LES LYRES (!) DE LAFRIQUE DE LEST TRISTAN GI~NSART Les Lyres de l'Afrique de l'
LES LYRES (!) DE LAFRIQUE DE LEST TRISTAN GI~NSART Les Lyres de l'Afrique de l'Est Travail de fin d'études Tristan GRANSART SAE Brussels 2008. 1 Introduction L'été dernier, un des mes amis eut l'idée originale d'organiser une soirée réunissant des musiciens de cultures et d'horizons différents. Parmi eux se trouvait Nebiyou, un Ethiopien joueur de lyre. Intrigué par cet objet, à mes yeux insolite, j'engageai la conversation avec le musicien et appris ainsi que dans sa culture, la lyre se devait d'être transmise de génération en génération; il s'agit d'un véritable rite de passage. Il ajouta que son choix instrumental avait été quelque peu forcé par son grand-père, ce dernier la lui ayant léguée, au village, lors d'une semblable cérémonie à caractère initiatique. Plus tard dans la soirée, il s'aventura dans des explications plus techniques et fit quelques comparaisons avec d'autres instruments à cordes tout en nous offrant la quintessence de son art. Ce fut, ce soir-là, que prit naissance ma passion pour cette musicalité si particulière. 2 A. Présentation sommaire La première impression que l'on a au regard de la lyre pourrait être celle d'une espèce de « cordophone » à cordes libres et pincées. Sa caisse de résonance, tantôt en forme de cuvette, tantôt plus proche d'une boîte rectangulaire, est pourvue de deux manches qui s'en détachent de manière symétrique et d'un joug transversal auquel on relie les cordes. Selon Sachs 1, deux variétés de lyre peuvent nettement se distinguer de par leur forme: la lyre droite ou symétrique et la lyre oblique ou asymétrique. Dans ce dernier cas ; un des bras est plus long que l'autre ce qui oblige de temps à autre le joug à s'élever d'un côté au lieu de rester parfaitement horizontal. On évoque dès lors la possibilité que l'origine particulièrement arquée, voire coudée de la forme de la lyre puisse provenir de la harpe naviforme au manche si exagérément incurvé qu' il se serait cassé. Son extrémité supérieure serait devenue le joug et la partie centrale le bras le plus court. Un second bras dut être ajouté en guise de soutien de la traverse. L'on s'accorde aujourd'hui pour situer le lieu d'origine de la lyre en Mésopotamie; les relations économiques et politiques que maintint cette région avec ses voisins pouvant expliquer la propagation de cet instrument dans tout l'Est de la Méditerranée et vers l'Égypte. Notons toutefois que progressivement, chaque zone géographique l'adapta à ses besoins propres, allant parfois jusqu'à profondément modifier le modèle originel. Voilà probablement ce qui justifie la très grande diversité de formes et d'appellations qu'étalent les lyres d'Afrique de l'Est. Cette région, ancestralement à majorité animiste, croisement hétérogène d'ethnies et d'idiomes ne doit pas pour autant nous faire occulter l'influence occidentale dont certains apports techniques et de nouveaux matériaux ont considérablement modifié l'instrument et son jeu ainsi que son rôle tant social que spirituel. 1 André SCHAEFFNER, Origine des instruments de musique, Introduction ethnologique à l'histoire de la musique instrumentale, Paris, p.205 3 B. Historique La naissance de la lyre se situe historiquement au lllème millénaire avant notre ère et son berceau géographique se localise essentiellement dans le Croissant Fertile jusqu'à la Péninsule Arabique. 1) La lyre mésopotamienne2 ou la diversité dans l'unité La spécificité de cette lyre est la diversité dans l'unité et ce de par sa forme et sa taille mais aussi et principalement par l'importance sociale et spirituelle qu'elle symbolise au Proche-Orient. Les lyres de l'époque présargonique nous sont connues grâce aux nombreux témoignages archéologiques et littéraires découverts dans les tombes. Ces vestiges nous permettent de reconstituer des éléments de cet instrument et d'en définir son rôle et sa technique de jeu voire même son accord. L'on peut défmir toute lyre de cette période comme étant constituée d'une caisse de résonance en forme d'un corps de taureau schématisé avec la tête émergent à l'avant et des pattes servant de pieds à l'instrument, à moins qu'elles ne soient repliées le long de la caisse. Les deux montants sont réunis en roue par une traverse où viennent s'accrocher les cordes. Les matériaux utilisés pour la construction de ces instruments qui furent exhumés de chambres funéraires à'Ur sont principalement le bois, l'or, l'argent, et les pierres semi-précieuses. Il est peu aisé de déterminer avec précision quel bois était utilisé pour la fabrication des caisses de résonance des lyres sumériennes mais le buis paraît une des éventualités la plus plausible. L'on est en droit de penser que les cordes d'épaisseurs différentes de l'instrument étaient constituées de boyau ou de tendons. A l'époque, elles étaient pincées avec les doigts et non avec un plectre comme on pourra l'observer pour les lyres plus tardives. La découpe incurvée dans la caisse de résonance, juste derrière les cordes, suggère que la technique de jeu pouvait se composer d'un pincement complexe de la main et de l'étouffement, par l'autre main, des cordes superflues. La lyre à 11 cordes fut sans doute un instrument grave produisant un son riche qui fut utilisé dans la musique, certes élégante mais non rituelle. Cette précision est de poids lorsque l'on sait combien l'importance religieuse de la lyre est grande. C'est ainsi que l'on retrouvera cet instrument pour célébrer les mythes traditionnels, les récits concernant les dieux et les héros, les odes épiques ou encore les louanges. 2 Agnès Spycket «La musique instumentale mésopotamienne» in Journal des Savants, juillet- septembre 1972. 4 2) Les lyres néo-sumériennes ou les débuts de la complexification Les instruments à cordes jouissent toujours de la préséance et sont désignés par le déterminatif du bois (les percussions ayant le déterminatif du cuir, de la peau, du cuivre ou du bronze et les vents celui du roseau). La lyre-taureau est toujours utilisée à cette époque et est parfois surmontée d'un second bovidé. Les Il cordes ne sont plus de longueur égale et les plus courtes sont placées à l'avant de l'instrument. Elle partent toutes d'un même point situé au bas de la caisse de résonance et divergent jusqu'à la traverse où elles sont fixées et tendues par des bâtonnets. 3) Les lyres d'lsin et de Larsa (1ère dynastie de Babylone) ou l'interculturalité C'est à cette époque que la lyre-taureau tombe en désuétude. Elle sera remplacée par trois types de lyre, une grandes et deux autres petites. La lyre haute: possède des pieds ou se joue posée sur un tabouret bas, les musiciens jouant assis. La caisse de résonance est petite, plate et quadrangulaire et les deux bras sont divergents. Les cordes attachées au bas ou au milieu de la caisse sont visibles de même que le chevalet qui les .élève. La lyre portative: la caisse de résonance est petite et rectangulaire, les deux montants sinueux et la traverse concave dépassant des deux côtés la caractérise. Elle comporte quatre à cinq cordes maintenues sur la traverse qui sont accordées par la méthode de l'enroulement. L'instrument est tenu horizontalement ce qui, selon toute logique contemporaine, devait nécessiter l'usage d'un plectre. La troisième lyre originaire de Syrie: les bras sont verticaux elle comporte quatre cordes et se joue en position verticale. 5 4) Les lyres Kassites3 L'on sait très peu de choses de cet instrument intermédiaire d'une période troublée de la moitié du deuxième millénaire de la société mésopotamienne. 5) Les instruments du 1er millénaire jusqu'à la chute de Ninive (influence étrangère) Les Assyriens ont étendu la pratique des ensembles instrumentaux. En plus du banquet en musique, les souverains ont dévolu à la musique une nouvelle mission, celle de fortifier le zèle de leurs soldats et ce, principalement, lors de manoeuvres militaires. Par conséquent, la lyre devient portable, est tenue horizontalement et se joue avec un plectre. Deux types de lyre peuvent s'observer: - la première est un instrument rectiligne à cinq ou six cordes tenu au bivouac obliquement à gauche et 1' on en joue avec un plectre. -la deuxième a un montant galbé se terminant en crosse vers l'intérieur. La traverse, généralement droite, dépasse de chaque côté mais elle peut-être également concave. La caisse est maintenue sous le bras gauche de façon à ce que les cordes se présentent sous les doigts. Cette lyre galbée eut un énorme succès dans tout le Proche-Orient et ce jusqu'en Iran. 6) Les lyres égyptiennes : la délicatesse des formes C'est au Moyen Empire, dans la tombe rupestre de Khoum-Hotep que l'on a retrouvé la représentation d'une lyre au montant galbé muni d'une douzaine de cordes. Le nom égyptien de la lyre est« Keniniour ». Les premières lyres égyptiennes sont de forme asymétrique. Leur caisse de résonance en bois, rectangulaire ou trapézoïdale présente souvent une découpe en demi-cercle au niveau de leur partie supérieure. Leurs bras, en général galbés, supportent une traverse inclinée. Les montants se terminent souvent en tête de bouquetins ou de cheval et les extrémités de la traverse se métamorphosent en col de canard4 ou en fleurs. 3 Peuple de l'Orient Ancien, originaire selon toute vraisemblance des montagnes du Zagros. 4 Il est très probable qu'un «dieu-oie» possédant de nombreux rapports avec la musique ait existé. Or, la uploads/s3/ sae-mem-72.pdf
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- Publié le Apv 11, 2021
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