12 DIMO GARCIA Interprétations iconographiques et symboliques LE LIVRE DE POCHE

12 DIMO GARCIA Interprétations iconographiques et symboliques LE LIVRE DE POCHE 13 Cet ouvrage est publié sous la responsabilité éditoriale de l`Équipe des Études sur les arts de Ville Émard. La reproduction d`un extrait quelconque de cet ouvrage, par quelque procède que ce soit, tant électronique que mécanique est interdite sans l`autorisation écrite de la Librairie d`iconographie générale ©Recherches iconographiques de la rue Hadley. Librairie d`iconographie générale, Montréal, Canada, 2010. ISPN: N854567556546546546 - 1re publication 14 INTRODUCTION Dans notre pratique artistique, une activité collagiste conduit à l’émergence de compositions visuelles qui semblent montrer l’existence de contenus symboliques, énigmatiques et cachés. Nous avons conscience de l’existence de ces contenus et nous savons qu’ils ne sont ni fortuits ni accidentels, même si l’accident et le hasard ont participé dans une certaine mesure dans la création des travaux. Notre activité créative organise une vie fantasmatique. Chaque composition synthétise une réalité qui semble parler de notre vie émotionnelle, à travers des symboles. Nous pourrions nous restreindre ici à la dualité freudienne entre le manifeste et le latent. Pourtant, au-delà de cette dualité, nous comprenons les symboles de l’inconscient, sous l’optique jungienne, c’est-à- dire comme des produits de la nature : le psychisme fonctionne dans des conditions physiques et à travers un système neurologique naturel. Nous croyons que ce système naturel est en liaison directe avec le mouvement continu de l’univers, c’est pourquoi nous avons fait appel ailleurs à la notion d’énergie. Entre la réalité matérielle, physique, et les appels de l’esprit se noue notre activité créative. Dans la démarche pratique, c’est à travers un arrangement entre forces matérielles et spirituelles que la conception d’une image est possible. Avant tout, nous nous intéressons au sens véhiculé par les compositions produites lorsque les images permettent d’associer le temporel avec l’atemporel, l’individuel avec le collectif. C’est la raison par laquelle nous faisons référence aux archétypes. Une participation à ce qui semble être au-delà de notre réalité particulière est recouverte par la création d’images caractéristiques. Dans ce livre nous allons parler de ce que les images nous apportent au moment où elles émergent au cours de la pratique. Nous allons ainsi vers une activité de déchiffrage, de décodage. 1 Les images produites font partie d’un monde d’interrelations, d’allusions et de métaphores. L’univers de l’œuvre, le monde projeté par elle, laisse voir, à travers chaque composition, uniquement une partie. 2 1 Or, le déchiffrage de la symbolique des œuvres n’est pas une tâche facile. De plus, il est bien possible qu’amener à la conscience les contenus symboliques d’une image ne soit pas, pour l’artiste, une activité nécessaire. Parfois, face au sens caché de l’image, se pose la question de savoir si la peinture provoquerait un processus de refoulement et non de libération. Ou bien un double mouvement : l’un vers ce qui a des rapports avec un exorcisme libérateur et l’autre qui nous enfonce, constamment, vers des signes obscurs, pour les étudier, afin d’aller vers une plus grande clarté intérieure. 15 Entre un tableau et un autre, nous circulons toujours dans une lecture fragmentaire. C’est toujours à travers une réflexion spéculative que nous avons l’aspiration de comprendre l’articulation des contenus possibles des différents travaux. 3 Nous parlons ici de la recherche d’une logique intérieure, logique de divisions et subdivisions, tel un retable gothique en constante formation. Sur la peinture du XVe siècle, Craig Harbison note : « L’œuvre fonctionne comme une espèce de puzzle symbolique ; le symbolisme complexe qu’elle illustre, et qui apparaît dans la composition fragmentaire, était une préoccupation caractéristique des artistes du Nord. » 4 Dans la quête d’un principe intégrateur, le travail de collage par puzzle incarne une activité psychique en mouvement constant. Nous poursuivons cependant l’intégration des œuvres par la voie d'une non contradiction. Il y a, en effet, dans la création des images, une condition étrangère aux contradictions, celle de l’inconscient, car elle permet de dépasser les difficultés de tout enchaînement rationnel ou temporel. Nous allons prendre ici le rôle d’un narrateur qui raconte ce qui pourrait être intrinsèque aux compositions créées. C’est une description mettant en rapport images et idées. Néanmoins, le sens s’enfuit constamment. L'explication de la signification des symboles n'est jamais accomplie dans sa totalité, ce qui ferait de l’image un endroit fossilisé et inopérant. L’activité interprétative implique toujours la mise en évidence d’une multiplicité de sens car les symboles ne se réduisent pas à une conceptualisation unidimensionnelle. Le commentaire suggestif doit tenir compte de la polyvalence de significations et des correspondances entre les images représentées. Notre intérêt est ici herméneutique : il tend vers une considération pluridimensionnelle, ce qui peut s’effectuer uniquement dans les termes d’une conscience poétique. 2 Georges Didi-Huberman étudie l’œuvre de Fra Angelico dans les termes de la peinture comme exégèse : « Il n’y a pas, dans l’art de Fra Angelico, qu’une simple rhétorique de la prédication destinée à inculquer les vérités chrétiennes fondamentales aux laïcs florentins du XVe siècle. Il y a aussi cette exigence d’une “ mémoire du mystère ”, exigence qui se manifeste au plus haut point dans les fresques de San Marco : alors, la peinture porte ses moyens à l’extrême de la concision figurative, méditant les saintes Écritures au-delà même de toute iconographie au sens classique. En cherchant à toucher “ l’œil spirituel ”, en cherchent à se donner comme un Giordino di Orazione (genre d’ouvrage fort médité à cette époque), la peinture d’Angelico se démontre alors comme un très subtil champ d’exégèse. »… « Fra Angelico se sera attaché, toujours, à dépasser la simple image, la simple représentation des motifs ; et, selon le système canonique de la pensée exégétique, il aura cherché, par-delà chaque histoire (historia), à indiquer une leçon morale (tropologia), une vérité doctrinale (allegoria) et même un support de l’élévation mystique (anagogia). »… « Pour le peintre – prêtre, les figures étaient des signes exégétiques, des signes de mémoire ou de préfiguration… » DIDI-HUBERMAN George, « Fra Angelico » dans Dictionnaire de la Renaissance, Encyclopaedia Universalis et Albin Michel, Paris, 1998, pp. 34-35. 3 L’entrecroisement des contenus du travail dans le monde symbolique du créateur s'explique par le désir constant d’intégration de différentes parties d’une totalité. 4 HARBISON Craig, La Renaissance dans les pays du Nord, Flammarion, Paris, 1995, éditions originale : The art of the northern Renaissance, traduit de l'anglais par Dennis Collins, pour l'édition française p. 119. 16 Ceci nous rappelle le lyrisme sensible de Gaston Bachelard, lorsqu’il décrit vivement les caractéristiques cosmiques des quatre éléments. En effet, le style poétique de Bachelard pourrait se constituer ici comme un référent de notre démarche théorique..5 Les idées qui accompagnent chaque image, étant une interprétation symbolique et poétique des peintures, ne prétendent pas à être exhaustives. Nous avons décrit ici simplement ce qui, à plusieurs reprises, vient à notre esprit face aux tableaux créés. 5 Maintenant, à partir de ce qui vient d’être dit et à travers une méditation qui s'incline toujours vers l’émotif, nous allons considérer quelques aspects iconographiques des œuvres. 17 TRIPTYQUE DU PARADIS Triptyque du Paradis, huile sur lin, 150 x 325 cm, 2004-2005. Ce travail comporte trois grands panneaux et a été l’une de premières œuvres que nous avons composées par collage et par projections d’images sur une surface. 18 Il comporte trois figures centrales, verticales, chacune sur un panneau. Dans la partie gauche, une jeune femme se tient debout au sommet d’une montagne et dirige son regard vers l'abîme, le fond ténébreux et obscur, vu de sa hauteur. 6 Sa main droite est éclairée par le Saint Esprit qui représente la partie communicative de la Trinité. Selon la tradition, l’esprit, opposé à la chair, est ici le symbole de la pureté, de la patience et de l’acceptation. L'ange à droite de la figure est représenté sous les traits d’un enfant. Il regarde vers le haut et symbolise l’innocence. 7 En tant que présence éthérée et aérienne, il est le messager, intermédiaire entre le terrestre et la divinité chrétienne. Dans cette image, l’ange évoque l’idée de la sublimation des pulsions et des passions. Il est un signe d'avertissement et un messager du sacré. A l'arrière, un courant d’eau se déverse et continue son chemin sur les deux autres panneaux, inondant la vallée. C’est une rivière calme. Triptyque du Paradis, huile sur lin, 150 x 325 cm, 2004-2005. Genèse II, 10-14 : « Un fleuve sortait d’Éden pour arroser le jardin et de là se divise pour former quatre bras. Le premier s’appelle Pishôn : il contourne tout le pays d’Havila ; où il y a de l’or ; l’or de ce pays est pur et là se trouvent le bdellium et la pierre de cornaline. Le deuxième fleuve s’appelle Guihôn : il contourne tout le pays de Kush. Le troisième fleuve s’appelle le Tigre : il coule à l’orient d’Assur. Le quatrième fleuve est l’Euphrate. » 8 6 Il convient de citer ici l’idée suivante de Marie Lievens : « les Primitifs flamands peuvent aussi exprimer l’idée d’élévation spirituelle d’une manière qui leur est propre et qui passera ensuite en Italie. Dans uploads/s3/ dimo-garcia.pdf

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