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ttf «bJC 1/ i I 4kr ^ COLLECTION G.M.A. of % Pxitùersttg of Qloronto An Anonymous Donor ^r ^ X % \ 5v __ HISTOIRE RÉVOLUTION FRANÇAISE VIII TYPOGRAPniE FIRUIN-DIDOT. — MESNIL (EUUE). HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE J. MICHELET NOUVELLE EDITION, REVUE ET AUGMENTÉE Avec illustrations par VIERGE TOME HUITIÈME PARIS LIBRAIRIE ABEL PILON A. LE VASSEUR, SUCCESSEUR, ÉDITEUR 33, RUE DE FLEURUS, 33 68855n 5?C t-9 CHAPITRE V MORT DE CHALIER (16 JUILLET 93) La question lyonnaise était moins politique que sociale. — Les rêveurs de Lyon et des Alpes. — Le piémontais Chalier— Écrits de Chalier. — Accusations contre lui. — Son caractère, sa vio- lence et sa tendresse — Les disciples de Chalier. — Son arres- tation (30 mai 93). — Chalier en prison. — Son isolement. — - La Convention intervient. — Mort de Chalier (16 juillet 93). — Dernières paroles de Chalier. Marat est poignardé le 13. Chalier guillotiné le 16. Un monde passe entre ces deux coups. Marat, le dernier de l'ancienne révolution ; Chalier, le premier de la nouvelle. Marat, pour Gaen, Bordeaux, Marseille, est le nom de la guerre civile. Dans Lyon, Chalier est celui de la guerre sociale. Ceci met Lyon fort à part de l'histoire générale du girondinisme. La guerre des riches et des pauvres alla grondant, menaçant, jusqu'au combat du 29 mai, jusqu'à la mort de Chalier (16 juillet). Les riches, entraînant les mar- chands, les ennemis, le petit commerce, gagnèrent avec eux cette bataille, et donnant le change aux pau- RÉV — T. VIII. 1 •2 HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE, vres, leur firent tuer Chalier, leur défenseur, les payèrent, les firent combattre contre la Convention, tinrent cinq mois la France en échec. Ils n'échappèrent ainsi à la guerre sociale, dont Chalier les menaçait, qu'en la détournant vers une épouvantable lutte contre la France elle-même. Et cette lutte, ils ne la soutinrent qu'en admettant dans leur armée lyonnaise un élément royaliste étran- ger à Lyon; je parle des nobles réfugiés, je parle des gens du Forez et autres provinces voisines, qui vinrent gagner la haute paye que donnait la ville et com- battre pour le Roi dans les rangs républicains. Quels qu'aient été les efforts intéressés de l'aristo- cratie lyonnaise, sous la Restauration, pour faire croire que I^yon, en 93, combattait jponr le trône et Tautel, cela n'est point. Les nobles royalistes qui aidèrent à soutenir le siège furent presque tous étrangers à la ville. Les riches mêmes étaient Girondins. Nous avons cru davoir expliquer ceci d'avance, afin qu'on ne se trompât pas sur le point spécial que la Convention ni les Jacobins ne puretit entendre, mais que l'histoire ultérieure du socialisme moderne éclaire rétrospectivement : La question politique était exté- rieure et secondaire à L^^on; elle ne devint domi- nante qu'après la mort de Chalier. La question intime et profonde que les riches ajournèrent par la guerre de Lyon contre la France était la question sociale : la dispute des pauvres et des riches. Cette grande et cruelle quesiioUi voilée ailleurs sous le mouvement politique, a toujours apparu à Lyon dans sa nudité. MORT DE CHALIER (16 JUILLET 93). 3 Le marchand de Lyon, républicain de principes, n'en était pas moins le maître, le tyran de l'ouvrier, et, qui pis est, le maître de sa femme et de sa fille. Notez que le travail, à Lyon, se faisant en famille, la famille y est très-forte ; ce n'est nullement un lien détendu, flottant, comme dans les villes de manufac- tures. L'ouvrier lyonnais est très-sensible, très-vulné- rable en sa famille, et c'est là justement qu'il était blessée La prostitution non publique, mais infligée à la fa- mille comme condition de travail, c'était le caractère déplorable de la vie lyonnaise. Cette race était humi- liée. Physiquement, c'était une des plus chétives de l'Europe. Le haut métier à la Jacquart n'existant pas alors, et n'ayant pas encore imposé aux constructeurs l'exhaussement des plafonds, on pouvait impunément entasser jusqu'à dix étages les misérables réduits de ce peuple étouffé, avorté. Aujourd'hui encore, dans les quartiers non renouvelés, quiconque monte ces noires, obscènes et puantes maisons, où chaque carré témoi- gne de la négligence et de la misère, se représente avec douleur les pauvres créatures misérables et souillées qui les occupaient en 93. ' L'insuffisance des salaires, surtout pour les femmes, ne se compensait que par le piquage d'once, petit vol habituel sur 1 poids de la soie que l'on confiait à l'ouvrière ; si le maître ou le commis fermait les yeux, on devine à quel prix. La femme mé- ine qui n'eût pas volé n'obtenait guère de travail sans cette triste condition. Nulle part, dit-on, les mœurs n'étaient plus mauvaises qu'à Lyon. Ce n'est pas au hasard que le plus affreux de nos ro- manciers, écrivant vers 90, a placé dans cette Sodome le dernier épisode de son épouvantable livre. HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE. Dur contraste! la fabrique de Lyon, cet ensemble de tous les arts, cette grande école française, cette fleur de l'industrie humaine... dans de si misérables mains ! Il y avait de quoi rêver. Nulle part plus que dans cette ville il n'y eut plus de rêveurs utopistes. Nulle part, le cœur blessé, brisé, ne chercha plus inquiète- ment des solutions nouvelles au problème des desti- nées humaines. Là parurent les premiers socialistes, Ange et son successeur Fourier. Le premier, en 93, esquissait le phalanstère, et toute cette doctrine d'as- sociation dont le second s'empara avec la vigueur du génie. Là ne manquèrent pas non plus les rêveurs parmi les amis du passé. Il suffit de nommer Ballanche et son prédécesseur, le mélancolique Chassagnon, qui n'écrivait jamais que devant une tête de mort, et qui, pour apprendre à mourir, ne manquait jamais une exé- cution. Au moment où la fureur girondine du parti des ri- ches poussait Chalier à l'échafaud, Chassagnon eut la très-noble inspiration d'écrire pour lui sous ce titre Offrande à Chalier. Il y montra un vrai génie pou* expliquer ce caractère mêlé de tous les contraires, ce Centaure, cette Chimère, comme il l'appelle, ce mons- tre pétri de discordances, cruel et sensible, tendre et furieux. Dans ce beau portrait, un trait manque poui l'histoire et pour la justice : c'est la primitive inspira- tion d'où Chalier partit : un cœur malade de pitié, et souffrant douloureusement de l'amour des hommes. Cet infortuné, qui fut la première victime légale de MORT DE CHALIER (16 JUILLET 93). S Lyon, qui étrenna la guillotine, qui eut ce privilég» horrible d'être guillotiné trois fois, — qui fut suivi à la mort par une foule de disciples en pleurs, tout aussi enthousiastes que ceux de Jésus, — qui, un an durant, de juillet en juillet, remplaça Jésus sur l'autel, et fut pendant ce temps, avec Marat, la principale rehgion de la France, Chalier était né Italien. Son nom est plutôt savoyard. Peu importe. 11 avait un pied en Ita- lie et un en Savoie, étant né auMont-Cenis et tout près de Saze. La grande voie des nations, la voie des neiges, su- blime et misérable, où toute humanité défile sur le bâ- ton du pèlerin, offre la plus émouvante vision sociale qui puisse troubler les cœurs. Cette prodigieuse échelle de Jacob qui s'étend de la terre au ciel, les contrastes violents de ces paysages improbables où la nature se joue de toute raison humaine, cet ensemble écrasant pour l'âme semble fait pour produire en tout temps de sublimes fous, délirant de l'amour de Dieu, de l'amour du genre humain. Là Rousseau, après son terrible ef- fort de logique et de raison, se perdit lui-même en ses rêves. Là madame Guyon écrivit son livre insensé des. Torrents, Là Chalier s'embrasa, avec une furie meur- trière, du désir de faire le ciel ici-bas. Il avait été, comme tout Italien, élevé aux écoles de démence, qu'on appelle théologiques. Il voulait alors se faire moine. Il visita d'abord l'Italie et l'Espagne. Il vit, il eut horreur. Il parcourut la France aussi, et s'arrêta à Lyon. Il vit, il eut horreur. On dit qu'il vivait alors misérablement de leçons de 6 HISTOIRE DE LÀ REVOLUTION FRANÇAISE. langues et d'enseigiiement. Mais, comme un homme intelligent, il ne voulut pas traîner; il domina sa si- tuation. Il se fit commis, négociant. C'est précisément ainsi que commencent aux mêmes lieux Fourier et Proudhon. Chalier courut le commerce; il eut un grand bon- heur, selon l'idée du monde : il devint riche. Mais il eut un grand malheur : il vit partout dépouiller le pauvre. 88 a sonné. Et le premier cri qu'on entend en France est celui d'un Italien, une brochure de Chalier : Ven- dez l'argenterie des églises, les biens ecclésiastiques, créez-en des assignats ; rendez aux pauvres ce qui fut fondé pour les pauvres. 89 a sonné. Chalier, de Lyon, court à Paris ; il re- cueille les moindres mots de l'Assemblée constituante. Il se levait de nuit pour se trouv^er le premier à la queue qui assiégeait les portes avant le jour. Le uploads/s1/ histoire-de-la-revolution-francaise-michelet-pdf.pdf

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  • Publié le Dec 13, 2021
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