CONSEIL DE L’EUROPE COUNCIL OF EUROPE COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME EUR

CONSEIL DE L’EUROPE COUNCIL OF EUROPE COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME EUROPEAN COURT OF HUMAN RIGHTS PREMIÈRE SECTION AFFAIRE ANONYMOS TOURISTIKI ETAIRIA XENODOCHEIA KRITIS c. GRÈCE (Requête no 35332/05) ARRÊT STRASBOURG 21 février 2008 DÉFINITIF 21/05/2008 Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme. ARRÊT ANONYMOS TOURISTIKI ETAIRIA XENODOCHEIA KRITIS c. GRÈCE 1 En l'affaire Anonymos Touristiki Etairia Xenodocheia Kritis c. Grèce, La Cour européenne des droits de l'homme (première section), siégeant en une chambre composée de : Loukis Loucaides, président, Christos Rozakis, Nina Vajić, Khanlar Hajiyev, Dean Spielmann, Sverre Erik Jebens, Giorgio Malinverni, juges, et de Søren Nielsen, greffier de section, Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 31 janvier 2008, Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date : PROCÉDURE 1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 35332/05) dirigée contre la République hellénique et dont une société grecque ayant son siège à Agios Nikolaos en Crète, « Anonymos Touristiki Etairia Xenodocheia Kritis » (« la société requérante »), a saisi la Cour le 13 septembre 2005 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). 2. La société requérante est représentée par Mes Kostas et Ioannis Horomidis, avocats au barreau de Thessalonique. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») est représenté par les délégués de son agent, M. K. Georgiadis, assesseur auprès du Conseil juridique de l'Etat et Mme M. Papida, auditrice auprès du Conseil juridique de l'Etat. 3. La société requérante se plaignait, sous l'angle de l'article 6 § 1 de la Convention, de la durée de la procédure litigieuse et, sous l'angle de l'article 1 du Protocole no 1, d'une atteinte à son droit au respect de ses biens. 4. Le 27 novembre 2006, la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant des dispositions de l'article 29 § 3, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l'affaire. 2 ARRÊT ANONYMOS TOURISTIKI ETAIRIA XENODOCHEIA KRITIS c. GRÈCE EN FAIT A. La genèse de l'affaire 5. La société requérante fut constituée en 1972 avec l'objectif de fournir des services touristiques de qualité en Grèce. En 1972, 1973 et 1974, elle acquit successivement une superficie de seize hectares environ sise en Crète, dans la péninsule de Spinaloga et dans la région d'Elounta, dans le but d'y implanter un complexe hôtelier. 6. En 1973, la société requérante soumit à l'Organisme Hellénique du Tourisme (l'« EOT ») un projet de construction d'un complexe hôtelier d'une capacité de 606 lits sur le terrain précité. Le 12 novembre 1973, par un acte no 551898/1973, l'EOT approuva le projet en cause. B. L'adoption des mesures restrictives sur la construction du terrain en cause 7. Au moment de l'acquisition du terrain, la construction d'un complexe hôtelier n'était pas interdite par la législation pertinente. Les conditions de construction sur la superficie en cause étaient régies par l'article 5 § 1 du décret présidentiel du 23 octobre 1928 « sur les conditions de construction de bâtiments dans les régions à l'intérieur ou hors de la zone urbaine ». Selon ladite disposition, la construction de bâtiments sur des terrains situés hors de la zone urbaine était permise, à condition que la superficie du terrain excède 4 000 m2 et que le bâtiment projeté ne dépasse pas 10 % de la surface du terrain. En 1970, en vertu d'une décision du ministre adjoint de la Présidence du Gouvernement, la région d'Elounta fut qualifiée de « lieu de beauté naturelle particulière ». En 1976, par décision ministérielle, la péninsule de Spinaloga fut qualifiée de « site archéologique ». Aucune restriction spécifique quant à la constructibilité des terrains situés dans la région d'Elounta ne fut apportée en vertu des décisions précitées. 8. En 1976, la société requérante soumit au 14ème comité des antiquités classiques le projet final portant sur la construction d'un complexe hôtelier d'une capacité de 612 lits sur le terrain en cause. Le 28 janvier 1977, le ministère de la Culture fit droit à cette demande en y apportant toutefois certaines restrictions : il limita la capacité de l'hôtel à 350 lits et imposa aussi des modifications quant à la hauteur maximale de la construction envisagée. La société requérante allègue que la modification du projet de construction, notamment quant à la capacité de l'hôtel, bouleversa les données financières de l'investissement et imposa de facto l'élaboration d'un nouveau projet de construction. 9. Le 21 juin 1984, le ministre de la Culture rejeta la demande de la société requérante tendant à la construction du complexe hôtelier, après ARRÊT ANONYMOS TOURISTIKI ETAIRIA XENODOCHEIA KRITIS c. GRÈCE 3 avoir considéré que le terrain à bâtir se trouvait dans une région qualifiée de site archéologique et d'une beauté naturelle particulière. En particulier, le ministre de la Culture considéra qu'à proximité du terrain en cause se trouvait une basilique paléochrétienne, qualifiée de monument historique qui souffrirait de l'implantation d'un hôtel (acte no 1153/21.6.1984). 10. Le 28 juin 1984, le ministre de la Culture qualifia la région de « zone A - de protection absolue », à savoir une zone où toute construction, quelle que soit sa nature, est totalement interdite (acte no 1213/28.6.1984). 11. Le 30 juin 1986, le Service archéologique confirma l'interdiction de toute construction sur la propriété de la société requérante. 12. La société requérante entreprit vainement par la suite diverses démarches auprès des autorités compétentes aux fins d'obtenir le renouvellement du permis initial de construction d'un complexe hôtelier de 350 lits. C. Les demandes d'expropriation et le recours au Conseil d'Etat 13. Le 2 mars 1993, la société requérante sollicita auprès du ministère de la Culture l'expropriation de sa propriété en alléguant que la charge imposée par l'interdiction totale de construire avait rendu de facto son droit de propriété caduc. 14. Le ministère de la Culture sollicita l'avis du 14ème comité des antiquités classiques et du 13ème comité des antiquités byzantines et post- byzantines qui procédèrent à une visite sur les lieux. Les rapports dressés par les services précités établirent l'absence d'antiquités à la surface du terrain ainsi que l'existence d'une église paléochrétienne à 200 mètres de la limite la plus proche du terrain. Les rapports proposèrent la non- expropriation du terrain en cause. 15. Le 3 août 1998, la société requérante adressa aux ministres de la Culture et des Finances une nouvelle demande d'expropriation. L'administration n'ayant pas répondu à la société requérante dans le délai prescrit, celle-ci saisit, le 28 novembre 1998, le Conseil d'Etat d'un recours en annulation contre le refus tacite de l'administration de procéder à l'expropriation de sa propriété. La société requérante alléguait entre autres que le refus de l'administration de procéder à l'expropriation du terrain en cause portait atteinte à son droit à la protection de ses biens, tel qu'il est consacré par les articles 17 de la Constitution et 1 du Protocole no 1 à la Convention. En particulier, la société requérante affirmait que le terrain en cause était constructible selon le droit pertinent à l'époque de son acquisition. Elle ajoutait que l'imposition progressive de restrictions ayant abouti à l'inconstructibilité absolue de sa propriété s'avérait être une charge exorbitante qui entraînait la dépréciation totale de sa propriété. Pour la société requérante, ledit comportement de l'administration équivalait à une 4 ARRÊT ANONYMOS TOURISTIKI ETAIRIA XENODOCHEIA KRITIS c. GRÈCE expropriation de facto en contradiction directe avec le droit à la protection de la propriété. 16. Le 30 août 2001, la société requérante déposa un mémoire comportant des moyens supplémentaires d'annulation, possibilité prévue par le droit interne pertinent. 17. Après plusieurs ajournements pour cause de changements de rapporteur et de section compétente pour examiner l'affaire, le Conseil d'Etat rejeta le recours en annulation le 30 mars 2005. En particulier, la haute juridiction administrative considéra que l'administration se trouve dans l'obligation d'exproprier un terrain uniquement dans le cas où les restrictions imposées sur celui-ci entraînent l'impossibilité partielle ou totale de l'exploiter selon sa destination. Or, dans le cas d'espèce, le Conseil d'Etat nota que le terrain litigieux se trouvait hors de la zone urbaine et qu'il était, par conséquent, destiné exclusivement de par sa nature à un usage agricole, avicole, sylvicole ou de divertissement du public. Le Conseil d'Etat conclut qu'en l'occurrence aucune restriction partielle ou absolue n'avait frappé la propriété en cause et que la situation litigieuse n'équivalait pas à une expropriation (arrêt no 982/2005). II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS A. La Constitution 18. Les articles pertinents de la Constitution disposent : Article 17 « 1. La propriété est placée sous la protection de l'Etat. Les droits qui en dérivent ne peuvent toutefois s'exercer au détriment de l'intérêt général. 2. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, dûment prouvée, dans les cas et suivant la procédure déterminés par la loi et toujours moyennant une indemnité préalable complète. Celle-ci doit correspondre à la uploads/s1/affaire-anonymos-touristiki-etairia-xenodocheia-kritis-c-grece.pdf

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  • Publié le Dec 24, 2021
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