La laïcité et la gestion du fait religieux dans les établissements publics de s

La laïcité et la gestion du fait religieux dans les établissements publics de santé L’hôpital est un lieu d’accueil pour tous, en particulier de populations rendues vulnérables par la maladie aussi bien que par leur place dans la société (personnes âgées, personnes en situation de handicap, etc.). C’est aussi un lieu où s’exprime toute la richesse du modèle social français et où la notion de service public prend le plus de sens. L’hôpital est un lieu fermé, qui prend en charge des personnes en souffrance, physique ou psychologique. Pour assurer sa mission et garantir un soin de qualité à chacun, il doit parfois s’intéresser à ce qui relève de l’intime des individus, des familles et des relations humaines. Après avoir auditionné les acteurs de terrain, l’Observatoire de la laïcité fait le constat de la nécessité de porter à la connaissance des personnels et des patients les règles qui découlent du principe de laïcité. Il constate également un besoin de formations sur les questions de laïcité et de gestion du fait religieux dans le secteur hospitalier. Face aux difficultés pratiques, l’Observatoire de la laïcité a souhaité établir un guide rappelant les réponses, encadrées par le droit, aux cas concrets relevant du principe de laïcité dans les établissements publics de santé, tant pour les personnels que pour les usagers. Observatoire de la laïcité 2 Partie 1 : Les personnels de santé Les mêmes règles de droit s’appliquent aux agents de la fonction publique hospitalière et aux agents des autres fonctions publiques. 1. L’interdiction de toute discrimination fondée sur la religion dans l’accès aux fonctions et le déroulement de carrière Les exigences relatives à la laïcité de l’État et à la neutralité des services publics ne doivent pas conduire à la négation de la liberté de conscience dont les agents publics peuvent se prévaloir. L’avis du Conseil d’Etat, Mlle Marteaux du 3 mai 2000 rappelle qu’est prohibée toute discrimination fondée sur la religion dans l’accès aux fonctions et le déroulement de carrière. Les convictions religieuses doivent être indifférentes au recrutement des fonctionnaires et agents publics. De manière générale, la pratique d’une religion ne doit en aucun cas constituer un critère discriminant à l’encontre d’un candidat1 ou d’un agent contractuel prétendant à la titularisation2.  Ainsi, un concours de la fonction publique a été annulé en raison des questions que le jury avait posées à un candidat sur son origine et sur ses pratiques confessionnelles ainsi que sur celles de son épouse3.  Cependant, le refus de recrutement à un emploi est possible, lorsqu’il est fondé sur l’intention déclarée du candidat de continuer à manifester ses croyances religieuses en service4. L’autorité hiérarchique, sous le contrôle du juge administratif, veille également au respect de ces principes dans le cadre de la carrière des agents publics. Le Conseil d’État juge que ni l’appartenance à une religion, ni sa pratique à titre privé, même connue par les autres agents du service, ne peut justifier une mesure défavorable à l'encontre d'un agent comme une mauvaise appréciation sur une feuille de notation5, une sanction6 ou, a fortiori, un licenciement7. 1 Conseil d’Etat, 25 juillet 1939, Demoiselle Beis, rec. p. 524 2 Conseil d’Etat, 3 mai 1950, Demoiselle Jamet 3 Conseil d’Etat, 10 avril 2009, M. E.H., n°311888 4 Tribunal administratif de Lyon, 8ème chambre, 17 juin 2015, n°1204943. 5 Conseil d’Etat, 16 juin 1982, Époux Z., n°23277 6 Conseil d’Etat, 28 avril 1938, Demoiselle Weiss, au recueil p. 379. 7 Conseil d’Etat, 8 décembre 1948, Demoiselle Pasteau. 3 L’Observatoire de la laïcité rappelle que certains aménagements du temps de travail des agents publics sont autorisés pour des motifs religieux dans la seule mesure où ces aménagements restent compatibles avec le bon fonctionnement du service public8 9. 2. Le devoir de neutralité des agents publics et des salariés participant à une mission de service public La France, République laïque, « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion »10. Elle assure ainsi l’égalité des citoyens face au service public, quelles que soient leurs convictions ou croyances. Le service public ne peut donc montrer une préférence, ou faire preuve d’une attitude discriminatoire, selon l’appartenance ou la non-appartenance religieuse, réelle ou présumée, de ses usagers.  L’Etat, les collectivités territoriales et les services publics représentés par leurs agents publics doivent non seulement ne pas marquer une telle préférence mais aussi ne pas laisser supposer un tel comportement préférentiel ou discriminatoire, par exemple par la présence de signes à caractère religieux dans leur bureau ou guichet ou par le port de tels signes.  Comme le rappelle l’avis du Conseil d’Etat, Mlle Marteaux, du 3 mai 2000, l’interdiction de manifester sa croyance s’applique quelles que soient les fonctions exercées par l’agent public.  Ce principe vise à protéger les usagers du service de tout risque d’influence ou d’atteinte à leur propre liberté de conscience et trouve à s’appliquer avec une rigueur particulière dans les services publics dont les usagers sont dans un état de fragilité ou de dépendance11. Les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l’ensemble des services publics y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé. Ainsi, les salariés de ces derniers, même s’ils relèvent du droit privé, sont soumis au respect de ces principes résultant du fait qu’ils participent à une mission de service public. Ils doivent à ce titre s’abstenir de manifester notamment leurs croyances religieuses (ou leurs convictions politiques) par des signes extérieurs, en particulier vestimentaires12. 8 Juge des référés du Conseil d’Etat (JRCE), 16 février 2004, M. B. : autorisation d’absence refusée à raison des nécessités de service public. 9 La liste des fêtes religieuses pour lesquelles les agents peuvent solliciter une autorisation d’absence peut ainsi être déterminée par circulaire, sans que cette dernière puisse être regardée comme exhaustive (circulaire du 10 février 2012). 10 Article premier de la Constitution. 11 Tribunal administratif de Paris, 17 octobre 2002, n°0101740/5, Mme Christine E. 12 Cour de Cassation, Caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis, 19 mars 2013. 4 Saisie de la question de l’interdiction du port du voile, la Cour Européenne des Droits de l’Homme, dans un arrêt du 26 novembre 201513, a jugé que la neutralité exigée pour les agents du service public hospitalier était proportionnée au but recherché et qu’ainsi elle n’était pas contraire à l’article 9 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Par ailleurs, la Cour a jugé que « l’hôpital est un lieu où il est demandé également aux usagers, qui ont pourtant la liberté d’exprimer leurs convictions religieuses, de contribuer à la mise en œuvre du principe de laïcité en s’abstenant de tout prosélytisme et en respectant l’organisation du service et les impératifs de santé et d’hygiène en particulier. En d’autres termes, la réglementation de l’État concerné y fait primer les droits d’autrui, l’égalité de traitement des patients et le fonctionnement du service sur les manifestations des croyances religieuses, ce dont elle prend acte. » Cas concrets :  Une chirurgienne d’un CHU souhaite porter un foulard lorsqu’elle procède aux visites post-opératoires de ses patients. Il s’agit d’une atteinte à la neutralité des agents publics. Ainsi, elle ne peut porter de signes religieux durant son temps de travail et devra accepter de le retirer après un rappel des règles qui s’appliquent à elle. Dans le cas contraire, elle s’expose à une sanction pour manquement à ses obligations.  Un agent hospitalier homme invoque des raisons religieuses pour refuser de serrer la main de ses collègues femmes : S’il n’y a pas de règle légale imposant un rite de politesse déterminé, les comportements portant atteinte à la dignité des personnes sont inacceptables et peuvent recevoir la qualification de harcèlement moral ou de discrimination. Par exemple, le fait pour un homme de saluer ses collègues en leur serrant la main sauf celle de son unique collègue femme et ce de façon répétée.  Le refus de se conformer à l’autorité d’une femme : Il s’agit d’une insubordination passible d’une sanction. 3. Le cas des étudiants Les étudiants conservent durant leur formation universitaire théorique la possibilité de porter des signes religieux car ils sont à cet instant uniquement des étudiants de l’enseignement supérieur. En revanche, notamment lorsqu’ils sont en stage ou en formation professionnelle au sein d’un établissement public de santé, ils sont soumis à l’obligation de neutralité car ils exercent alors 13 Cour européenne des droits de l’homme, 26 novembre 2015, Ebrahimian c. France (n° 64846/11). 5 des fonctions médicales ou paramédicales et peuvent être à ce titre assimilés à des agents du service public. 4. L’interdiction du prosélytisme Les personnels médicaux ainsi que les aumôniers intervenant au sein de l’hôpital public ne peuvent pas faire de prosélytisme. Afin de ne pas nuire à la liberté de conscience des patients accueillis dans l’établissement qui peuvent se trouver en situation de faiblesse, il est interdit au personnel (ainsi qu’aux patients) de tenter de rallier à sa croyance religieuse des patients ou des membres du personnel. Toute forme uploads/s1/guide-laicite-et-gestion-du-fait-religieux-dans-les-etablissements-publics-de-sante.pdf

  • 34
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Mai 04, 2022
  • Catégorie Administration
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.2978MB