FR EN Kaija Saariaho - NoaNoa par Grégoire Lorieux (/fr/analyses/authors/#Gr%C3
FR EN Kaija Saariaho - NoaNoa par Grégoire Lorieux (/fr/analyses/authors/#Gr%C3%A9goire%20Lorieux) Dispositif électroacoustique L’instrumentiste a besoin d’un microphone pour la flûte et d’une pédale pour déclencher les événements de la partie électronique (démarrage, arrêt d’un son ou d’un traitement sonore). Sources sonores 1. temps différé : le flûtiste contrôle le départ (parfois l’arrêt) des fichiers sons, à l’aide d’une pédale au pied (pédale MIDI) ; 2. temps réel : en plus du micro du flûtiste, on peut disposer un micro d’ambiance devant lui, pour une meilleure sonorisation. Traitements Le flûtiste contrôle également à la pédale l’avancement des étapes d’un programme informatique en temps-réel contrôlant lui-même le départ (ou l’arrêt) des traitements appliqués sur la flûte : réverbération (/fr/analyses/definition/reverberation/) (infinie et ‘speech’), transposition (harmoniseur (/fr/analyses/definition/harmoniseur/)) et retard (delay (/fr/analyses/definition/delay/)). Dans certaines versions de la pièce, les effets de transposition et retards sont optionnels. Réglage des traitements réverbération infinie : capture de 500 ms de son et temps de réverbération de 10 secondes, avec des niveaux d’entrée et de sortie du module à -1.2 dB. réverbération ‘speech’ (pour la voix) : * soit un temps de réverbération fixe (6 secondes) avec des niveaux d'entrée et de so rtie du module à -2 dB ; * soit un module spécial qui fait évoluer le temps de réverbération en fonction de l'amplitude de l'instrument (plus le son est fort, plus la réverbération est courte). Harmoniseurs : 2 harmoniseurs à – 500 cents et + 500 cents. Delays : 250 ms de retard sur chaque harmoniseur. (/media/image/01_saariaho_noanoa_image.jpg) Schéma du système en temps-réel utilisé dans NoaNoa Diffusion L’œuvre ne prévoit pas de spatialisation (/fr/analyses/definition/spatialisation/) particulière. Selon la configuration, on peut diffuser sur deux haut-parleurs (disposés juste devant l’instrumentiste, par exemple), ou bien quatre (dans ce cas, on place les deux haut-parleurs supplémentaires derrière le public). Analyse de l’œuvre Présentation Le mot tahitien « noanoa » signifie « odorant ». Selon la compositrice « ce titre se réfère à une gravure sur bois de Paul Gauguin, NoaNoa. Il fait également référence à un journal de voyage du même nom, écrit par Paul Gauguin durant son séjour à Tahiti entre 1891 et 1893. Les fragments de textes utilisés pour la voix sont extraits de cet ouvrage. » (Saariaho, note de programme de NoaNoa (/fr/works/work/11579/)). La pièce de Saariaho garde certainement une trace de la sensualité joyeuse des couleurs de Gauguin. La flûte chez Saariaho La flûte est avec le violoncelle l’instrument le plus utilisé par Kaija Saariaho, particulièrement à cette période de sa production. Un travail très régulier avec une interprète de prédilection, Camilla Hoitenga, aura permis le développement d’une écriture à la fois idiomatique à l’instrument et originale, signature de la compositrice. La flûte permet à Saariaho de mettre en place le système de l’« axe timbral » , à la base de son langage. Il s’agit de travailler sur des sonorités toujours changeantes, se situant du côté du son « bruité » (par exemple souffles de la flûte, ou bruit blanc), ou du son « clair » (par exemple, harmoniques de violon, résonances de glockenspiel…). La flûte illustre ainsi parfaitement ce procédé, avec l’idée d’un son instrumental dans un état instable, en perpétuel mouvement ; par ses modes de jeu ductiles entre notes pures et souffles. 1 (/media/image/02_saariaho_noanoa_axetimbral.jpg) D’autre part, Saariaho se sert de la flûte comme d’un filtre à la voix : dans bien des cas, le son de la flûte apparaît comme le prolongement de voix parlées ou chantées. Une telle utilisation de l’instrument a lieu dès Laconisme de l’aile (/fr/works/work/11573/). Cette pièce pour flûte seule est basée sur un poème extrait d’Oiseaux de Saint-John Perse, qui est dit par l’instrumentiste. Ainsi, la partie du flûtiste alterne, mélange et crée des continuités entre texte et sons. Dans Lichtbogen (/fr/works/work/11574/), sorte de démonstration du principe de l’axe timbral, où le timbre de l’ensemble oscille entre des situations de son clair et de son bruité, les souffles de la flûte prennent une grande part à l’évolution du timbre global. Le « centre de gravité » de l’ensemble de Io (/fr/works/work/11566/) est le pupitre des trois flûtes (les instrumentistes jouant : piccolo, flûte en Ut, en Sol, et flûte basse). Ces instruments sont amplifiés et réverbérés. La compositrice utilise des textures de consonnes prononcées dans les flûtes graves, qui évoluent d’abord vers des sons soufflés inarticulés puis vers des notes. La pièce se termine sur une résonance de trois flatterzunge soufflés fff des flûtes, prises dans une réverbération infinie. Les solistes de la deuxième partie du diptyque Du cristal (/fr/works/work/11557/)… à la fumée (/fr/works/work/11548/), une flûte alto et un violoncelle, sont également amplifiés et réverbérés : comme par un effet de loupe, Saariaho précise, cisèle avec eux certaines structures harmoniques ou rythmiques présentées de manière massive ou polyphonique à l’orchestre. La partie de flûte, très virtuose, utilise les principes d’écriture développés pour Io (/fr/works/work/11566/) : instabilité entre note et souffle, emploi de consonnes d’articulation fricatives (les phonèmes chuchotés dans la flûte sont dénués de sens : ils servent en quelque sorte à indiquer une consonne d’articulation, qui soit différente du « t », du « k » ou du « g »). Enfin, la plupart des idées instrumentales de NoaNoa viennent directement de la pièce Gates, qui est un extrait de la musique du ballet Maa (/fr/works/work/11576/) : notamment une figure ‘d’appel’ ascendante, suivie d’un long glissando d’un demi ton, qui est reprise comme motto de NoaNoa. « NoaNoa est née des idées que j’ai eues en écrivant la musique de ballet Maa. Je voulais inscrire, même de manière exagérée, peut-être abusive, certains maniérismes de l’écriture pour la flûte, qui m’avaient hantée depuis des années, pour me forcer à écrire quelque chose de nouveau ». (Saariaho, notice de la partition) Après cette pièce, Saariaho continue l’exploration de l’instrument en dédiant à Camilla Hoitenga un concerto qui renoue avec Saint-John Perse : L’aile du songe (/fr/works/work/20034/). 1992, année charnière L’année 1992 chez Saariaho est un moment de bascule entre deux périodes. Ce tournant se manifeste parallèlement aux évolutions technologiques. Habituée à développer des outils pour la construction d’œuvres en studio, la compositrice a à présent accès aux transformations du son en temps-réel pendant le concert. NoaNoa est la première œuvre de Saariaho écrite pour électronique en temps-réel, œuvre significative de l’évolution de Saariaho entre les deux œuvres que nous poserons comme jalons : Lichtbogen (/fr/works/work/11574/) et L’amour de loin (/fr/works/work/20035/). Lichtbogen (/fr/works/work/11574/) (1986) est construit sur la relation entre le « son bruité » (marqué par un « - » sur les esquisses) et le « son clair » (marqué par un « + ») . Si chaque instrument énonce avec évidence ses qualités bruitées ou claires, les évolutions timbrales sont à apprécier non pas tant au niveau d’un instrument seul mais bien au niveau du timbre orchestral global. La dramaturgie de la pièce est basée sur le glissement lent entre une situation musicale et une autre. L’expérience de cette pièce permettra à Saariaho de théoriser la notion d’axe timbral. Avec l’opéra L’amour de loin (/fr/works/work/20035/) (2000), Saariaho abandonne quelque peu l’axe timbral pour se concentrer sur une écriture d’espaces sonores, c’est-à-dire d’environnements sonores différenciés. L’univers des deux personnages principaux de l’opéra se caractérise par une série d’accords et de sons pré-enregistrés. Ces accords et ces sons vont s’entrecroiser à la fois dans l’écriture instrumentale et électro-acoustique . Ecrite en 1992, NoaNoa exploite le principe de l’axe timbral comme une grammaire permettant un dynamisme consonance/dissonance comparable à la tonalité, mais axée sur la perception du timbre. Ce principe innerve toute la pièce, de la structure globale jusqu’à la construction des phrases. En cela, Saariaho rejoint les préoccupations des compositeurs de sa génération, qui souhaitent alors avec la musique spectrale fonder un langage musical complet et cohérent, en s’appuyant, d’ailleurs, sur les recherches de l’époque sur l’analyse et la synthèse sonores. La musique spectrale de l’époque tient encore à définir le timbre aussi par la construction harmonique : c’est pourquoi cette pièce est à analyser en liant étroitement la construction des motifs de hauteurs avec celle des timbres. D’autre part, c’est l’électronique en temps-réel qui fait basculer Saariaho vers la notion d’espace sonore, qui sera particulièrement illustrée avec le travail d’Amers (/fr/works/work/11550/) (demeter.revue.univ-lille3.fr (http://demeter.revue.univ-lille3.fr)) : la flûte évolue dans un parcours sonore défini en particulier par les réverbérations et les résonateurs. Entre son et bruit Forme globale Conformément au principe d’axe timbral développé par Saariaho, le timbre de la flûte oscille entre son et bruit. NoaNoa est construit plus systématiquement sur ce principe que les œuvres précédentes. On peut suivre globalement, dans la partie de flûte, un parcours du « son clair » (consonance, « + ») au « son bruité » (dissonance, « - »). Cette pièce est basée sur une écriture toujours mouvante des sonorités instrumentales : le mélos de NoaNoa est essentiellement timbral. A l’image de ces sonorités, l’analyse de l’œuvre résiste à une fragmentation motivique stricte : si, dans un premier temps, les éléments sont présentés lisiblement un par un, ils se fondent très vite les uploads/s3/ analyses-noanoa-kaijasaariaho.pdf
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- Publié le Mai 10, 2021
- Catégorie Creative Arts / Ar...
- Langue French
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