Chapitre IV La gestion de l’espace urbain au Maroc entre les logiques administr
Chapitre IV La gestion de l’espace urbain au Maroc entre les logiques administratives et les logiques des populations 209 210 Introduction La croissance démographique accélérée, qui a marqué le pays durant les 4 dernières décennies, a eu pour conséquence majeure d’aggraver les déséquilibres entre les régions et le développement inégal à l’intérieur d’un même espace urbain. Le contraste n’a cessé de s’approfondir entre régions riches et régions pauvres, entre quartiers planifiés équipés et quartiers spontanés sous-équipés. Face à ces enjeux démographiques et urbains l’Administration a progressivement mis en place une série de dispositifs institutionnels et d’instruments de planification, dont l’objectif déclaré est de maîtriser et rationaliser l’espace urbain. Mais le centralisme reste le trait majeur de l’ensemble de ces dispositifs administratifs, tant au niveau de leur organisation qu’au niveau de leurs compétences. Le maillage administratif mis en place tend à assurer un encadrement du territoire, et à permettre aux organes centraux et à leurs prolongements territoriaux un contrôle sur les processus décisionnels et les allocations des ressources au niveau des villes . Certes, depuis la charte communale de 1976, la décentralisation a connu des développements très importants et la commune est devenue progressivement un intervenant majeur et un acteur incontournable dans la gestion urbaine. Néanmoins, l’inexpérience des élus communaux jointe à l’absence de ressources humaines matérielles et à la lourdeur de la tutelle administrative, ont conduit à la multiplication des centres de décision sans efficacité réelle. Malgré son apparente hypertrophieé, l’administration des villes, qu’il s’agisse de structures déconcentrées ou décentralisées, demeure marquée par la rigidité, l’inexpérience et l’inefficacité. En dépit du caractère pléthorique de cette administration multipliant préfectures, caïdats et communes, agences urbaines et inspections d’urbanisme, l’espace urbain demeure largement non maîtrisé. D’où le développement, durant ces deux dernières décennies d’un mouvement associatif très actif dans les périphéries urbaines, qui 211 tentent de suppléer aux défaillances des structures communales et étatiques et qui vise , en mobilisant les ressources des populations, à doter les quartiers d’habitat spontané, d’un minimum d’équipement. La gestion de l’espace urbain met donc en relation trois groupes d’acteurs: les acteurs étatiques; les acteurs communaux; les mouvements associatifs. I- Les structures étatiques de gestion de l’espace urbain -Les structures administratives chargées de la gestion urbaine frappent par leur diversité et leur multiplicité. Dans le territoire d’une même ville coexistent wilaya, préfecture ou province, commune et communauté urbaine, agence urbaine et inspection régionale de l’urbanisme. La multiplication de ces dispositifs institutionnels nécessite, pour leur fonctionnement, des coûts humains et financiers considérables qui dépassent largement les capacités de l’Etat marocain. D’où les difficultés et les lenteurs avec lesquels ces dispositifs territoriaux prennent forme sur le terrain, et multiples conflits de compétences entre ces différents acteurs qui se disputent le champ urbain.. Trois acteurs méritent d’être analysés , en raison du rôle décisif qu’ils jouent dans la gestion urbaine: les préfectures ou provinces; les agences urbaines; les inspections régionales. I.1- Les préfectures et provinces Les provinces et les préfectures constituent le prolongement privilégié de l’action territoriale de l’Etat. Elles ont été érigées en collectivité territoriale depuis la constitution de 1962 . Le nombre de ces unités territoriales n’a pas cessé d’augmenter. 212 C’est ainsi qu’on est passé de 16 préfectures et 2 provinces en 1956 à 18 préfectures et 45 provinces, en 1992 et à 45 provinces et 26 préfectures actuellement. La préfecture et la province jouent un rôle fondamental dans la structuration de l’espace marocain. La force de cette institution provient d’abord du statut de celui qui en est le responsable ou le chef direct, à savoir le gouverneur: c’est l’acteur le plus important au niveau local. Représentant le gouvernement dans sa circonscription territoriale, il est le chef de tout le réseau d’autorité au niveau local: chefs de cercles, Pachas, caïds, chioukhs, mokkadems, travaillent sous son autorité directe. Il exerce, par délégation, la tutelle sur les communes et il est le coordinateur de tous les services extérieurs des différents ministères représentés au niveau de sa circonscription territoriale. Dans le domaine de l’urbanisme, le gouverneur exerce des attributions très importantes tant au niveau de la conception qu’au niveau de l’exécution des documents d’urbanisme. Au niveau de la conception, il participe au Comité Central chargé du suivi de l’élaboration du SDAU1, préside le comité local qui réunit les présidents des conseils communaux, les présidents des chambres professionnels et les délégués des différents ministères. C’est ce comité qui examine les projets de SDAU et de P.A. Le gouverneur préside également le comité technique préfectoral ou provincial , chargé de l’instruction des demandes de lotir ou de construire. Enfin le gouverneur joue un rôle déterminant en matière de police de la construction : c’est lui qui décide, soit de sa propre initiative soit sur demande du président du conseil communal, du recours à la force publique pour détruire les constructions édifiées sans autorisation sur des terrains qui ne sont pas ouverts à l’urbanisation. Il convient de rappeler que la préfecture et la province constituent le lieu de déploiement des différents services administratifs, et d’implantation des services extérieurs des diffèrent ministères. Schéma directeur d’Aménagement Urbaun1 213 Néanmoins, la préfecture et la province restent enfermées plus dans une logique de commandement que dans une logique d’aménagement. En effet, en raison de leur multiplication les provinces et préfectures se retrouvent avec un cadre spatial réduit, qui ne peut plus convenir à des politiques d’aménagement urbain intégrées, qui dépassent nécessairement ces limites territoriales étroites. La délimitation des périmètres provinciaux se fait sans aucune cohérence d’ensemble. La création de nouvelles provinces, acte qui conditionne l’évolution de la configuration spatiale du pays, est le plus souvent le résultat d’événements politiques. Les nouvelles unités territoriales créées semblent découler plus d’une logique de sécurité et de maintien de l’ordre que d’une logique d’aménagement urbain. L’aboutissement de ce processus est un découpage qui n’obéit pas à des critères objectifs rationnels et prévisibles. Ni la taille ni le dynamisme des agglomérations ne semblent constituer des critères déterminants. C’est pourquoi la création de provinces s’est faite dans des zones où rien ne le laissait prévoir, alors que d’autres régions plus dynamiques n’ont pas pu bénéficier de ce statut. De même, le processus de créations des provinces et préfectures reste marqué par un centralisme excessif. La décision dans ce domaine ne reflète souvent que le point de vue du ministère de l’intérieur. Non consultés , les autres ministères se trouvent souvent obligés soit de redéfinir leur mode de représentation au niveau territorial en fonction des nouvelles unités provinciales créées, soit d’ignorer le découpage provincial, et de fonctionner sur une base régionale, ou interprovinciale. Il résulte de cette situation un inconvénient majeur: les ministères n’ont pas le même mode de représentation au niveau territorial. Chaque ministère définit son mode d’implantation territorial en fonction de son domaine de compétence. Une des conséquences majeures de cette situation est que la carte provinciale et préfectorale ne correspond pas à la géographie des services extérieurs des différents ministères. La multiplication des provinces et des préfectures, durant une période très courte, a mis les différents ministères dans l’impossibilité de 214 «provincialiser» leurs services. La création de nouvelles délégations nécessite des moyens humains et financiers dont beaucoup de ministères sont dépourvus dans ces périodes de rigueur budgétaire. La conséquence est que la représentation de l’Etat au niveau provincial ou préfectoral est très inégale et dans de nombreuses provinces on ne rencontre que quelques services extérieurs. Le processus de création des provinces et préfectures ne semble pas découler d’une planification stratégique à long terme. La prédominance des facteurs politiques conjoncturels a conduit à une instabilité de la carte administrative, ce qui est source de nombreux dysfonctionnements. Un autre inconvénient provient de la nature même des provinces et préfectures: conçue comme une unité territoriale fermée, avec des limites précises, la province est certes très fortement articulée verticalement au pouvoir central, mais elle n’entretient aucune relation horizontale avec les autres unités territoriales. Il n’existe dans l’organisation administrative territoriale marocaine aucune structure de coordination interprovinciale ou interpréfectorale. Un gouverneur ne rend compte qu’au pouvoir central , et rien ne l’oblige à se concerter ou à coopérer avec un autre gouverneur. Cette situation n’avait pas de conséquences majeures lorsque les provinces couvraient des territoires très étendues qui comportent plusieurs villes et espaces ruraux. Or, tel n’est plus le cas durant les deux dernières décennies. Non seulement l’assise territoriale des provinces s’est réduite considérablement, mais on assiste, de plus en plus à la création de plusieurs préfectures à l’intérieur d’une même ville, ce qui aggrave le problème de la coordination et conduit à une parcellisation du pouvoir de décision à l’intérieur des grandes agglomérations, dont l’aménagement ne peut être conçu et appliqué qu’à une échelle globale. Certes le mouvement de multiplication des préfectures a été accompagné par la création de wilayas dont l’objectif est de résoudre le problème du morcellement du pouvoir de décision au niveau des grandes agglomérations et de veiller à recréer l’unité de la ville. L’expérience des wilayas a commencé à Casablanca en 1981, puis a été étendue ensuite uploads/s1/dynamique-urbaine-et-developpement-rural-au-maroc-chapitre-4-la-gestion-de-l-x27-espace-urbain-au-maroc-entre-les-logiques-administratives-et-les-logiques-des-populations.pdf
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- Publié le Jan 04, 2022
- Catégorie Administration
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