BLAISE CENDRARS ^ 10 N TOUT AUTOUR D'AUJOURD'HUI Nouvelle édition des œuvres de

BLAISE CENDRARS ^ 10 N TOUT AUTOUR D'AUJOURD'HUI Nouvelle édition des œuvres de Biaise Cendrars dirigée par Claude Leroy professeur à l'université Paris X-Nanterre Cet ouvrage a été publié avec l'aide de PRO HELVETIA, Fondation suisse pour la culture, et le soutien du CENTRE NATIONAL DU LIVRE (Paris). En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage sans l'autorisation de l'éditeur ou du Centre français d'exploitation du droit de copie. © 1947, Éditions Buchet/Chastel pour Anthologie nègre © 1960, Éditions Denoël pour Petits Contes nègres pour les enfants des Blancs © 1960, Éditions Denoël pour Comment tes Blancs sont d'anciens Noirs © Miriam Cendrars pour N'Kiî, Vattrape-nigauds et La Création du Monde © 2005, Éditions Denoël 9, rue du Cherche-Midi 75006 Paris ISBN 2-207 25482-8 B 25482.5 BLAISE CENDRARS ANTHOLOGIE NÈGRE PETITS CONTES NÈGRES POUR LES ENFANTS DES BLANCS COMMENT LES BLANCS SONT D'ANCIENS NOIRS LA CRÉATION DU MONDE Textes présentés et annotés par Christine Le Quellec Cottier DENOËL TOUT AUTOUR D'AUJOURD'HUI Les œuvres complètes de Biaise Cendrars ont été ras- semblées pour la première fois chez Denoël, entre 1960 et 1964. La parution de ces huit volumes sous couverture verte fut un événement. Quarante ans après, cette édition histo- rique mais dépourvue de tout appareil critique ne répond plus aux exigences des lecteurs modernes. Une nouvelle col- lection prend la relève sous un titre emprunté au poète : « Tout autour d'aujourd'hui » (TADA) ; elle présente des textes révisés, préfacés et annotés, accompagnés, suivant le cas, des illustrations originales ou d'une iconographie nouvelle, ainsi que d'une bibliographie propre à chaque volume. Enrichie d'un certain nombre d'inédits, cette collection constitue la première édition critique des œuvres de Biaise Cendrars. PRÉFACE Lorsqu'un soir d'automne parisien de 1925 Marie Vassilieff invita ses amis à venir voir sa série de « portraits-poupées », Cendrars ne cacha pas son émotion : elle avait fait de lui un fétiche nègre. L'artiste russe ne s'était pas laissé distraire par le récent succès « américain » du poète qui venait de publier L'Or, et son choix africain montre à quel point elle avait perçu le continent noir qui habitait l'âme de Cendrars. Jeune encore, chez ses parents à Neuchâtel, Freddy Sau- ser s'enferme dans la bibliothèque de son père et feuillette nerveusement le tome IX de la Géographie universelle d'Elisée Reclus pour retrouver l'image d'un fétiche androgyne qui provoque en lui crainte et fascination : le volume s'ouvrait toujours à la même page sur une gravure représentant une grande idole de bois accroupie au pied d'un arbre géant dans la forêt vierge, une idole cubique, aux yeux démesurés, aux dents grimaçantes^. Quarante ans plus tard, dans Le Lotissement du ciel, le poète consacre plus de quatre pages à ce souvenir d'enfance qu'il présente comme fondateur, car l'idole a été le sésame d'un monde insoupçonné, fantasmé, auquel il va s'identifier totalement : Personnellement, l'idole du tome IX de la Géographie de Reclus m'a plutôt paralysé, ce n 'est pas elle qui m'a poussé au voyage; mais une fois en route, c'est elle qui m'a appris à 1. Le Lotissement du ciel, Denoël, « Tout autour d'aujourd'hui » (TADA 12). me tenir tranquille, à cuver, comme elle, cubique et millénaire dans la solitude, le pourquoi de ma présence, inhibition qui fait que je me sens partout étranger, en exil, et déjà alors, et à mon insu, je le comprends aujourd nui, au sein de ma famille. L'Afrique est l'altérité originelle que le futur poète découvre grâce à ses lectures innombrables parmi lesquelles les recueils d'Henri Trilles ont une place de choix. Aux yeux de Cendrars, nul n'a avancé plus loin que ce missionnaire catholique français dans la conscience des primitifs et la pénétration de l'âme nègre : Depuis, mon amour de la littérature des nègres dans toutes ses manifestations ne s'est jamais apaisé (pas plus que ne s'apaisa jamais jusqu'à ce jour celle titillation intime que je ressens à la vue d'une statuette ou d'un masque nègre, rap- pel lancinant de l'idole qui me terrorisait dans mon enfance et me possédait la nuit). Demeure pourtant une énigme tenace. Alors qu'elle est si précisément retracée par Cendrars, la genèse de sa passion pour l'Afrique se dérobe à la curiosité du lecteur. Le tome IX de la Nouvelle Géographie universelle est consacré à L'Asie anté- rieure et si l'Afrique fait l'objet de quatre volumes (X, XI, XII et XIII), aucun d'entre eux n'a pour titre L'Afrique équatoriale, et on n'y rencontre ni l'idole cubique décrite dans Le Lotisse- ment du ciel, ni Y Histoire de l'éléphant et des rats blancs qui, on va le voir, a inspiré au poète l'amour des contes nègres. S'agi- rait-il d'un souvenir-écran? Ou d'une façon narquoise de suggérer au lecteur trop curieux que l'Afrique pour Cen- drars est d'abord cosa mentale} Ce goût pour le « monde nègre » prend cependant une dimension particulière lorsqu'on sait que cet univers repré- sente, dans l'imaginaire du XIXe et du début du XXe siècle, la rencontre avec l'origine de l'humanité. L'Afrique permet à l'Occidental de remonter le temps en changeant d'espace. Marie Vassilieff, Portrait-poupée de Biaise Cendrars (1925). En 1912, lorsqu'il invente son pseudonyme pour devenir Biaise Cendrars, Freddy Sauser se pose en maître de sa propre origine et il choisit d'être un « Primitif ». En créant son « nom nouveau comme une affiche », l'homme qui n'a plus de passé fait de l'Africain son alter ego. C'est avec les premiers explorateurs puis les expéditions coloniales que l'Afrique se dévoile progressivement à une Europe en quête d'origine. Le xixe siècle se passionne pour l'homme des temps primitifs et la géologie est à la mode. Ces premières recherches bousculent la chronologie biblique et bien des scientifiques peinent à concilier les observations de terrain et le Livre ; mais, indépendamment de ces gloses, le grand enjeu de l'époque est d'établir une hiérarchie intellectuelle des peuples. Il faut attendre la fin du xixe siècle pour que soit envisagée la possibilité de plu- sieurs cultures primitives et donc l'idée que tous les humains ne suivent pas la même voie, menant évidemment au stade ultime que représenterait l'homme blanc occidental. La première conviction des scientifiques de l'époque - dont Camille Flammarion que Cendrars a lu avec passion et reco- pié dans ses Cahiers de jeunesse — était que les « êtres des peu- plades primitives actuelles, plus animaux qu'humains, offrent l'image la plus rapprochée de l'état primitif de nos propres ancêtres ». Ainsi, l'Afrique représente-t-elle le plus souvent l'enfance de l'humanité, obligée de grandir pour atteindre le stade de développement supérieur, européen. Cette perception de l'Autre domine toute la littérature afri- caniste du XIXe et elle explique le regard condescendant, paternaliste ou méprisant de bien des colons et mission- naires du début du xxe siècle. Cendrars a beaucoup fréquenté les récits de ces voya- geurs et il connaît bien le miroir de l'Afrique qu'ils tendent aux Occidentaux. Pourtant, s'il tient à rendre accessible tout un pan des traditions africaines au début des années vingt, il ne se confine nullement dans la vision paternaliste d'une Afrique figée dans un folklore immobile. L'Afrique repré- sente pour lui une énergie brute, une force de régénération qui s'impose face à l'Europe qu'il méprise et à l'Amérique qu'il juge trop mercantile. Rentré de New York en juin 1912, il s'est installé à Paris au cours de l'été et il y fait ses pre- mières armes d'écrivain qui veut appartenir aux avant-gardes littéraires. Il rencontre Apollinaire, Delaunay et bien d'autres qui l'accueillent comme un des leurs, après la publication des Pâques en automne 1912, puis de la Prose du Transsibérien en 19132. Mais Cendrars est l'homme des ruptures, des chocs et des recommencements à zéro. Toute son œuvre en est marquée, qu'il s'agisse de sa volonté de devenir écrivain, de son engagement à la Légion et de sa mutilation en 1915, de son retour à la vie, de la main gauche, en 1917, et bien sûr de toutes les formes d'expression qu'il a pratiquées : la poésie, le cinéma, le roman, le journalisme ou les récits de Mémoires. Cette diversité révèle combien il est fondamental pour lui de n'avoir aucune attache, aucune ligne définie : il se veut libre, toujours. Sa découverte du monde africain et surtout ses poèmes nègres de 1916 — Continent noir et Les Grands Fétiches - sont la première étape d'une appropriation qui a perduré jusqu'en 1930, date à laquelle paraît Comment les Blancs sont d'anciens Noirs, son dernier recueil nègre. Le goût des artistes parisiens pour l'art nègre s'est pour- tant construit sur une interprétation erronée de ce qu'ils découvraient. Alors qu'en 1909 déjà Apollinaire espérait que les musées cesseraient de classer les objets africains ou océa- niens selon leur fonction ou leur curiosité pour les traiter comme des œuvres d'art, tous percevaient ces statues et masques comme des œuvres libres de toute référence ou modèle. Ils opéraient de la sorte une réduction significative puisque les artistes occidentaux n'avaient aucune idée des uploads/s3/ anthologie-negre-petits-contes-negres-pour-les-enfants-des-blancs-pdf.pdf

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