Éditions OPHRYS et Association Revue Française de Sociologie Le marché et le mu

Éditions OPHRYS et Association Revue Française de Sociologie Le marché et le musée La constitution des valeurs artistiques contemporaines Author(s): Raymonde Moulin Source: Revue française de sociologie, Vol. 27, No. 3, Sociologie de l'Art et de la Littérature (Jul. - Sep., 1986), pp. 369-395 Published by: Éditions OPHRYS et Association Revue Française de Sociologie Stable URL: http://www.jstor.org/stable/3321315 . Accessed: 29/05/2011 05:55 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of JSTOR's Terms and Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp. JSTOR's Terms and Conditions of Use provides, in part, that unless you have obtained prior permission, you may not download an entire issue of a journal or multiple copies of articles, and you may use content in the JSTOR archive only for your personal, non-commercial use. Please contact the publisher regarding any further use of this work. 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Éditions OPHRYS et Association Revue Française de Sociologie is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue française de sociologie. http://www.jstor.org R. fran. socio., XXVII, 1986, 369-395 Raymonde MOULIN Le marche et le musee La constitution des valeurs artistiques contemporaines* RtSUMf Le march6 international de l'art contemporain of s'effectuent les transactions et le champ culturel ou s'operent les evaluations esthetiques contribuent de concert a la fixation de la < valeur > des aeuvres et des artistes. L'intervention accrue des pouvoirs publics, associ6e A l'Etat-Providence culturel, introduit une complexit6 nouvelle dans la relation entre le march6 et le musee. Le ph6nomene majeur des vingt-cinq dernieres ann6es est sans doute que les institutions culturelles, saisies par la fievre de l'imme- diatet6, ont influence le march6 en meme temps qu'elles etaient influencees par lui. Aux strategies du temps long et des succes differes se sont substitutes les strategies du temps court et du renouvellement continu. Le marche qui nous interesse ici est le marche international de l'art contemporain. Du terme < contemporain > il n'existe pas, en l'etat actuel du champ artistique, de definition generique : le label < contemporain > est un label international qui constitue un des enjeux majeurs, en permanente reevaluation, de la competition artistique. Notre choix n'implique aucun jugement de valeur sur les artistes designes comme contemporains et nous n'avons d'autre objectif que d'analyser les conditions economiques et sociales de la production de cette denomination. L'internationalisation du commerce de l'art n'est certes pas un fait recent et elle ne se limite pas non plus au commerce de l'art dit contemporain. Le commerce des < pieces > importantes de l'art ancien ou moderne est international, comme en te- moignent les grandes ventes aux encheres, partout dans le monde. Le commerce des << sous-bois > fabriques artisanalement a Taiwan ou ailleurs est egalement international. Ce qui distingue l'interationalisation du negoce de l'art contemporain, c'est qu'elle est indissociable de sa promotion culturelle; elle repose sur l'articulation entre le reseau international des galeries et le reseau international des institutions culturelles. * Le travail pr6sent6 ici fait partie d'une quier, La fin de la vie d'artiste. Cet article doit s6rie de recherches sur les artistes dont les beaucoup aux conseils et suggestions de r6sultats d'ensemble feront l'objet d'un ou- Jean-Claude Passeron; je l'en remercie vi- vrage, en collaboration avec Dominique Pas- vement. 369 Revue franfaise de sociologie Le marche international de l'art contemporain est en effet un marche, au sens economique du terme, oiu s'effectuent les transactions et ofu s'elaborent les prix, qui se situe en interaction constante avec un champ culturel, ofu s'operent les evaluations esthetiques et les reconnaissances sociales. L'inter- vention accrue des pouvoirs publics, associee dans tous les pays a l'Aesthetic Welfare, se manifeste a la fois dans le marche et dans le champ culturel, introduisant une complexite nouvelle dans la relation entre ces deux systemes de fixation de la << valeur > des ceuvres et des artistes - relation qui est au centre de notre analyse. I. - Cet ? autre chose > qui est appele du nom d'art < Une partie de l'art prolonge sans doute une tradition et en meme temps une profession. Elle interesse a peine le public averti, les amateurs, les revues specialisees. C'est autre chose qui est appele du nom d'art et qui semble reclamer quelque absolu, sinon temoigner d'une irremediable vacuite. > (Caillois, 1975) (1) L'? autre chose >, qui pendant les vingt-cinq dernieres annees a tenu le devant de la scene artistique internationale, a ete designe sous de multiples labels. La constitution des valeurs artistiques et la promotion des artistes supposent que le territoire artistique soit balise par les acteurs qui detectent a leur naissance les nouvelles tendances, qui regroupent les artistes (si ces derniers n'ont pas ete les premiers a le faire), qui denomment et theorisent les mouvements. A chaque moment, dans un champ artistique depourvu d'une esthetique normative, plusieurs choix sont possibles et la regulation se fait a travers des conflits entre les sous-mondes de l'art, economico- culturels, qui controlent l'input, pour parler le langage des economistes. << Dans les annees 60, on parlait beaucoup de l'ecole pop ; le minimal n'est parvenu a ce statut que bien plus tard, alors que les deux mouvements avaient ete en definitive paralleles. > (Buren, 1984) Enjeu dans la competition culturelle comme dans la concurrence econo- mique, la taxinomie qui classe et declasse les mouvements n'epuise pas la realite. Les frontieres entre les groupes ou les tendances sont floues et changeantes, dans l'espace et dans le temps. De plus, les << grandes indivi- dualites >, comme on a coutume de les designer, qui ne se laissent enfermer dans aucune forme d'expression esthetique, n'admettent pas d'autre label que leur propre signature. Qu'il s'agisse de la signature d'un individu ou de la denomination d'un mouvement, le label artistique est au principe de la diff6renciation qui, comme le brevet scientifique, mais sans la protection legale qui l'accompagne, cree les conditions du monopole economique (Singer, 1981). (1) Cf. r6efrences bibliographiques in fine. 370 Raymonde Moulin Au cours des annees 1950, la partition du champ artistique, en chaque pays, etait grossierement recouverte par l'opposition abstraction/figura- tion (2). C'est au cours de cette periode que s'est mis en place, interatio- nalement, un reseau d'institutions et de galeries qui a assure la reconnais- sance sociale de l'artiste non traditionnel et lui a ouvert l'acces aux cotes les plus elevees, chacune de ces deux modalites de reussite certifiant l'autre. Dans la decennie suivante, les artistes appartenant aux mouvements artistiques qu'on appelle, de maniere courante mais ambigue, les avant- gardes ne se battent plus seulement sur un front unique, contre l'art etabli, mais ils sont aussi en competition les uns avec les autres, dans un secteur restreint du champ artistique dont les acteurs, de recrutement international, se connaissent entre eux et orientent leurs conduites les uns par rapport aux autres. Le deroulement de ces avant-gardes successives, domine par le jeu des oppositions et des demarcations, semble oriente par une strategie d'escalade dans la rupture qui, paradoxalement, aboutit a une convergence des formes symboliques : le < presque rien > de l'ascetisme abstrait, ultime repli sur l'essence de la peinture, et le < n'importe quoi >, herite de Dada, ultime parodie de l'art (Moulin, 1971 ; Clair, 1983). L'histoire des avant-gardes recentes marque le triomphe de la moderite artistique au sens oiu l'entendait Robert Klein : l'esthetique de la priorite l'emporte sur celle de la perfection, et la valeur de position historique, sur la valeur artistique absolue (Klein, 1970, p. 19). Du point de vue du marche, le renouvellement permanent des mouvements artistiques appelle des operations commerciales a court terme, hautement speculatives - et reci- proquement. Les competitions au sein du champ artistique n'ont plus aujourd'hui la clarte de deux camps, les anciens et les modernes, les figuratifs et les abstraits, comme dans les annees 50. Elles ne se situent pas non plus dans le secteur restreint des avant-gardes successives des annees 60/70. Les courants des annees 80 sont multiples, se juxtaposent, se croisent, se fondent; certains ont circule souterrainement dans les ateliers, avant de resurgir au moment ou se produisait le ressac des avant-gardes. L'ideologie artistique, associee a la notion du depassement continu comme loi de l'histoire, est mise en question par des artistes plus ou moins recemment entres en lice. Les produits artistiques sont d'une grande diversite et les labels multiples, de la trans-avant-garde au nouvel expres- sionnisme. La nouvelle peinture substitue le retour en arriere a la fuite en avant. Instaurant une autre maniere de prendre le contre-pied de ce qui se fait, elle peut continuer a revendiquer comme critere de reference la nouveaute, mais uploads/s3/ 3321315le-marche-et-le-musee-r-moulin1986.pdf

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