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www.webdeleuze.com LES COURS DE GILLES DELEUZE www.webdeleuze.com Anti Oedipe et Mille Plateaux > 03/05/1977 > Sur la musique Richard Pinhas : J’ai une série de questions qui partent d’un domaine très précis, le domaine musical, mais qui débouchent sur des problèmes beaucoup plus généraux, et j’aimerais avoir, si possible, des réponses d’ordre général et non spécialement axées sur la musique. Je pars de ce qui est le plus facile pour moi. La première question porte sur un problème de temps. Il m’a semblé qu’ il y avait deux types de temps prédominants, principaux, enfin deux catégories qui s’appellent Chronos et Aion; je suis parti sur une «réflexion» sur les positions de l’école sceptique. En gros, ils disent que le temps, n’étant ni engendré ni inengendré, ni fini ni infini, le temps n’existe pas. C’est une forme de paradoxe, et il se trouve qu’à un autre niveau, dans certains livres, on retrouve une certaine forme de paradoxe alliant deux formes de filiations : au niveau du temps, il y a une partie issue d’Aion et une partie issue de Chronos, et le type de paradoxa, ce serait les positions du philosophe qui s’appelle Meinong, qui arrive à des paradoxes de type : carré-rond, matière inétendue, perpetuum mobile, des choses comme ça. Ce que je me demandais, c’est : est-ce qu’on ne peut pas assister - et j’ai l’impression que dans certaines procédures musicales, on y assiste, peut-être peut-on le généraliser ou au moins le retrouver dans d’autres domaines - à une espèce de processus que j’appelle pour l’instant processus de métallisation, un processus métallique qui affecterait par exemple les synthèses musicales répétitives, et qui serait une espèce de mixte (bien sûr, il reste à définir cette notion de mixte), et où on aurait un temps qui serait à la fois continu et vénementiel, qui serait à la fois de l’ordre du continuum, qui serait ou qui, plutôt, à certains égards, recouvrirait -, et je le vois comme une forme très particulière de l’Aion -, ce serait une forme mixte non barbare car ce serait une forme singulière définir, et qui serait à la fois issue d’une lignée ininterrompue, de quelque chose qui n’est pas de l’ordre de l’événement, qui serait peut-être à rapprocher de l’ordre chronologique, et qui, d’un autre côté, serait propre au temps stoïcien, c’est à dire à la ligne infinitive et à une forme vide du présent ? Je voulais savoir si on pouvait trouver cette forme de mixte. C’est un mixte qui se situerait du côté de l’Aion, mais qui serait une qualification très singulière de l’Aion. Et j’ai l’impression, au niveau de la musique, que l’on retrouve ce temps dans un temps pulsé, ce qui est paradoxal, donc un temps pulsé du côté de l’Aion, qui se baladerait comme ça sur une ligne infinitive, et que ce temps pulsé, par une série de déplacements extrêmement forts, je pense particulièrement à la musique de Philip Glass, déplacement continu par exemple au niveau des accentuations, ce déplacement arriverait à produire une dimension de plus. On peut l’appeler comme on veut : une dimension de + I, une dimension de surpuissance, une dimension de sureffectuation ... d’effectuation extrêmement puissante qui serait bien plus intéressante à www.webdeleuze.com certains égards que la notion de temps non pulsé qui, elle a priori, se situerait du côté de l’Aion. Donc, à partir de ce mixte ou de cette espèce d’interface entre des temps différents, entre des lignes d’effectuation connexes et différentielles, on assisterait à l’innovation de cette espèce de temps, qui est une forme particulière de l’Aion, et qui emprunte des éléments à un temps chronologique. Dans la même idée, j’ai l’impression que, à partir de ce temps pulsé, qui s’oppose directement au temps non pulsé dont parle Boulez, et toute une école musicale, j’ai l’impression que c’est à partir d’une certaine forme de temps pulsé (bien sûr, il y a certaines restrictions), que l’on arrive à voir s’effectuer des mouvements de vitesse et de lenteur et des effectuations différentielles extrêmement importantes. C’est à partir d’une certaine forme de temps pulsé - et non pas à partir d’un temps non pulsé - (on pourra trouver bien sûr des exemples contradictoires) qu’on va trouver des exécutions de mouvements de vitesse et de lenteur et des différentielles bien plus importantes que dans la musique non pulsée. Une fois de plus, je pense à la musique de Philip Glass, et de certains Anglais, ils font de la musique répétitive métallique, ils jouent vraiment sur des séquences, sur des variations de vitesses à l’intérieur de ces séquences, sur des déplacements d’accents toujours à l’intérieur de ces séquences, et qui, au niveau de toute une pièce musicale ou bien de tout un diagramme, ils vont faire varier les vitesses des séquences, ils vont produire des interférences ou bien des résonances, pas seulement harmoniques, mais des résonances de vitesses entre des séquences qui vont s’écouler au même moment, à des vitesses différentes, au besoin ça sera la même séquence qui sera accélérée ou bien ralentie, réduite, puis superposée l’une à l’autre. Il y a de nombreux mouvements possibles. Paradoxalement aussi, ce jeu sur les vitesses, qui est extrêmement intéressant, cette effectuation de mouvements de vitesses, on va les retrouver du côté d’un certain temps pulsé, à repérer du côté de l’Aion. C’est la première question : peut-on voir ailleurs que dans la musique, surgir ce type de temps mixte, quelle peut être la valeur et l’efficace de ce type de mixte ? Gilles Deleuze : Tu as introduit un mot qui, je suis sûr, a intrigué tout le monde : synthèse métallique. Qu’est-ce que c’est que ça ? Richard : C’est uniquement le nom que j’aimerais donner à cette forme de temps. Gilles : T’appellerais ça synthèse métallique ? Richard : Je l’appellerais plutôt forme métallique de l’Aion. C’est un Aion métallisé. C’est un nom qui a été revendiqué par cette musique là et c’est un nom qui collerait bien avec cette espèce de mixte. Métallique est un terme qu’on retrouve souvent. La deuxième chose qui m’intéresse vient du problème que soulève toute une école musicale, en lisant le livre de Schoenberg, on s’aperçoit qu’il adopte un certain point de vue. On retrouve d’ailleurs les mêmes thèmes de Schoenberg à Boulez, les mêmes thèmes théoriques : bien sûr, c’est l’apologie de la série, de la structure, de tout un tas de choses que nous aimons beaucoup ici, et les relations entre éléments (discrets), c’est le point de vue du structuralisme en musique, je dis ça très grossièrement. Ce qui paraît extrêmement important, c’est que Schoenberg semble construire sa musique à partir d’un terme qu’il emploie lui-même, il emploie beaucoup de termes très freudiens : il appelle sa musique un système de «construction», il explique que ce qui importe, ce sont les problèmes de formes, en gros les affections de ces formes, la variété des formes, des images, des dessins, des thèmes, des motifs et des transformations. Par rapport à ce système de la construction qu’on pourrait opposer à la notion complexe d’agencements, celle-ci relève d’un autre point de vue, d’une tout autre perspective, dans un www.webdeleuze.com agencement par exemple, les sons vaudraient pour eux-mêmes, etc ... Ce système de la construction repose sur le procédé de la «variation». Depuis Schoenberg jusqu’à Boulez, ces compositeurs contemporains utilisent un procédé qui s’appelle la variation et qui va permettre de trouver une nouvelle forme d’articulation entre les séquences ou les séries musicales. Ce qui est extrêmement intéressant, c’est que ce procédé de la variation fonctionne à l’aide de deux opérations que Schoenberg appelle lui-même la «condensation» et la «juxtaposition». Ces deux notions, comme celle de construction, trouvent une bizarre résonance dans la théorie psychanalytique, sous la forme du déplacement et de la condensation, ou de la métaphore et de la métonymie. Je dis ça uniquement pour essayer de cerner rapidement ce type de musique qui exclut d’entrée de jeu les lignes de force, la complexité rythmique, les systèmes d’accentuations, les résonances harmoniques, la valeur du son pris pour lui-même, la répétition comme principe positif, le travail sur le son, les compositions hors unité structurale, etc. La grande hantise de Schoenberg, c’est la répétition. C’est ça qu’il rejette avant tout. Les intervalles, les séquences, ce qu’il appelle lui-même les «cellules», le problème est celui des transitions. Pour lui, il existe deux écoles : il y a ceux qui procèdent par variations, il s’en réclame, et il y a ceux qu’il n’aime pas et qui procèdent par juxtapositions ou bien par répétitions simples. On voit que, dans un cas comme dans l’autre, ce sont deux types d’écriture ou de composition qui répondent à quelque chose, qu’on appellerait ici un plan de fondement, et une effectuation de lignes codées à segments. A ce type de composition, il me semble que les musiciens de la musique métallique, «ceux que j’aime», procèdent par un tout à fait autre mode qui autorise, c’est un mode diagrammatique de composition qui autorise logiques séquentielles, un traitement des sons, des variables uploads/s3/ deleuze-anti-oedipe-et-mille-plateaux.pdf

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