Frederico M. Requena L’Œuvre de l’Amour Miséricordieux en France Traduit de l’e

Frederico M. Requena L’Œuvre de l’Amour Miséricordieux en France Traduit de l’espagnol par Sr Pascale-Dominique Nau Chapitre 1 de l’original : Federico M. Requena. Católicos, devociones y sociedad durante la dictadura de Primo de Rivera y la Segunda Repûblica. La Obra del Amor Misericordioso en Espana (1922-1936) Madrid, Editorial Biblioteca Nueva, 2008. Sommaire Introduction Marie-Thérèse Desandais Le Sacré-Cœur, la spiritualité « Visitandine » et sainte Thérèse de Lisieux dans la France de Marie-Thérèse Desandais Marie-Thérèse Desandais et les débuts de l’« Œuvre de l’Amour Miséricordieux » Le Trésor caché : début des écrits sous la « dictée divine » (1902) L’image de l’Amour Miséricordieux (1904) Nouveaux écrits (1917) - Étincelles. Présence de Thérèse de Lisieux Conclusion Introduction Les origines de l’« Œuvre de l’Amour Miséricordieux » se situent en France, dans les premières années du 20e siècle, et concrètement dans les écrits de Marie-Thérèse Desandais (1876-1943), religieuse française de l’Ordre de la Visitation au monastère de Dreux. Elle fut l’auteur de l’image du Christ Amour Miséricordieux et des opuscules, publiés par centaines de milliers d’exemplaires sous le pseudonyme de Sulamitis, firent connaître l’Amour Miséricordieux au monde entier dans les années 1920 et 1930. Marie-Thérèse Desandais faisait partie d’un groupe de figures qui, en Europe entre les deux guerres, diffusaient le message de la miséricorde de Dieu. La plus connue de ces figures est sans doute aucun la religieuse polonaise Faustine Kowalska ; mais elle n’était pas seule. Marie-Thérèse Desandais, qui se considérait chargée de continuer la mission de Marguerite- Marie Alacoque et celle de Thérèse de Lisieux, propagea un message vigoureux de renouvellement spirituel, adressé aux catholiques de son temps. L’« Œuvre de l’Amour Miséricordieux » se présentait à son époque comme la véritable dévotion au Sacré-Cœur réclamée par les temps nouveaux et comme l’instrument pour revitaliser toutes les dévotions catholiques et hâter ainsi le règne du Christ. Le Pape Pie XI (1922-1939) eut l’occasion de connaître et de bénir l’« Œuvre » en diverses occasions. De plus, dans les années 1920 et 1930, beaucoup de personnes en Espagne connaissaient et appréciaient les écrits de Mère Marie-Thérèse. Des théologiens, comme le dominicain Juan Gonzalez Arintero – qui avec sa revue La Vida Sobrenatural se fit son premier grand promoteur – et des pasteurs, comme le jésuite José María Rubio, le nonce d’Espagne, Frederico Tedeschini, même des fillettes comme la Vénérable María del Carmen Gonzalez- Valerio, des fondateurs, comme S. Josemaría Escrivá ou la Vénérable Mère Espérance de Jésus, des mères de famille comme Juana Lacasa – une de ses plus actives propagandistes – ; enfin, beaucoup, depuis les aristocrates jusqu’aux domestiques, trouvaient dans l’Amour Miséricordieux une exposition vigoureuse de l’Évangile. Au long des pages qui suivent apparaîtront bon nombre d’évêques, de prêtres séculiers, de religieux et de laïcs qui, de diverses manières, ont fait partie de l’histoire de l’Amour Miséricordieux en Espagne. La richesse du message et l’ampleur de sa diffusion font de l’Œuvre de l’Amour Miséricordieux un objet d’étude intéressante pour l’histoire religieuse de l’Espagne contemporaine. Néanmoins, jusqu’à présent, aucune monographie n’en a traité. La plupart des études réalisées jusqu’à aujourd’hui sont des introductions ou bien se concentrent sur des aspects partiels. Il faut mentionner, en premier lieu, les pages consacrées à l’Œuvre de l’Amour Miséricordieux dans les trois biographies du Père Arintero, respectivement d’Adriano Suarez (1936), Arturo Alonso Lobo (1970), et Armando Bandera (1992). Ce dernier, pour rédiger son ouvrage, a pu se servir de la première étude monographique sur l’« Œuvre de l’Amour Miséricordieux », encore inédite, de l’italien Antonio Garafalo (1983). D’autres études sur l’Amour Miséricordieux ont paru dans la revue La Vida Sobrenatural, grâce à Arturo Alonso Lobo (1982 et 1983), María Jesús Muñoz Mayor (1989 et 1992), Alicia García Bellido (1997 et 2002) et Pedro Fernandez (1999). Enfin, on pourrait encore citer l’ouvrage qui a précédé de peu le nôtre, La « Obra del Amor Misericordioso » (1922-1936). Sociabilidad y espiritualidad en la España contemporánea (2002), qui inspira divers articles parus entre 2003 et 2004. C’est un fait que, pour le moment, l’Amour Miséricordieux reste encore presque inconnu dans les synthèses sur la vie spirituelle et religieuse de l’Espagne contemporaine. Il n’a certainement pas été facile de présenter une synthèse simple de ce que l’« Œuvre de l’Amour Miséricordieux » voulait être et de ce qu’elle devint en réalité. L’histoire montre qu’il y eut, depuis son origine jusqu’à sa disparition, une tension permanente entre ces deux pôles. Précisément l’étude de la tension entre les « messages » de Marie-Thérèse Desandais sur la nature de l’« Œuvre » et les tentatives successives de ses collaborateurs d’en faire une organisation ou institution, constituent un des fils conducteurs du présent ouvrage. En théorie, l’Amour Miséricordieux n’eut jamais la prétention de devenir une dévotion nouvelle et, encore moins, à être une œuvre nouvelle. L’« Œuvre » voulait se rendre présente auprès de toutes les dévotions et dans toutes les œuvres catholiques pour les revivifier. Cependant, entre 1922 et 1936, les efforts pour donner vie à l’« Œuvre de l’Amour Miséricordieux » eurent des résultats divers, principalement à cause des différentes personnes qui, en tout moment, s’occupaient de l’orientation des écrits de la Visitandine française et de leur diffusion. En effet, durant ses deux décennies d’existence, l’« Œuvre » prit les traits d’un mouvement dévotionnel, semblable à l’Intronisation du Sacré-Cœur dans les foyers ; à d’autres moments, elle se présenta comme une Bibliothèque doctrinale et spirituelle, inspirée par des modèles allemands ; pareillement, à certains moments, elle semblait vouloir s’identifier avec une association de formation et de vie chrétienne, avec des traits qui la rapprochaient aux congrégations religieuses. Avec la présente étude de l’« Œuvre de l’Amour Miséricordieux », qu’il faudrait considérer comme microscopique étant donné son objet, nous avons voulu ouvrir une fenêtre sur le monde religieux et spirituel européen des années 1920 et 1930. L’histoire de l’« Œuvre » permet de se rapprocher et mieux connaître les mentalités, us et coutumes en vogue à cette époque dans certains milieux catholiques. *** On peut étudier l’histoire de l’Amour Miséricordieux de trois points de vue : les dévotions, la littérature spirituelle et l’associationnisme catholique avec des visées spirituelles et formatives. Pour effectuer l’analyse avec ce triple perspectif et découvrir ses potentialités, l’étude du développement de l’histoire religieuse en France depuis 1880 a été d’un intérêt particulier. Les travaux de Viguerie (1983) et de Mayeur (1995) ont permis une appréciation générale de l’importance que l’histoire de la vie spirituelle peut avoir pour l’histoire religieuse, sociale et politique. Les études de Dompnier (2000) ont aidé à orienter la recherche sur les dévotions, du point de vue de leur circulation. Les travaux de Savart (1985) et de Martin (2001) offrent des pistes intéressantes sur la richesse du livre religieux comme source historique. Enfin, les travaux de Lagrée (1997) et de Boutry (1998) proposent aussi des idées pour l’étude de l’« Œuvre de l’Amour Miséricordieux » dans la perspective de la socialisation. Nous considérons attentivement chacune de ces trois perspectives : la circulation des dévotions, le livre de piété et la socialisation religieuse, qui ont déterminé aussi bien la manière d’aborder les sources que la structure du récit sur l’« Œuvre » en Espagne. Comme Bernard Dompnier l’a montré, l’historiographie religieuse française récente s’est intéressée à l’étude des dévotions du point de vue de leur circulation. Pour Dompnier, les dévotions, comme objet historiographique, présentent une série de traits qui en font une voie particulièrement valide pour structurer la recherche dans le domaine des mentalités religieuses. L’étude des dévotions permet, selon cet historiographe français, de dépasser le niveau des attitudes et de rejoindre des itinéraires spirituels plus profonds. Pour cette raison, il voit en elles « la meilleure expression des désirs des fidèles dans le catholicisme moderne et contemporain ». La liberté des dévotions pour définir leurs propres règles, leur tendance à passer de la pratique individuelle à la pratique collective et la recherche de la reconnaissance de part des autorités ecclésiastiques ainsi que la tendance à se cristalliser dans une liturgie, au départ privée et ensuite étendue à toute l’Église, nous permettent d’étudier les dévotions du point de vue de leur circulation. Il faut signaler toutefois que Dompnier entend la notion de circulation avec toutes ses acceptions, y compris, bien sûr, géographique, mais aussi les dimensions culturelle et sociale. Ainsi, l’étude de la circulation des dévotions révélerait, d’un côté, les mutations du sentiment religieux et, de l’autre, que les limites entre elles ne sont pas très rigides et manifestent des points communs. L’étude de la circulation des dévotions doit porter, selon Dompnier, sur trois aspects : les conditions dans lesquelles ses pratiques de piété surgissent ; les gestes et les expressions qui les caractérisent ; et la diffusion de courants de sentiment religieux. Cette triple perspective, à son tour, permet de renouveler l’approche de l’ensemble des sources, en tenant compte bien sûr de la documentation relative au contenu des dévotions, comme la littérature pieuse de divulgation, mais en étendant la recherche, d’une part, aux diverses sources de propagande et, de l’autre, aux archives uploads/s3/ desandais-la-cene.pdf

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