CONSEIL DE L’EUROPE COUNCIL OF EUROPE COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME EUR
CONSEIL DE L’EUROPE COUNCIL OF EUROPE COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME EUROPEAN COURT OF HUMAN RIGHTS TROISIÈME SECTION AFFAIRE RAVON ET AUTRES c. FRANCE (Requête no 18497/03) ARRÊT STRASBOURG 21 février 2008 Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme. ARRÊT RAVON ET AUTRES c. FRANCE 1 En l'affaire Ravon et autres c. France, La Cour européenne des Droits de l'Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de : Boštjan M. Zupančič, président, Corneliu Bîrsan, Jean-Paul Costa, Elisabet Fura-Sandström, Alvina Gyulumyan, Egbert Myjer, Isabelle Berro-Lefèvre, juges, et de Santiago Quesada, greffier de section, Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 31 janvier 2008, Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date : PROCÉDURE 1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 18497/03) dirigée contre la République française et dont un ressortissant de cet Etat, M. Jean - Maurice Ravon (« le requérant »), et des personnes morales de droit français, la TMR International Consultant et la SCI Rue du Cherche- Midi 66 (« les sociétés requérantes »), ont saisi la Cour le 10 juin 2003 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). 2. Les requérants sont représentés par Me Delphine Ravon, avocate à Paris. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agente, Mme Edwige Belliard, directrice des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères. 3. Le 6 août 2005, la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant de l'article 29 § 3 de la Convention, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l'affaire. EN FAIT I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE 4. Le requérant est né en 1947 et réside à Marseille, où se trouve également le siège des sociétés requérantes. 2 ARRÊT RAVON ET AUTRES c. FRANCE 5. Le requérant contrôlait les sociétés requérantes, ainsi qu'une autre société dénommée TMR France, soit par la détention du capital social, soit par l'exercice de la gérance statutaire. 6. Le 3 juillet 2000, soupçonnant les sociétés requérantes – notamment – de s'être soustraites et de se soustraire à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée (« TVA »), l'administration fiscale saisit le président du tribunal de grande instance de Marseille et le président du tribunal de grande instance de Paris de requêtes tendant à la mise en œuvre de son droit de visite et de saisie prévu à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales. Ces derniers, à cette même date, prirent deux ordonnances distinctes autorisant l'administration fiscale à procéder aux « visites et saisies nécessitées par la recherche de la preuve de ces agissements dans les lieux désignés ci-après où des documents et supports d'information illustrant la fraude présumée sont susceptibles de se trouver », à savoir (notamment) : les « locaux et dépendances » sis à Marseille, à une adresse spécifiée, susceptibles d'être occupés par les sociétés requérantes, et, à une autre adresse, par le requérant et/ou son épouse ; les « locaux et dépendances » sis 66 rue du Cherche-Midi à Paris, « susceptibles d'êtres occupés » par le requérant et/ou son épouse et/ou la seconde société requérante. Les requérants se pourvurent en cassation contre ces ordonnances ; ils ne fournissent aucune information relative à ces procédures. 7. Les locaux des sociétés requérantes ainsi que les domiciles du requérant à Marseille et à Paris furent visités le 4 juillet 2000 sur le fondement de ces ordonnances ; des documents furent saisis. 8. Estimant que des irrégularités avaient été commises lors de ces visites et saisies, les requérants saisirent les présidents du tribunal de grande instance de Marseille et de Paris de deux requêtes distinctes tendant à l'annulation de l'ensemble de ces opérations. 9. Le 26 février 2001, le président du tribunal de grande instance de Paris déclara irrecevable la requête dont il était saisi, par une ordonnance ainsi motivée : « Sur l'étendue de notre compétence : Attendu que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, qui nous donne pleine compétence pour non seulement autoriser la visite mais aussi veiller à la régularité des opérations puisque « la visite et la saisie des documents s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées », ne fixe pas de limitation dans le temps du pouvoir de contrôle qui nous est confié. Attendu que la jurisprudence constante depuis de nombreuses années, et pleinement approuvée jusque là par la Cour de cassation qui avait estimé que notre pouvoir de contrôle s'étendait à la constatation de l'irrégularité des opérations lorsqu'elles sont achevées et en ce cas à leur annulation, afin de traiter le contentieux des visites domiciliaires de manière unitaire et de le soumettre au même magistrat signataire, ne peut faire l'objet d'aucune critique, en ce sens que c'est bien à l'autorité judiciaire qu'il ARRÊT RAVON ET AUTRES c. FRANCE 3 appartient d'assurer la sauvegarde de la liberté individuelle sous tous ses aspects ; en revanche dès lors que les personnes qui, sur la base d'une présomption de fraude font l'objet d'une visite domiciliaire, disposent selon le texte de l'article L. 16 B du livre de procédures fiscales d'une seule voie de recours, qui est le pourvoi en cassation, non suspensif, qui leur permet de contester tant l'ordonnance d'autorisation que le déroulement de la visite domiciliaire, le fondement juridique d'une coexistence d'une voie de recours « prétorienne » avec une voie de recours « officielle » est en lui-même contestable. Attendu que cette difficulté de procédure, déjà apparue en jurisprudence, puisque certains arrêts de la Cour suprême avaient relevé que l'ordonnance d'autorisation rendue sur requête n'était pas susceptible ni de rétractation, ni de référé, ni d'appel, mais seulement d'un pourvoi en cassation, n'avait pas reçu de réponse identique s'agissant des requêtes contestant la régularité des opérations, présentées après remise du procès-verbal et donc après clôture des opérations ; que pour ces requêtes dites en annulation, en respectant le contradictoire par un échange de mémoires il était admis qu'elles soient examinées et qu'il en était de même pour les assignations en référé rétractation délivrées selon une procédure inspirée du référé rétractation de la procédure civile régi par les articles 496 et s. du nouveau code de procédure civile. Attendu que l'ordonnance contradictoire rendue, touchant au fond à la validité même des opérations, était elle-même susceptible d'un pourvoi en cassation. Attendu que si certes le texte de l'article L. 16 B ne limite pas dans le temps notre compétence, ce qui explique que le magistrat n'a pas l'impression de commettre un quelconque excès de pouvoir lorsqu'il retient sa compétence, même au-delà de la remise du procès-verbal, en revanche cette pratique ne s'explique que par des considérations concrètes afin de permettre à la partie visitée d'exercer son droit de contestation aussi après réflexion et donc a posteriori, bien qu'elle ait eu totalement la possibilité de l'exercer durant les opérations elles-mêmes, puisque le magistrat signataire, en lien permanent avec l'administration fiscale et les officiers de police judiciaire, au moins téléphoniquement, et ce jusqu'à la fin des opérations, a déjà eu toute possibilité d'être informé des difficultés et qu'il a pu exercer son pouvoir de contrôle, qui lui permet d'ailleurs le cas échéant de suspendre ou d'arrêter la visite. Attendu que la Cour suprême, qui tend désormais à considérer par une jurisprudence suivie que le fait de statuer sur ces contestations, après clôture des opérations, est constitutif d'un excès de pouvoir de la part du magistrat signataire, soulève par voie de conséquence la régularité de la double voie procédurale, soulignée plus haut ; que cette nouvelle position de la Cour suprême est antérieure à l'introduction de la requête et pouvait être à la connaissance de la partie requérante et de son conseil. Attendu que le magistrat signataire constate au surplus qu'en l'espèce d'une part la partie visitée a effectivement exercé un pourvoi en cassation et que selon le procès- verbal qui a été rédigé, il n'a pas été mentionné qu'elle ait formulé une contestation particulière ; que donc la partie visitée n'a pas été privée de voies de recours ; qu'il y a lieu de déclarer la requête irrecevable ». Le 11 décembre 2002, la chambre criminelle de la Cour de cassation rejeta le pourvoi formé par les requérants – au moyen notamment d'une violation des articles 6 § 1, 8, et 13 de la Convention – par un arrêt rédigé comme il suit : 4 ARRÊT RAVON ET AUTRES c. FRANCE « (...) Attendu que, selon l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, la mission du juge chargé de contrôler l'exécution d'une visite domiciliaire, prend fin avec les opérations autorisées ; qu'il ne peut être saisi a posteriori d'une éventuelle irrégularité affectant ces opérations, une telle contestation relevant du contentieux dont peuvent être saisies les juridictions appelées uploads/s1/arret-ravon-contre-france.pdf
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- Publié le Mai 03, 2021
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