILS. francs, il y a dix-huit ans, il y a trouvé en 1866 un succès éclatant, et cette fameuse gloire ar- gent comptant dont parlait Alphonse Rabbe. Qui croirait cependant que ce moraliste au style précis, acéré, presque scientifique, a débuté par un livre de vers? Je dirais volontiers que, comme tant d'autres, il a chanté avant de penser, s'il n'y avait dans ce volume de poésies tantôt cavalières, tantôt élégiaques, une « pensée » au contraire, et, à proprement parler, la pensée même, à l'état embryonnaire, instinctif, inarti- culé, des œuvres les plus récentes de l'auteur. Comparez, en effet, dans ce livre, rare aujour- d'hui, très recherché des bibliophiles et qui porte ce titre, Péchés de Jeunesse, telle pièce, intitulée Vhôtel-Dieu, à la tirade de Camille Aubray dans les Idées de Madame Aubray, racontant l'agonie désespérée des filles-mères au fond des salles à rideaux blancs de l'hospice, et vous serez frappé de rencontrer déjà l'idée de l'homme devenu un maître dans les premiers vers de ce débutant. Lorsqu'il le publiait, ce livre, Alexandre Dumas fils avait déjà suivi le convoi de celle qui s'était appelée sur terre Marie Duplessis, et qu'il allait rendre désormais célèbre sous le io CELEBRITES CONTEMPORAINES. nom de Marguerite Gautier. Pauvre fille née pour la douleur, souffre -plaisir qui mourut d'une vie qui enrichit tant d'autres, et qui, victime de Paris, léguait, en mourant, le pro- duit de la vente de ses meubles à sa nièce, à la condition que la jeune fille ne viendrait jamais à Paris! Son agonie avait été lugubre; ses funérailles furent presque solitaires. Deux hommes seulement suivaient son convoi, et l'auteur de la Dame aux Camélias les saluait, ceux-là, dans ses vers : Vous qui l'avez aimée et qui l'avez suivie, Qui n'êtes pas de ceux qui, duc, marquis ou lord, Se faisant un orgueil d'entretenir sa vie, N'ont pas compris l'honneur d'accompagner sa mort! Cette femme morte, Alexandre Dumas réso- lut de raconter son existence. Ou plutôt est-ce qu'on projette de pousser le cri qui vous étouffe? Il monte du cœur aux lèvres et jaillit. Dumas uploads/s1/ jules-claretie-a-dumas-fils-1882.pdf

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  • Publié le Jan 04, 2022
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