1 LA MISE EN SCÈNE DE L’ARTICLE PARTITIF Turid Henriksen INTRODUCTION Dans l’en
1 LA MISE EN SCÈNE DE L’ARTICLE PARTITIF Turid Henriksen INTRODUCTION Dans l’enseignement de la grammaire française aux Norvégiens, l’article partitif constitue un défi pour plusieurs raisons. Premièrement parce que cet article bien français n’est pas exprimé en norvégien, deuxièmement à cause de l’identité formelle entre l’article partitif et les formes contractées de la préposition de et l’article défini, et finalement à cause de l’article lui même: linguistes et grammairiens divergent dans leur traitement de ses formes. Certains (Pedersen, Spang-Hanssen & Vikner 1980) considèrent la forme des comme le pluriel de l’article partitif, tandis que d’autres (Charaudeau 1992, Riegel, Pellat & Rioul 1994) la comptent parmi les formes de l’article indéfini. D’autres encore (Grevisse 1986) présentent la forme des comme une forme commune à l’indéfini et à l’article partitif. Il en va de même pour la forme de, qui est utilisée après certaines expressions de quantité et de négation et quand le SN contient un adjectif antéposé au pluriel. On la classifie soit comme une variante de l’article partitif, une forme réduite, soit comme une préposition. On trouve les deux explications selon le contexte linguistique dans Pedersen, Spang-Hanssen & Vikner (1980), tandis que Grevisse (1986: 913) explique cette forme comme une réduction en parlant de «De comme article indéfini ou partitif». L’article partitif provient, historiquement, de la combinaison de la préposition de et l’article défini, mais aujourd’hui il n’est pas senti comme une contraction exprimant une partie d’un tout. S’il n’y a pas de doute sur la valeur d’un partitif par rapport à une contraction dans des exemples comme (a) Je bois du lait et (b) C’est le livre du professeur il peut pourtant avoir des doutes sur la valeur de certains emplois des formes du, de la, des dans des expressions verbales plus ou moins figées. Ainsi, des expressions comme jouer du piano sont considérées par certains comme des formes contractées avec un emploi générique de l’article défini (Pedersen, Spang-Hanssen & Vikner 1980, Boysen 1992), tandis que d’autres (de Salins 1996) considèrent cette expression, ainsi que les expressions avec faire (faire du jogging, etc.) comme des partitifs. Ainsi l’article partitif se manifeste comme un véritable caméléon aussi bien en ce qui concerne ses formes que pour sa description dans les grammaires. Je me propose ici d’analyser la présentation didactique de l’article partitif aux élèves norvégiens, telle qu’elle s’est manifestée ou qu’elle se manifeste dans les manuels de français pour débutants dans l’école norvégienne. Mon corpus est composé de deux types de Turid Henriksen 2 documents: une série de manuels «historiques», publiés entre 1896 et 1974, ainsi qu’une série de manuels «modernes», publiés entre 1990 et 2000 et actuellement utilisés dans l’enseignement. Les deux parties du corpus me permettent justement de voir le développement de la présentation didactique. Le premier manuel historique, Lærebok i fransk for begyndere de A. T. Bødtker et S. Høst (A1896), date d’une époque où les pays scandinaves participaient activement au débat international sur l’enseignement des langues vivantes, et où les manuels norvégiens étaient largement exportés aux autres pays scandinaves. Les deux manuels suivants, (B29) et (C46), constituent des éditions renouvelées de ce premier manuel. Fransk begynnerbok de Gunnar Høst (FB66) ainsi que Fransk begynnerbok I. B-utgave de G. Høst et T. Sagen (FBB74) se basent en partie sur les trois premiers livres et représentent des étapes ultérieures dans la réflexion didactique. La série historique représente les manuels les plus utilisés en Norvège au XXe siècle. Pour la perspective moderne, je me baserai sur Chouette Nouvelle de V.D.S. Jorand (1997), le seul manuel actuellement utilisé au collège, ainsi que les deux manuels les plus utilisés pour l’enseignement aux débutants au niveau du lycée, Paroles de M. Gjesdal et V. Gade (1990), et Avec plaisir - Débutants de T. Magnus et B. Veland (2000). Mon étude portera, dans un premier temps, sur la définition, les formes et l’explication de l’emploi de l’article partitif dans les parties «grammaticales» des manuels. En effet, tous les manuels sauf FB66 contiennent des parties grammaticales d’une manière ou d’une autre. Pour FB66 il existe une grammaire séparée (Nordahl 1966). Ce traité est pourtant beaucoup plus complet que les grammaires insérées aux manuels, et je ne l’analyserai pas en détails. Il arrive pourtant que je fasse référence à ses remarques. Dans un deuxième temps, j’analyserai la façon dont article partitif est présenté dans les textes, c’est à dire les stratégies thématiques et textuelles pour sa «mise en scène» dans un but didactique. LA PRESENTATION THEORIQUE DE L’ARTICLE PARTITIF La définition Dans la présentation didactique, on se soucie peu de définitions. Tous les manuels sauf C46 du corpus historique, ainsi que Paroles et Chouette Nouvelle du corpus moderne, se contentent de montrer les formes, dans des paradigmes «nus» ou à l’aide d’exemples, sans définition. Dans les manuels qui contiennent une définition, le partitif est défini, non pas comme le résultat syncrétique de la combinaison d’une préposition et d’un article, mais simplement comme la combinaison de la préposition DE et l’article défini. Cette définition se distingue donc de celles que nous trouvons dans les ouvrages des linguistes, par exemple chez Pedersen, Spang-Hanssen & Vikner (1980), et elle est apte à semer la confusion entre l’article partitif et les formes contractées, qui peuvent être expliquées exactement de la même manière. La mise en scène de l’article partitif 3 Le rapport partitif – article indéfini Comme indiqué ci-dessus, on peut prendre au moins deux positions ici: soit considérer la forme des comme le pluriel de l’article indéfini, soit comme le pluriel de l’article partitif. Cette dernière position facilitera la description de l’emploi de la forme de, mais l’explication du rapport entre les formes un, une et des en souffrira. Sur ce point, les manuels historiques gardent le même point de vue jusqu’en 1966: la forme des est le pluriel de l’article partitif. Le dernier manuel historique change pourtant de cap et considère des comme le pluriel de l’article indéfini. Les manuels modernes ont une position hésitante: ils incluent la forme des aussi bien dans le paradigme de l’article partitif que dans celui de l’article indéfini. Le rapport entre ces deux paradigmes n’est pas expliqué. Dans Paroles il y a pourtant un renvoi de l’article partitif à l’article indéfini pour montrer la relation entre les deux. Dans les manuels les plus anciens, (A1896 et B29) qui, dans leur présentation des formes grammaticales avaient une approche «paradigmatique», sans souci de la progression, l’article partitif est introduit juste après l’article indéfini. A partir de 1946, on opte pour une progression de plus en plus lente, et l’article partitif, considéré comme difficile, est séparée de l’article indéfini au singulier et vient beaucoup plus tard que celui-ci. Ceci est probablement la raison du traitement de la forme des dans le matériel moderne. Dans Chouette Nouvelle, par exemple, dont les trois volumes s’utilisent sur trois ans de l’enseignement du français, l’article partitif n’est introduit qu’au début de la deuxième année. Il est évident que l’on a besoin de la forme des beaucoup plus tôt dans un enseignement qui se veut communicatif. On peut néanmoins conclure que dans les manuels modernes norvégiens le statut de des est loin d’être clair. Le statut de la forme de Pour de, on voit une évolution vers une simplification théorique. Comme l’on a vu, les explications de ce phénomène est soit l’effacement de l’article partitif s’il est précédé de la préposition de, soit la réduction des formes pleines à une forme réduite, de. Le matériel le plus ancien (A1896, B29) se sert des deux explications. Après les expressions de quantité, il s’agit d’un effacement: ces expressions contiennent la préposition de. Ceci est également le cas pour la négation, qui contient aussi de. Devant les adjectifs antéposés au pluriel, il s’agit par contre de la réduction. Notons que cette explication diverge de celle de Pedersen, Spang-Hanssen & Vikner (1980). Selon cette grammaire il y a réduction également dans un contexte de négation. Dans C46, on ne trouve que l’explication par effacement. La forme de dans le cas d’un adjectif antéposé n’est plus mentionnée, mais elle réapparaît dans FBB74. Nordahl (1966) explique les trois cas par l’effacement. A partir de 1974, par contre, c’est une sorte d’explication par réduction qui prédomine. «Une sorte de» car la formulation est, dans la Turid Henriksen 4 plupart des cas, simplement qu’après les expressions de quantité et de négation, on utilise de. Parfois, comme dans le cas de FBB74, la graphie en forme de flèches montre bien qu’il s’agit d’une sorte de transformation par la réduction. Dans Avec Plaisir – Débutants, il est dit clairement que l’article partitif réduit s’utilise dans le cas où l’on connaît la quantité ou le nombre, et dans les phrases niées. Dans Paroles, uniquement les expressions de quantité sont mentionnées, la négation est apprise comme une formule figée. On voit donc que le matériel moderne ne mentionne plus la forme de devant les adjectifs antéposés, et que dans les autres cas, leur explication de cette forme tend à être une explication de transformation ou de réduction. Mais pourquoi ont-ils uploads/s3/ 01-henriksen.pdf
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- Publié le Jul 21, 2021
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