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Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie nucléaire B 3 810 − 1 Analyse de sûreté. Principes et pratiques par Daniel QUÉNIART Directeur délégué à la sûreté à l’Institut de protection et de sûreté nucléaire ne spécificité des installations nucléaires réside dans la nature et l’impor- tance des risques potentiels associés à la mise en œuvre de substances radioactives dans ces installations. En particulier, ces substances pourraient entraîner, en cas d’accident, des expositions significatives de travailleurs ou de personnes du public aux rayonnements ionisants ainsi que des contaminations durables de sols et de chaînes alimentaires. C’est pourquoi des dispositions tech- niques et des mesures d’organisation sont prises pour réduire les risques liés à l’exploitation de chaque installation nucléaire à un niveau jugé acceptable ; c’est le domaine de la sûreté nucléaire qui recouvre dès lors les dispositions destinées à : — assurer le fonctionnement normal des installations sans rejets exces- sifs d’effluents radioactifs (gazeux et liquides) et sans exposition excessive de travailleurs aux rayonnements ionisants, y compris au cours des opérations d’entretien, de contrôle ou de réparation ; — prévenir les incidents et accidents ; — limiter les conséquences des incidents et accidents qui se pro- duiraient malgré les mesures prises pour les éviter. Bien entendu, c’est l’exploitant d’une installation nucléaire qui est, fondamen- talement, le responsable de la sûreté de celle-ci ; lui seul peut, en liaison avec les constructeurs concernés, prendre à tout moment, notamment en exploitation, les mesures pratiques permettant d’assurer un niveau de sûreté satisfaisant. Dans l’exercice de cette responsabilité, il doit définir et mettre en œuvre des dispo- sitions de sûreté adaptées pour son installation et s’assurer, par une démarche systématique, que celles-ci permettent bien d’obtenir un niveau de sûreté satisfaisant. Par ailleurs, les pouvoirs publics d’un pays ont, d’une manière générale, mission de veiller à la sécurité des personnes et des biens. La nature des instal- lations nucléaires et les risques potentiels associés justifient qu’ils y portent une attention particulière et exercent une surveillance d’une rigueur exceptionnelle. L’intervention des pouvoirs publics comprend en particulier la mise en œuvre d’un système d’autorisations accordées individuellement à chaque installation, après examen technique approfondi des dispositions prises ou prévues par l’exploitant, et la surveillance du respect des prescriptions imposées par ces autorisations. 1. Risques potentiels, risques résiduels, risques acceptables......... B 3 810 - 2 2. La défense en profondeur...................................................................... — 4 3. Apport des études probabilistes de sûreté ...................................... — 5 4. Utilisation de l’expérience d’exploitation......................................... — 7 5. Facteurs humains et culture de sûreté.............................................. — 9 6. Conclusion ................................................................................................. — 11 Références bibliographiques ......................................................................... — 11 U ANALYSE DE SÛRETÉ PRINCIPES ET PRATIQUES _____________________________________________________________________________________________ Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. B 3 810 − 2 © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie nucléaire Il est demandé à chaque exploitant d’installation nucléaire d’exposer les dispositions qu’il a prises ou prévues en matière de sûreté pour son installation et sa démarche d’appréciation de leur caractère satisfaisant dans un document qui évolue au fur et à mesure de la définition et de la vie de l’installation ; ce document est dénommé rapport de sûreté. Les versions successives de celui-ci sont examinées par les pouvoirs publics dans le cadre des procédures d’auto- risation sus-mentionnées. En France, le rôle d’examen critique est, pour l’essen- tiel, assuré par l’Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN) à qui il incombe de donner aux autorités de sûreté des avis techniques sur les dispositions exposées dans les rapports de sûreté des installations nucléaires et les documents associés. C’est l’ensemble de ce processus, d’appréciation de la sûreté d’une installation, d’abord par l’exploitant, en liaison avec ses constructeurs, puis par les pouvoirs publics, que l’on désigne sous l’appellation globale d’analyse de sûreté d’une installation. Les procédures associées sont développées dans l’article Réglementation de la sûreté nucléaire [B 3 815] dans ce traité. 1. Risques potentiels, risques résiduels, risques acceptables Pour toute installation, il faut évidemment bien distinguer les risques potentiels évoqués plus haut, des risques résiduels présentés par l’installation. Les risques potentiels sont directement associés à la nature et aux quantités de substances radioactives mises en œuvre, ainsi qu’aux possibilités de dispersion de ces substances, tandis que les risques résiduels sont ceux qui subsistent pour l’installation en question, compte tenu des dispositions prises. Cette distinction, comme les développements de cet article sur la sûreté, s’applique plus généralement à tous les risques industriels (cf. article Généralités sur la sûreté nucléaire [B 3 800] dans ce traité). Pour une installation donnée, les risques résiduels ne sauraient être rigoureusement nuls et c’est le caractère acceptable de ces risques que les pouvoirs publics doivent apprécier pour délivrer les autorisations nécessaires à son fonctionnement. Cette appréciation ne peut être faite qu’en tenant compte à la fois du caractère plus ou moins vraisemblable et de la gravité plus ou moins importante des conséquences liées au fonctionnement de l’installation. Au-delà de l’exploitation normale, pour laquelle des limites d’exposition des travailleurs et des limites de rejets d’effluents radioactifs sont définies en dessous desquelles les valeurs réelles doivent être main- tenues aussi faibles que raisonnablement possible (optimisation), les risques résiduels de l’installation sont donc appréciés en termes de probabilités d’accidents, généralement exprimées en probabilités pour une durée égale à un an, et de conséquences associées. La notion de probabilité s’introduit ainsi naturellement dans l’examen des risques résiduels et il est largement admis que des conséquences plus importantes peuvent être acceptées si les probabilités corres- pondantes sont plus faibles. Cette idée a été traduite dès la fin des années 60 par la courbe proposée par F.R. Farmer, qui délimite sur un diagramme probabilités-conséquences un domaine acceptable (ou autorisé) et un domaine inacceptable (ou interdit) (figure 1). Cette même idée de conséquences acceptables plus importantes pour des probabilités plus faibles peut se déduire des dévelop- pements consacrés aux expositions potentielles (*) dans la publi- cation 60 de la Commission internationale de protection radiologique [1]. (*) Il est à noter que le mot potentiel n’a pas ici le même sens que dans l’expression risques potentiels ; les expositions potentielles sont plutôt l’expression des risques résiduels. Dans cette publication, la CIPR retient, sur un plan conceptuel, l’idée de l’utilisation de limites de risque pour les expositions poten- tielles (c’est-à-dire celles qui peuvent, pour une installation nucléaire, résulter de situations incidentelles ou accidentelles) de façon analogue aux limites de dose applicables en fonctionnement normal, sur la base de probabilités égales d’effets dangereux pour un individu, d’une part, en situation incidentelle ou accidentelle et, d’autre part, en fonctionnement normal. Cela revient, dans le domaine des effets stochastiques des rayonnements ionisants qui sont pratiquement les seuls qui puissent concerner des personnes du public, à pondérer les doses pouvant être reçues par un individu lors des différentes situations accidentelles par les probabilités annuelles estimées de ces situations. Toutefois, il faut noter que [4] : — l’appréciation des risques individuels pour les personnes du public, au sens de la CIPR, est à elle seule insuffisante pour traiter de l’acceptabilité ; le nombre des personnes qui pourraient être concernées par un accident, l’étendue des zones dans lesquelles des contre-mesures pourraient être nécessaires, la durée d’application de ces contre-mesures sont, à l’évidence, des paramètres interve- nant dans l’appréciation du caractère acceptable de risques résiduels ; — l’acceptabilité n’est pas une notion figée : d’une part, parce que les idées évoluent – l’acceptabilité est en fait une notion politique pouvant, par nature, présenter des variations dans le temps et selon les pays – et, d’autre part, parce que la coexistence d’installations anciennes et d’installations nouvelles améliorées, la recherche de progrès en termes de sûreté rendent impossible une délimitation précise et générale entre un domaine acceptable et un domaine inacceptable. C’est pourquoi des modèles conceptuels introduisant Figure 1 – Courbe de Farmer (échelles logarithmiques) _____________________________________________________________________________________________ ANALYSE DE SÛRETÉ PRINCIPES ET PRATIQUES Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie nucléaire B 3 810 − 3 un domaine dit tolérable entre le domaine acceptable et la domaine inacceptable, sont quelquefois développés, sans toutefois résoudre la contradiction inhérente à l’utilisation de courbes mathématiques simples pour traduire une réalité à l’évidence multiparamétrique ; pour sa part, dans sa publication 60, la CIPR a introduit, au titre de l’optimisation de la radioprotection, la notion de contrainte de risque qui permet une certaine flexibilité en dessous des limites de risque applicables de manière générale) ; — les outils permettant d’apprécier les probabilités annuelles et les conséquences possibles de situations accidentelles ne peuvent apporter que des réponses présentant des incertitudes plus ou moins importantes mais pouvant, pour une installation complexe, atteindre plusieurs ordres de grandeur, à la fois en termes de probabilités et en termes de conséquences. C’est pourquoi les organismes de sûreté n’utilisent la comparaison de résultats d’approches probabilistes à des critères préétablis que pour des sujets bien délimités ; ces critères ne sont de plus généralement pas exprimés uploads/s3/ analyse-de-surete.pdf
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- Publié le Jui 26, 2021
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