CLEFS CEA - N°50/51 - HIVER 2004-2005 47 Produire de l’hydrogène par photolyse

CLEFS CEA - N°50/51 - HIVER 2004-2005 47 Produire de l’hydrogène par photolyse de l’eau? Peut-on imaginer voir un jour sur les toits des collecteurs solaires qui généreraient de l’hydrogène et de l’oxygène plutôt que de l’eau chaude? Ce scénario pourrait se concrétiser autour de solutions que les progrès dans le domaine de la dissociation photoélectrochimique de l’eau par la lumière solaire rendent maintenant possibles. Figure 1. Schéma d’une cellule photoélectrochimique (PEC) à deux étages, basée sur des films semi-conducteurs mésoscopiques (WO3 comme photoanode, le platine comme métal de cathode et une cellule solaire au TiO2 sensibilisé par un colorant comme polarisateur de tension) pour la dissociation de l’eau en lumière visible. Un rendement de conversion solaire-hydrogène de 4,5 % a été démontré. Source: Swiss Federal Institute of Technology, École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et Université de Genève. D es cellules photoélectrochimiques (PEC) illumi- nées par la lumière solaire peuvent décomposer l’eau en hydrogène et en oxygène. De telles cellules emploient des électrodesphotoactives immergées dans un électrolyte aqueux ou dans l’eau. Sous leur forme la plus simple, elles peuvent être décrites comme des dispositifs photovoltaïque/électrolytiqueintégrés ou monolithiques. Une large variété de processus PEC et de photocatalyse susceptibles de dissocier l’eau sont étudiés de par le monde. Encore au stade de la recherche fondamentale Bien qu’intrinsèquement simples, les aspects scien- tifiques et de développement des matériaux de cel- lules PEC pour la production d’hydrogène en sont encore au stade préliminaire mais fascinant de la recherche fondamentale. Quatre étapes principales sont mises en jeu dans le pro- cessus photoélectrochimique de dissociation de l’eau. La première est la génération d’une charge électronique à la surface de la photoanodesoumise au rayonnement solaire,produisant des paires électron-trou.La deuxième est l’oxydation de l’eau à la photoanode par les trous, produisant des molécules d’oxygène (O2).La troisième étape est celle du transport des ions hydrogène (H+) et des électrons de la photoanode à la cathode, respecti- vement via l’électrolyte et la connexion électrique (la cathode pouvant être une photocathode induite par la lumière).Enfin,la réductiondes H+à la cathode forme des molécules d’hydrogène (H2) à l’aide des électrons. Le choix des matériaux semi-conducteurs de type n de la photoanode est déterminant pour les cellules PEC,avec deux critères:l’existence d’une bande inter- dite“parfaite”et la possibilité d’éviter la recombinai- son des porteurs de charge. L’énergie minimale théorique du photon devant être absorbé par une photoanode “parfaite” est de 1,23 électronvolt (eV). C’est la force électromotrice (FEM) minimale théo- rique nécessaire aux cellules PEC pour dissocier la molécule d’eau. Au plan des concepts,trois approches principales sont actuellement étudiées dans le monde pour la disso- ciation photoélectrochimique de l’eau (photolyse). Elles sont respectivement basées sur des systèmes à photoélectrode simple,à double photoélectrode et sur des systèmes hybrides photoélectrode/photovoltaïque. Sous-variante de la décomposition PEC de l’eau, la dissociation photocatalytique met en jeu un photo- catalyseur photo-induit qui inclut à sa surface les deux processus, l’oxydation de l’eau et la réduction. Les mélanges gazeux d’hydrogène et d’oxygène qui en résultent présentent des inconvénients pratiques par rapport aux gaz physiquement séparés coproduits avec les systèmes PEC. Une série de matériaux à l’étude Le dioxyde de titane (TiO2) est le matériau de photoélectrode le plus largement étudié. Sous la forme de cristaux de rutile, il a été testé avec succès dans des cellules PEC par Honda et Fujishima dès le début des années 1970(1). Comme l’indique un cathode (Pt) verre sortie de gaz colorant au Ru sur TiO2 compartiment électrolytique verre conducteur compartiment aqueux photoanode (WO3) e- e- I3- I- H2O H2 O2 CLEFS CEA - N°50/51 - HIVER 2004-2005 48 La filière hydrogène récapitulatif élaboré par l’auteur de ces lignes(2), les efforts les plus récents ont toutefois élargi le champ d’investigation à l’utilisation de matériaux semi- conducteurs de type n alternatifs présentant une énergie de bande interdite plus basse pour la photoanode,plus particulièrement le trioxyde de tungs- tène (WO3) et, dernièrement, l’hématite (Fe2O3). La phototension des cellules PEC qui s’applique à chacun de ces matériaux de photoanode étant infé- rieure à 1,23eV,une tension de polarisation est néces- saire pour dissocier l’eau.Un dispositif PEC à cellules “en tandem” à deux photons intégrant une photo- anode en WO3 et une cellule solaire au TiO2 sensi- bilisé par un colorant (DSC) connectées en série a été testé à l’échelle du laboratoire (figure 1). Des semi-conducteurs “de valence” tel que l’arsé- niure de gallium (AsGa) sont étudiés en tant que matériaux de photoélectrode de substitution aux matériaux oxydes en raison de leur bande d’énergie favorable.Bien qu’instables dans des environnements aqueux, des cellules PEC expérimentales ont atteint des rendements de conversion solaire/hydrogène approchant les 20 %, ce qui donne une indication du potentiel de tels systèmes. Des poudres de photocatalyseur semi-conducteur à mono-particules et oxydes mixtes à base d’indium (In), de niobium (Nb) ou de tantale (Ta) sont dévelop- pées. Elles présentent une réponse rapide de l’hydro- gène et de l’oxygène sous irradiation à la lumière visible, encourageante pour des applications en suspensions aqueuses (par exemple des “bassins d’hydrogène”). Les défis majeurs à relever Les défis clés à relever pour faire progresser l’innovation dans le domaine des cellules PEC et les faire parvenir jusqu’au marché relèvent de la science des matériaux et de la technologie des systèmes. Les plus importants portent sur le développement de matériaux de photo électrodes à haute efficacité résistant à la corrosion ainsi que de leurs procédés de transformation.Aucun maté- riau de photoélectrode “idéal” pour la dissociation de l’eau (c’est-à-dire dans la bande interdite optimale d’environ 2 eV) n’existant sur le marché, de nouveaux matériaux doivent être conçus.Les approches de la chi- mie combinatoire offrent à cet égard des possibilités de traque rapide pour le criblage des matériaux nécessaires. La recherche fondamentale la plus nécessaire concerne le dopage pour le décalage de la bande interdite et la modification de la chimie de surface,recherche incluant des travaux sur les effets associés sur la surface aussi bien que sur les propriétés semi-conductrices globa- les (c’est-à-dire l’absorption de lumière,les barrières de potentiel électrique ainsi que les transferts de charge interfaciaux des combinaisons métal/semi-conduc- teur,le potentiel de bandes plates,etc.).La corrosion et la résistance à la photocorrosion lancent d’aut- res défis significatifs qu’il faudra traiter avec la plu- part des options de matériaux prometteurs aujourd’hui disponibles. Du point de vue de l’intégration des systèmes et afin d’optimiser les performances technico-économiques des systèmes PEC de dissociation de l’eau,l’adaptation du courant entre l’anode et la cathode ainsique la mini- misation de la résistance ohmique méritent toutes une attention considérable tant au niveau de la concep- tion que de la mise en forme des matériaux. Vers un futur “triangle énergétique” À terme, dans une ère “post-combustibles fossiles” , le Soleil ré-émergera comme la force motrice totale en mesure d’entretenir pleinement la vie sur Terre,le plus vraisemblablement avec l’électricité et l’hydrogène comme vecteurs énergétiquesclés.Il est prévisible que ces deux vecteurs définiront dans le futur,avec la lumière solaire, un “triangle énergétique” construit avec la science, la technologie et les composants techniques “frères”que sont le photovoltaïque,les piles à combus- tible et les cellules photoélectrochimiques (figure 2). Des dispositifs PEC intégrés présentent un grand poten- tiel en matière de simplicité, de production de masse de films minces, d’application pour des matériaux abondants et non néfastes sur le plan environne- mental. Ils permettraient donc une réduction des coûts par rapport à d’autres options de production d’hydrogène mettant en jeu la lumière solaire. > Andreas Luzzi Agence internationale de l’énergie (AIE) Canberra (Australie) piles à combustible / électrolyse photovoltaïque photoélectrolyse - - - - - - - - Figure 2. Un possible futur “triangle énergétique post- combustibles fossiles”, basé sur l’énergie solaire, aurait pour vecteurs énergétiques clés l’électricité et l’hydrogène. Le photovoltaïque, les piles à combustible et les cellules photoélectrochimiques seraient les technologies associées qui le rendraient possible (source: Andreas Luzzi). (1) Fujishima A. et Honda K., Nature, 1972 238, 37. (2) Luzzi A. (Ed),“Photoelectrolytic Production of Hydrogen” , Final Report of Annex-14, International Energy Agency Hydrogen Implementing Agreement (www.ieahia.org), 2004. lumière solaire source hydrogène stockage et combustible électricité vecteur énergétique primaire H2O H2 H - o + - H e- R ien ne se perd, rien ne se crée», écrivait en son temps Lavoisier, père de la chimie moderne. Cet adage vrai pour les espèces chimiques l’est tout aussi pour l’énergie. En effet, l’énergie est une entité multiforme qui peut se transformer sous de très divers aspects. Toutefois, les énergies pri- mairesdirectement accessibles dans la nature sont en nombre limité: ce sont les énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz), l’énergie nucléaireet lesénergies renouvelables(hydraulique,biomasse, solaire, éolien, géothermie, énergie des marées). Ces énergies primaires consti- tuent ce que l’on appelle le mix ou le bouquet énergétique (figure 1). Pour la plupart des applications, il est nécessaire de convertir l’énergie afin de la rendre compatible avec l’usage envisagé. Bien évidemment la nature, très ingénieuse, a mis au point les tout premiersconvertisseurs énergétiques que sont les êtres vivants. Les plantes, par la photosynthèse, assurent la conversion de l’énergie rayonnante de la lumière en énergie chimique. Le corps humain lui-même permet, en parti- culier, de convertir l’énergie chimique uploads/s3/ 047a048luzzi-pdf.pdf

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