Tchat avec un prof L'art FICHE DE COURS Introduction : Pour introduire ce cours

Tchat avec un prof L'art FICHE DE COURS Introduction : Pour introduire ce cours sur l’art, nous allons parler du procès original qui s’est ouvert durant l’année 1927. Le plaignant, Edward Steichen, est un collectionneur américain souhaitant importer un objet aux États-Unis, mais il refuse de s’acquitter de la taxe douanière à la frontière. Pour se justifier, il affirme que l’objet qu’il transporte est une œuvre d’art, car la réglementation veut que toute œuvre d’art soit exonérée de ces taxes. L’objet en question est une sculpture nommée Oiseau dans l’espace ayant été fabriquée par le sculpteur américain Constantin Brancusi en 1923. Malheureusement, l’État américain ne voit pas l’Oiseau de Brancusi du même œil. Pour lui, cet objet ne peut pas prétendre au statut d’objet d’art et doit donc être taxé. Edward Steichen refuse alors cela et intente un procès à l’État américain : il est persuadé de pouvoir convaincre L'art le jury qu’il s’agit d’une authentique œuvre d’art. Ainsi, l’intérêt de ce procès dépasse le seul enjeu économique. Le tribunal doit certes trancher si Steichen doit payer, ou non, la taxe douanière, mais une dimension philosophique entre aussi en jeu. En effet, ce procès nous donne accès à une réflexion sur l’art : l’Oiseau de Brancusi bouscule les consciences en nous poussant à nous interroger. Quels critères justifient d’accorder un statut d’œuvre d’art à un objet ? Cette question sera le fil conducteur de ce cours. Nous verrons d’abord en quoi la fabrication d’un objet d’art nécessite l’usage d’une technique particulière, comme tout autre objet. Puis nous comprendrons ce qui permet de distinguer la fabrication artistique des autres productions et ce qui permet de spécifier l’objet d’art par rapport à l’objet quelconque. Enfin, nous étudierons comment certains objets d’art du XXe siècle ont révolutionné l’idée que nous nous faisions de l’œuvre artistique. 1 Qu’est-ce qu’une œuvre d’art ? Comment est-il possible que l’urinoir de Marcel Duchamp ne soit plus considéré comme un objet banal, mais comme une œuvre d’art ? a Les règles de l’art L’étymologie À retenir En grec, « art » se dit tékhnê. L’origine grecque assimile donc l’art et la technique. Définition Technique : Selon Aristote, la « technique » est « une disposition à produire accompagnée d’une règle vraie ». Le mot évoque la même idée d’« habileté » et de règles précises dans un domaine de compétence (cela peut être un savoir, un art ou un métier). À première vue, pratiquer un art consiste donc à suivre un ensemble de règles déterminées à l’avance, en vue de produire un objet. L’habileté artistique et l’habileté artisanale Considérant ce que nous venons de voir, un cordonnier compétent et habile fabrique une chaussure en suivant des règles de fabrication qu’il connaît et maîtrise, ou par exemple cette statue grecque nécessite la maîtrise parfaite du bronze. Imaginons un instant que cette œuvre ait été réalisée sans connaissances, ni maîtrise technique : elle résulterait alors de simples coups de marteau donnés aléatoirement. Cette idée est-elle envisageable ? Il faut admettre que toutes les caractéristiques de la statue, que ce soit sa symétrie, son harmonie, ses proportions parfaites, sont le résultat d’une technique exceptionnelle. Cette statue a demandé un travail long et fastidieux. À retenir À ce stade de la réflexion, nous pouvons dire que l’habileté technique produit un objet artistique ou un objet banal de la même façon, c'est-à-dire en suivant des règles de fabrication. Pendant le procès dont nous parlions en introduction, l’acheteur Edward Steichen est interrogé sur la fabrication de la statue Oiseau dans l’espace. Voici ce qu’il en dit : « Lorsque le bronze est sorti de la fonderie, il ne présentait qu’une très vague ressemblance avec cette chose, et c’est alors qu’avec des limes et des ciseaux M. Brancusi a taillé et travaillé cette pièce de bronze… J’ai vu ce bronze-ci au cours du processus, alors qu’il n’était qu’à moitié limé et faisait le double de sa taille actuelle. » Steichen admet que l’oiseau est un objet qui nécessite avant tout une grande maîtrise technique. Il reconnaît ainsi un point commun entre tous les objets manufacturés. Une question se pose alors : en quoi l’objet d’art se distingue-t-il d’un objet banal ? Pourquoi une statue n’a-t-elle pas la même valeur artistique qu’un objet quelconque, de décoration par exemple ? b Les spécificités de l’œuvre d’art L’objet d’art ne sert à rien À retenir L’objet d’art et l’objet banal n’ont pas la même finalité, le même but. En effet, un objet d’art peut n’avoir aucune utilité pratique ou immédiate, contrairement aux objets de notre quotidien qui répondent à nos besoins. ➜C’est pourquoi on peut dire qu’il existe des « règles » de l’art. Myron pourrait ainsi en énumérer un certain nombre à suivre, pour que l’on puisse réaliser une aussi belle statue. Une casserole, un livre ou un doudou ont tous la capacité de répondre à nos besoins, que ces derniers soient matériels, intellectuels ou affectifs. Alors que l’objet d’art, lui, ne répond à aucun besoin. L’objet d’art produit le sentiment du beau L’objet d’art produit le sentiment du beau, voilà une deuxième différence par rapport aux autres objets. À retenir Un objet d’art nous élève de manière fulgurante ou progressive vers le spirituel, vers un plaisir de l’esprit. De plus, il déclenche une émotion esthétique en produisant le sentiment du beau. Lorsque nous regardons une casserole, un livre ou un dodo, on ne peut pas dire que l’on soit saisi d’une jouissance intellectuelle extrême. Nous pouvons toutefois être séduit par l’objet, par sa forme, sa couleur, sa matière, etc. Or, cela n’a rien à voir avec l’émotion esthétique ressentie au contact d’un objet d’art. À retenir Jusqu’au XIXe siècle, on considère qu’un objet est une œuvre d’art parce que sa beauté procure une émotion esthétique, et plus l’artiste imite le réel, plus son œuvre est belle. La beauté de l’athlète de Myron tient ainsi à sa ressemblance parfaite avec un lanceur réel. ➜Sauf peut-être le besoin de s’exprimer pour l’artiste. ➜De ce fait, nous pouvons nous demander à quoi cette émotion esthétique si particulière tient-elle ? Une œuvre d’art inaugure des règles nouvelles de fabrication La troisième différence entre objet d’art et objet quelconque tient au fait que l’objet d’art inaugure des règles nouvelles de fabrication. À retenir Seul l’artiste a la capacité de produire un objet beau. L’ouvrier reproduit des objets utiles ; l’artisan reproduit des objets utiles et jolis. En plus de maîtriser parfaitement la technique spécifique à l’objet qu’il fabrique, l’artiste est capable de créer de la beauté. Pour illustrer cette troisième différence, voici un extrait du compte-rendu du procès de Steichen : « STEICHEN — Un ouvrier ne peut pas créer la beauté. JUGE — Vous voulez dire qu’un ouvrier de premier ordre, muni d’une lime et d’outils à polir, une fois coulée cette pièce […], serait incapable de la polir et d’arriver au même résultat ? STEICHEN — Il pourrait la polir mais il ne pourrait la concevoir. Toute la question est là. Il ne peut concevoir ces lignes particulières qui lui confèrent cette beauté unique. C’est cela la différence entre un ouvrier et un artiste ; il ne conçoit pas comme le fait un artiste. JUGE — S’il était capable de créer, il cesserait d’être ouvrier pour devenir artiste ? TÉMOIN — C’est exact : il deviendrait artiste. » Si l’artisan suit des règles de fabrication, l’artiste utilise les règles de la technique pour maîtriser et produire la beauté. Par exemple, un cordonnier applique les règles qu’il tient de son formateur ce qui lui permet de fabriquer une bonne chaussure, pratique et jolie. Cependant lorsque des chaussures sont créées par des artistes de haute couture, on appelle cela de l’art et non plus de l’artisanat. À retenir L’artiste conçoit et invente les règles, ce qui donne à son objet un caractère unique. Une œuvre d’art possède une beauté singulière. Kant nomme ainsi génie cette capacité à inventer des règles nouvelles de fabrication. De ce fait, une personne de génie invente les règles de fabrication d’un objet au moment où elle le crée : ces règles n’existaient pas avant. Une œuvre d’art mobilise une technique de fabrication comme n’importe quel objet, mais ce qui la distingue d’un objet ordinaire, c’est sa fonction et l’intention de celui qui la réalise. L’objet d’art n’a pas d’utilité pratique : l’intention de celui qui le produit est d’inventer une beauté unique représentant au mieux le réel qui nous entoure. c La transgression des règles de l’art : l’affaire Brancusi L’Oiseau de Brancusi répond-il à ces critères ? Selon les juges ce n’est pas le cas puisque le statut d’œuvre d’art lui a été dans un premier temps refusé. Les arguments de la défense Selon l’avocat de la défense, la sculpture de Brancusi n’est pas une œuvre d’art car pour lui, elle ne ressemble pas à un oiseau en vol. Par conséquent, elle est dépourvue de beauté. Steichen répond que la beauté de cet oiseau ne repose pas sur l’imitation du réel, mais sur une impression uploads/s3/ cours-philo-l-x27-art.pdf

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