1 Les origines du logement social à Rennes ou le temps des habitations à bon ma
1 Les origines du logement social à Rennes ou le temps des habitations à bon marché par Benjamin Sabatier Les origines du logement social à Rennes ou le temps des habitations à bon marché 2 Histoire de Rennes Dossier Les prémices d’une politique du logement social . . . . . . . . . . . . . 3 De l’initiative privée à l’intervention publique. . . . . . . . 4 La création des Offices publics d’HBM. . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Le temps des réalisations : une laborieuse mise en œuvre . . . . . . . 6 Une loi pour relancer le logement : la loi Loucheur . . . . . . . . . . . . . . . 10 Deux collaborations : « Les maisons des Étudiant(e)s » . . . . . . . . . . . . . 14 La fin des HBM . . . . . . . . . . . . . . . 16 Les origines du logement social à Rennes ou le temps des habitations à bon marché par Benjamin Sabatier JUILLET 2006 3 L iée aux débuts de la révolution industrielle, la politique française relative au logement social est timide au regard de ses voisins européens ; cependant, plusieurs lois favorisent la création d’habitations destinées aux ouvriers en France1 et à Rennes. Quelles sont ces initiatives prises par les pouvoirs publics afin d’aider au développement de ce type de construction ? Quelles sont les implications au niveau local ? Une première phase qui comprend deux lois : celle du 13 avril 1850 pour l’assainissement des habitations insalubres, pas ou peu appliquée, et celle de 1894, qui offre un cadre à la construction de logements sociaux par l’initiative privée. Puis, une deuxième phase marquée par la loi du 23 décembre 1912, dite loi Bonnevay, qui met en place l’intervention publique. Enfin, la loi du 13 avril 1928, plus connue sous le nom de loi Loucheur, donne une nouvelle impulsion à la construction de logements dits HBM2. Ainsi, à Rennes, des cités sont construites par les offices publics d’HBM, alors qu’en parallèle des sociétés coopératives continuent à aider au financement de nouvelles habitations. Une circulaire du 10 avril 1907 donne une définition du logement social3 : ce sont des habitats que l’on attribue à des familles sans grands revenus, des ouvriers et des employés, des familles nombreuses ou des invalides. Trois critères peuvent caractériser les HBM : elles sont destinées à des personnes peu fortunées, leur valeur locative ne peut dépasser le maxima fixé par la loi et elles doivent être salubres. Le développement des HBM est un phénomène d’abord urbain4, lié à la hausse de la population des villes5, mais aussi en réaction au développement du « taudis ». C’est dans ce contexte que les premières lois sur les logements insalubres sont mises en place. Les prémices d’une politique du logement social La première est promulguée le 13 avril 1850 sur l’initiative d’Armand de Melun, député d’Ille-et-Vilaine6. Elle prévoit la création de commissions d’assainissement et donne la possibilité aux municipalités de mettre fin au taudis par la démolition des immeubles insalubres. Elle n’est malheureusement que peu appliquée. En 1854, une enquête nationale est menée dans les départements français sur les conditions de vie des ouvriers. La situation n’est pas bonne : le rapport d’enquête de la Commission cantonale d’hygiène sur les « habitations d’ouvriers et indigents, corps de logis des fermes » indique ainsi à Fougères qu’« en général les habitations d’ouvriers sont très défectueuses. Dans la ville et particulièrement dans les rues de Vitré, de Marchix, des Fontaines, d’Antrain et de Sévigné. Elles sont le plus souvent au-dessous du sol, manquent d’ouvertures, sont étroites et basses d’étage, l’air y est humide, s’y renouvelle difficilement et son volume insuffisant par rapport au nombre d’habitants. L’ordre et la propreté y laissent à désirer ; la literie très défectueuse se compose d’une paillasse et d’une calière trop rarement renouvelées »7. La situation rennaise est sensiblement la même, on pense alors aux quartiers de la rue de Saint-Malo ou de la rue de Brest dont certaines maisons sont encore debout au milieu des années 1960. Auparavant, le docteur Toulmouche, professeur à l’École préparatoire de médecine et de pharmacie de Rennes, donne des indications sur le taux de mortalité de la ville, lequel est très important dans les quartiers ouvriers. Il décrit ainsi les logements ouvriers au début du XIXe siècle : « Les escaliers sont la plupart du temps nullement ou insuffisamment éclairés ; dégradés, rarement nettoyés malgré que les marches recouvertes d’une boue tenace, grasse, à moitié desséchée, y forment une croûte. Les étages sont bas, divisés en chambres avec ou sans cabinet, dans lesquelles se loge toute une famille. Il n’y a pour ouvertures qu’une fenêtre et la porte. Une vaste cheminée enfume cet intérieur. Les étages Les origines du logement social à Rennes ou le temps des habitations à bon marché 4 supérieurs sont encore plus misérables (…) en sorte que les malheureux qui les habitent sont réduits à réchauffer leurs membres engourdis par le froid avec quelques portions de fagots ou de charbon allumés dans une terrine. (…) Le plus souvent, il existe des latrines communes, ouvertes, sans lunette, construites dans un angle, sans aucunes fermetures, en sorte que leurs entrées sont encombrées d’immondices dont il s’exhale des gaz irritants et une odeur insupportable »8. Il faut attendre 1881 pour qu’une commission des logements insalubres voie le jour dans la ville de Rennes sous l’initiative du maire Edgar Le Bastard9. Cette commission a cependant des pouvoirs limités10. La propriété est un droit sacré auquel il est difficile de s’attaquer. En France, les idées issues du socialisme utopique et de Fourier se concrétisent dans quelques réalisations remarquables comme le Familistère de Guise de Jean-Baptiste Godin, édifié à partir de 1858. Des logements ouvriers sont également construits rue Rochechouart à Paris par Napoléon III en 1863. Des pavillons sont établis par le chocolatier Meunier à Noisiel en 1874, d’autres par Schneider au Creusot ou par la Fondation Rothschild à Paris. Ce sont là des exceptions au XIXe siècle dans le paysage français. L’initiative vient exclusivement des patrons11. Le Bastard, maire de Rennes et propriétaire d’une tannerie, construit vers 1890, « près de son usine située au canal Saint-Martin un ensemble d’habitations d’une pièce disposées en U autour d’un petit puits destinées à loger gratuitement les ouvriers de l’entreprise »12. Mais, durant cette seconde moitié du XIXe siècle, les réalisations demeurent encore rares et ne sortent pas de l’initiative individuelle. Il faut attendre une nouvelle loi qui va donner un cadre à la création de sociétés d’HBM. De l’initiative privée à l’intervention publique. Ainsi, au début du XXe siècle, la loi Siegfried du 30 novembre 1894 fixe un cadre juridique aux sociétés d’HBM. Elle confère des prêts à taux réduits auprès de la Caisse des dépôts et consignations, permet une exonération des impôts directs, donne une assurance à la veuve en cas de décès du père de famille ainsi que des aides pour les sociétés prêteuses. Mais elle est aussi connue pour instaurer, sur la base du volontariat, des comités de patronage dans les départements. Deux comités sont créés en Ille-et-Vilaine en 1896 (un à Fougères et un à Rennes13). Ils délivrent des certificats de salubrité après une visite des maisons des propriétaires qui demandent une subvention au titre des HBM. Il arrive que des certificats ne soient pas attribués à cause de la non-conformité des logements visités. Ainsi, la maison Bénis, visitée en 1908 par le comité, se voit refuser le certificat : « La maison Bénis se compose de quatre pièces louées isolément à raison d’une par ménage. Il semble à la commission que pour pouvoir être considéré comme salubre, un logement devrait être composé d’au moins deux pièces. (…) Le Comité, considérant qu’on ne peut regarder comme salubre un logement d’une seule pièce, refuse le certificat à la maison Bénis »14. Le comité considère que la pièce unique pour une famille n’est pas conforme. Elle correspond en effet davantage aux taudis décrits par le docteur Toulmouche dans lesquels vivent de nombreux ouvriers. Par la suite, la loi Strauss, promulguée le 12 avril 1906, oblige la création d’au moins un comité par département. Le comité local de Rennes, qui fusionne avec celui de Fougères en 1898, prend alors le nom de « comité départemental de patronage des HBM » ; son président est l’ingénieur en chef du département, Corbeaux, et le vice-président, Janvier15, président du syndicat des entrepreneurs. Il y a aussi Pinault, le maire de Rennes, Le Hérissé, député, et Ballé16, architecte des bâtiments de l’État. En 1901, Janvier fournit un rapport 5 sur les HBM dans lequel il explique sa préférence pour les maisons individuelles aux cités ouvrières collectives17. Il est donc très tôt engagé sur la question, une initiative qu’il va réitérer par la suite en uploads/s1/do02-logement-social.pdf
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- Publié le Fev 01, 2021
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