Document généré le 18 fév. 2018 22:05 Cinémas Archéologie de l’intermédialité :

Document généré le 18 fév. 2018 22:05 Cinémas Archéologie de l’intermédialité : SME/CD-ROM, l’apesanteur François Albera Cinéma et intermédialité Volume 10, numéro 2-3, printemps 2000 URI : id.erudit.org/iderudit/024814ar DOI : 10.7202/024814ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Cinémas ISSN 1181-6945 (imprimé) 1705-6500 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Albera, F. (2000). Archéologie de l’intermédialité : SME/CD- ROM, l’apesanteur. Cinémas, 10(2-3), 27–38. doi:10.7202/024814ar Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter en ligne. [https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique- dutilisation/] Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. www.erudit.org Tous droits réservés © Cinémas, 2000 Archéologie de l'intermédialité : SME/CD-ROM, l'apesanteur ' François Albera RÉSUMÉ L'auteur se propose de dégager les conditions de possi- bilité d'un phénomène: l'apparition sur nos écrans de cinéma et de télévision d'agencements dont la nature ne se laisse appréhender ni par les conditions de la dié- gétisation ni par celles de la narrativisation. Ce cinéma d'un genre nouveau, qui joue de matériaux hétérogènes et produit un espace à parcourir, « cinéma d'exposi- tion » donc, soulève la question de l'intermédialité. Cette question conduit à une entreprise archéologique qui prend appui sur la réflexion théorique d'Eisenstein. ABSTRACT In this article, the author proposes to explore the con- ditions of possibility of a phenomenon : the appearance on our fdm and television screens of arrangements that, given their nature, can not be understood accor- ding to the conditions of neither diegetization, nor narrât ivization. This cinema of a new genre, that plays with heterogeneous materials and produces a space to be explored, " a cinema of exposition " therefore, raises the question of intermediality. This question then leads to an archeological enterprise that draws on the theore- tical reflections of Eisenstein. En nous référant à la réflexion esthétique d'Eisenstein, notre propos est de dégager les conditions de possibilité d'un phéno- mène : l'apparition sur nos écrans de cinéma et de télévision d'agencements dont la nature ne se laisse plus appréhender par les trois conditions de la diégétisation classiquement évoquée en se- miologie du cinéma — construire un monde, effacer le support, créer un espace habitable par un personnage — ni par celles de la narrativisation — situation posée initialement, perturbation, éta- blissement d'une nouvelle situation2. Du moins ces conditions sont-elles profondément transformées, qui permettent d'agencer des images et des sons répondant à des systèmes de représenta- tion, à des formes d'exposition différents et qu'on ne gagnerait pas à coucher au lit de Procuste des catégories narratives. Aussi parlerons-nous d'un «cinéma d'exposition», par analogie avec la situation spatio-temporelle de l'exposition artistique (ou de l'ex- position en général : on sait à quel point les expositions universel- les furent marquantes pour la pensée de la modernité, de Baude- laire à Benjamin) et avec l'activité qu'elle induit de la part du spectateur-visiteur : déplacement plus ou moins aléatoire, tempo- ralité variable, faisceaux de récits saisissables par « tous les bouts ». C'est parfois littéralement que l'ordinateur a imposé une idée du parcours, du voyage, de l'exploration, de la flânerie (du cédé- rom le plus fruste au plus élaboré, tels Immemory One, Beyond, etc.), idée qui gagne un cinéma d'un genre nouveau. Pensons à Level Five (Marker, 1997), à The Pillow Book (Greenaway, 1995) ou encore à certains travaux vidéo de Jean-Luc Godard (en par- ticulier ses Histoire(s) du cinéma, 1988-1998), que Deux ou trois choses que je sais d'elle (1966) et Le Gai Savoir (1968) annon- çaient. Ce cinéma d'exposition, ces modèles de déplacement sont particulièrement aptes à jouer de matériaux hétérogènes, de supports et de médias différents qui apparaissent en tant que tels plutôt que d'être représentés ou soumis à l'autorité d'un média dominant. D'ailleurs peut-on parler d'intermédialité quand les différents médias sont intégrés sous la loi d'un seul ou qu'ils dis- paraissent, instrumentalisés par lui ? Seuls les films qui ac- cueillent des systèmes techniques et symboliques sur le mode de la greffe créent de !'intermedial, lequel exige la présence de pôles entre lesquels circule et se constitue cette symbolisation ; cette « dialogie » véritable est la condition de 1'« entre », de Xinter-. Si notre travail consiste à faire une « archéologie » d'une telle intermédialité, à en trouver des antécédents, il ne répond pas au modèle diachronique présenté par André Gaudreault et Philippe Marion au colloque d'où le présent texte tire son origine3. Selon 28 CiNeMAS, vol. 10, nos2-3 ces deux auteurs, le cinéma naissant a d'abord été «naïvement intermedial », puis il s'est spécifié, cette phase identitaire le me- nant à une intermédialité «négociée» sur la base de sa spécifi- cité. Ce processus d'évolution qui, de l'enfance à l'âge adulte, évoque les trois âges de l'homme — à quoi l'on pourrait ajouter une phase zéro (conception, pro-jet) et une phase terminale (la mort du média) — a ce défaut qu'il tend à linéariser, à enchaî- ner les stades comme autant d'étapes qui excluent les branches adventices, les culs-de-sac, voire les régressions, ce que font éga- lement les schémas ontogénétiques de l'évolution de l'homme. C'est précisément un récit, et qui est fort parent de la voie royale tracée par les premiers historiens du cinéma, en particulier Georges Sadoul (avec ses trois moments : pré-cinéma, naissance du cinéma, le cinéma devient un art). Or, la brève histoire du cinéma offre un foisonnement de voies divergentes, de possibles parfois incomplètement actualisés, que des études empiriques mettent en lumière et qui sont régulière- ment réactualisés lorsqu'il s'agit d'opérer une sortie du système «canonisé». Et cela, la notion eisensteinienne de cinématisme permet de l'appréhender : pour Eisenstein, le cinéma est à l'œuvre avant son émergence réelle et cette cinématographicité se révèle a posteriori, comme les précurseurs de Kafka selon Borges, ou... Marx: l'anatomie de l'homme est la clé de l'anatomie du singe. Dans cette perspective, on dira volontiers que le cinéma est d'emblée intermedial ou intermédiatique, mais quant à sa « naï- veté», c'est moins sûr. Les tâches dont on charge le cinéma de- puis Boleslaw Matuszewski (1898), qui vont de l'archivage des événements à la régulation sociale en passant par la pédagogie, ne sont pas im-pensées. Ouvrons un Ciné-Phono-Gazette d'avant 1910: les théories «prospectives» sur le cinéma et le phono comme pro to-télévision foisonnent, et aussi ces traits caractéristi- ques — vitesse, simultanéité, ubiquité, simulation, présence, mondialisation, etc. — que déclinent immanquablement les dis- cours accompagnant l'évolution des médias4. Le processus de légitimation artistique du cinéma s'est exercé à l'endroit d'une catégorie de films ; il aboutira par l'intermédiaire des critiques, écrivains, dramaturges, etc., qui lui appliquent les catégories en cours dans le champ artistique (y compris Archéologie de !'intermédialité : SME/CD-ROM, l'apesanteur 29 l'opposition académisme/avant-garde). Nous le voyons dans le discours critique qui revendique cette légitimité culturelle — on affirme «le cinéma devient un art», on annonce que la bourgeoi- sie vient au cinéma5 — en épurant le cinéma de son intermédia- lité constitutive. Ainsi, dans ses éditoriaux du Ciné-Journal de 1911, Georges Dureau plaide pour l'autonomisation du média. Il met en question les visées d'ordre moral ou pédagogique, fai- sant valoir que le cinéma est un but et non un moyen. Il critique le bruitage « de coulisses », admet la musique dans la mesure où les spectateurs ne sont pas parvenus à un point d'intelligence suf- fisant, mais postule qu'il faut faire le moins de bruit possible, voire pas de bruit du tout, pour que le Cinématographe reste un art6; une année auparavant, il considérait d'un bon œil aussi bien la musique et les bruitages que la performance. Ce processus-là s'accomplit « au détriment » d'autres visées — infor- mative, conservatoire et pédagogique —, d'autres institutionnali- sations sociales que celle du spectacle illusionniste7. Il n'y a plus de perspective Ici un « détour » s'impose, car la venue d'Eisenstein au cinéma s'effectue dans un contexte dont la singularité mérite attention. C'est que le cinéma soviétique va « retrouver » l'intermédialité originaire du film — ou construire une intermédialité particu- lière — sans pour autant le faire sur le mode « intégratif » évoqué plus haut, qui s'apparenterait à de l'intertextualité ou, en tout cas, témoignerait de la domination d'un cinéma exerçant sa loi. Quand André Gaudreault et Tom Gunning ont repris le terme d'« attraction » à Eisenstein pour qualifier une modalité discur- sive du cinéma des premiers temps8, cette rétroaction indiquait bien qu'en 1924-1925, quelque chose s'effectuait sous une forme comparable à ce qui s'effectuait en 1908, mais revendi- quée, assumée, celle du choc et non de l'homogénéité. Surtout, l'avant-garde russe voulait désaliéner le cinéma «embourgeoisé», «artistisé», lui redonner une vigueur sociale, politique égale- ment, sur la base de sa réalité technique, précisément extra- artistique (comme Benjamin l'a fait avec la photo). De Kino-Fot à Lefi sous les plumes de Maïakovski, Vertov, Gan, Sokolov, Koulechov, uploads/s3/ archeologie-de-l-x27-intermedialite.pdf

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