PRÉFACE. Une église baroque à confess ionawc multiples ON a bea ucoup étudié l

PRÉFACE. Une église baroque à confess ionawc multiples ON a bea ucoup étudié l e voca b ulaire du libertinag e , ce l ui du j eu, celui de la g ue rre dam Les Liaisons dan­ gereuses, et la pe r ti nen ce de ces étud es n ' est pu à remettre en cau s e . Cepe nda nt , q ua nd on relit ce rom a n , ce qui fra p pe, c'est l'om n iprés ence du langag e reli g ie ux. Mme de M crteuil, q u i a lu la l ettre de ru p ­ ture que Cécil e a envoy ée à Dan ce ny, la trai te d e c vrai e capucina de a. La j eune fille , en cfl' et , a nnonça it qu'elle deva it renon ce r à s on a mour : c j en ai promis le sacrifi ce à Dieu , j u s qu'à ce que j e pui s se l ui o ffr ir a u ssi ce l u i de m es sentiments po ur vous , que l 'é ta t reli g ie ux dam l eq ue l vo ua êtes rend plu s crimin el s encore . ,. T oute la let tre es t s ur ce ton . c j c spè re , é cr it- elle en fi n , que la mi s éri corde divine a ur a pi ti é de ma faibl ess e , et qu'elle ne me donne ra de pe ine que ce que j 'en po urrai su ppo rter ,. ( le ttre XLIX). Céci le se conf orme a u style de sa mère , qui annonce auss i l Dance ny que s'il se perm et la moindre ten tati ve pou r voir sa fille , c une retrai t e aus t è re et é t e rn e l le la sou s­ traira à vo s po u n u itcs ,. ( lettre LXII). O n n'en &nirai t VIU pas de citer les lettres de la belle dévote; la Présidente de Tourvel, qui situe sa paûion par rapport à la reli­ gion . - ·situation. conflictuelle, certes, car la religioć condamne son amour pour Valmont; cependant êlle en vient parfois• à considérer cet amour comme un instrument · de la Providence, pour rabattre sa superbe : «Je me croyais bien sûre de n'avoir jamais de pareils combats à soutenir. Je m'en félicitais; je m'en glorifiais peut-être trop. Le Ciel a puni, cruelle­ Ĉent puni cet orgueil : mais plein de miséricorde au moment même qu'il ·nous frappe, il m'avertit encore avant la chute; et je serais doublement coupable sije continuais à manquer de prudence, déjà prévenue que .je n'ai plus de force· •.(lettre XC). ·Après la « chute •, bien entendu, le langage J.eligieux ne cessera pas d'en­ vahir ses lettres, qu'elle écrive à son amant ou à sa oonfidente, Mme de Rosemonde. · ·Plus étrange, plus· piquante l'utiUsation du vocabu­ laire religieux. par le camp des libertins. Valmont est un nouveau Tartuffe qui se sert de ce langage pour séduire. Voici le style de la .repentance, voici la conduite .de Valmont expliquée ,par ·lui-même à la Préiidente, dans des perspectives qui iont celles de la religion : • Entouré de gens sans mĉ j'ai imité leurs vices; j'ai peut-être mis .de l'aJQour-proprc à les surpasser. Séduit de même. ici par l'exemple des ver­ tus, sans- espérer de vous atteindre, . j'ai· au moins essayé de vous suivre •.(lettre-XXI II). Et comme chez Tartuf&: le vocabulaire de la religion est utilisé pour désigner l'amour même et le justifier. Mme de Tour­ vel est . • la divinité ,. que Vahnont adore; qu'elle se fasse miséric:ordieuse. Ymalcment céder à la passion de Valmont serait pour elle une œuvre de charité, IX emp&her son désespoir. La lettre que Valmont envoie . au père Anselme est un chef-d'œuvre du geprc. Il n'y est question .que de réparation, ï'humiliation. Valð mont ne cessera « jamais d'honorer celle dont le Ciel s'est servi pour ramener [son] âme à la. vertu, par le touchant spectacle de la sienne » (lettre CXX ). Il faut avoir ùn grand usage du style dévot pour parvenir à l'j.miter si bien. Valmont, comme tout homme du XVJll• siècle, a vécu dam une Culture chrétienne; il en a été imprégné dès l'enfance. Et Mme de ·Merteuil, lors-· qu'elle va voir Mme de Volanges parle « presque aussi bien qu'aurait pu faire une dévote »;elle lui dit qu'elle « se croyait sûre qû'il existait entre sa fille et Danceny une liaison dangereuse ». Elle lui demande, sur le ton d'un pieux coñseur : « Lui connaissez­ vous quelque (9rrespondance fréquente? » (lettre LXIII). . . Le romancier sait auasi prent:lre à son .proere compte le langage de la dévotion. Le titre.même qu'il donne à son œuvre et qui a certainement· un impact commercial dont il était fort . consclent; est un emprunt au vocabulaire dévot, comme le montre cette citation, COJil11l e le montre aussi l'emploi de la m@mc expressio n, à la fin du roman, dans la bOuche de Mme de Volanges : « Qui pourrait ne pas frémir-en songeant aux malheurs que peut causer.une seule liai­ son (iangereuse? ·.,. (lettre. CI.XXV) . · n est intéressan t de voir d8ns la littérature religieuse du XVJll• siècle - si mal connue, si peu explorée ....,. l'utilisation de l'ex­ pression « liaison dangereuse •·.·Laclos fait mine de justifier. son entreprise non seulement aux yeò de Ja morale. (montrer le vice pour inciter à la vertu), mais · de la religion m ê m e. Endossant donc le style de la X Préface piétéė il prétend _s'inquiéter de fopinion des dévots « les . dév<>tl se fâcheronf de vôir succomber là. vertu, et se ·plaindront que là Religion se montre avec trop peu de puissance » (Préface du Rédacteur). Un souci du mêmé ordre se 'inanüeste dans la note de la lettre LI : « Le lecteur a dû dcviiler depuis longtemps par les mœun· de Madiune de Merteuil, combien· pêu elle respectait ऐ réligiori. On aurait supprimé. tout cet alinéa, mais on a cru qu'en -tnontran.t les effets, on ne devait pas négliger d'en faire connaître les causes. ,. L'iroriie est éVidente. ·Mais pour la. nlanier avec un tel art, et à tous les rii veauX, pour subVertir à ce point le langage religieux, il faut en posséder une parfaite COlllUlÎSùl cè: Laclos n'ignoré pas 'la. thétoriquc des sermonnaires. Ce lien qui existe entre sentiment religieux et rhéto­ rique - la rhétorique permettan t une dramatisation de ce sentiment qui lui donne soume, élan, grandeur, chez Bossuef ou chez Massllion, .._ il l'utilise pour réndie plus éloquent le discours · de la passion chez Mme de Tourvel, ou celui dé la séduction chez Val­ mont ·(lettré XXIV). Interrog ations, répétitions, tous ces. effets oratoires sont· admirablement mis au· service de la forme épistolaire, à unè époque où l'éloquence ne peUfguère être que· réligieuse, en: attendant que la Révolution permette au discours politique de se déve- . lopper; · Certes, le xvm• siècle n'atteint pèutĘêtre pas dâns le doęne de l'éloquence sacrée la splendeur du XVi1• siècle; ce n'est pas pour autant qu'elle e5t morte; elle se ·développe, au c:dntraire; en harmonie avec le goût du jour, c'est•à-dire ·en faisant siens les acquis de la sensibilité. C'est l'époque où naît le ctllte du Sacré- ·eœur. · Xl Il est cependant un autre .domaine dont il .semble · que Laclos ait bien saisi les- ressources : celui de l'art saeré, statuaire. et surtout de la peinture. Le baroque, dans l'exaltation de la passion, .avait montré. comment amour sacré et amour profane se rejoignent. On pense. évidemment à l' extase de la sainte Thérèse du Bernin. On. pense aussi aux réflexions qu'inspirait au PrésiČ dent de Brosses un tableau de sainte Roicline .. La peinture religieuse autorise la représentation des états extrêmes; le thème du martyre pen:net aussi d'exalter le lien trouble qui existe entre amour et douleur; le saint - et mieux la sainte - atteignent, dans ·l'acce p Ě taûon de leur supplice, l'acmé de l'amour de Dieu. La peinture religieuse du XVIII• siècle, très marquée par le baroque auquel elle .reste peut-être plus longtemps fidèle que l'architecture vite conquise par le néo-clas­ sicisme, est un domaine beaucoup plus florissant qu'on paurraitle croire.. .·· . .· .. A plusio'11'8 . reprises Laclos suggère µn ·. tAAl eau qui est du registre de'č peinture religieuae, ains͒ celui de la lettre XXIII, pb:nenté de voyeurisme.Ď.·« jeus l'hêuď reuse ét simple idée de tenter de voir à travers la ser­ rure, et je vis en effet cette fc:,mmc adorable à genoux, · baignée de larmes, et priant· avec ferveur. Quel Dieu osait-elle invoquer? En est-il d'assez pĐt contre l'amour? » uploads/s3/ didier-be-atrice-pre-face-et-commentaire-des-liaisons-dangereuses.pdf

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