1 Centre Saint- Charles, Ecole des Arts de la Sorbonne Théorie de la pratique a

1 Centre Saint- Charles, Ecole des Arts de la Sorbonne Théorie de la pratique artistique Maud Maffei Agathe MORILLON 12001461 Refik Anadol L’ontologie friable des arts post-numériques 2 Table des matières Introduction ................................................................................................................................................. 3 I) “Unsupervised”, une collection d’œuvres caractéristiques du travail de Anadol Refik ....................... 4 a) Mise en situation: explication du processus de création de la collection “Unsupervised” ............ 5 b) L’objectif de “Unsupervised” : élever la technologie au service de la poésie ................................. 9 II) “Unsupervised”: une œuvre à ontologie friable .................................................................................. 11 a) La place réduite de l’artiste dans la création ................................................................................... 11 b) La remise en cause d’un facteur d’art par excellence: l’exposition ................................................. 12 c) La reproductibilité illimitée des NFTs et la disparition du facteur d’art de l’aura ........................... 17 III) Comment les peintures de données de Refik Anadol conservent-t-elles malgré tout leur statut d’œuvre d’art? ........................................................................................................................................... 18 a) Dématérialisation: l’œuvre comme idée et non comme objet.......................................................... 19 b) Re-auratisation de l’art virtuel ........................................................................................................... 20 c) Anadole Refik, artiste emblématique de l’évolution de l’Esthétique ............................................... 21 Conclusion ................................................................................................................................................... 22 Bibliographie ............................................................................................................................................... 24 Sitographie .................................................................................................................................................. 25 3 “Le proche avenir nous apportera autre chose qu'une culture hybride dans laquelle valeur de culte et valeur d'exposition se développeront dans un jeu de plus en plus complexe. Une culture, en d'autres termes, qui ressemble au présent, mais non sans une petite différence qui mérite d'être discutée : une émancipation de la copie de visionnement, qui se traduit par un circuit de distribution différent à côté de celui des éditions limitées”1. Du 19ème siècle à l’art contemporain, l’ontologie de l’œuvre d’art se voit continuellement questionnée. De la reproduction mécanique du Cinématographe à l’entrée en musée des Indiscernables, en passant par la sortie de l’œuvre d’art des institutions avec notamment l’arrivée des pratiques furtives, du Land Art ou encore la disparition du socle et du lieu en sculpture, les facteurs d’art sont voués à disparaitre, ou plutôt à changer. Alors que la crise ontologique de l’œuvre semble avoir touché le fond, voilà que l’ère post-numérique dans laquelle nous entrons vient remettre en cause un facteur encore intouché de l’œuvre d’art: son existence dans le monde “réel”, “formel” . Un antonyme de “réel” est ici “virtuel”: en effet, l’ère post-numérique - qui doit s’entendre comme une maturité de la Révolution numérique - voit naitre des nouvelles technologies telles que l’intelligence artificielle, la réalité virtuelle, le Web3 décentralisé grâce à la blockchain, la cryptomonnaie, les NFTs (Non Fongible Token), ou encore les metavers, permettant ainsi la naissance d’un monde virtuel autonome au sein duquel vivent les œuvres d’art. Le mouvement CryptoArt se développe de jour en jour à partir d’œuvres numériques liées à une technologie blockchain sous la forme de jetons non fongibles. Refik Anadol, né en 1985 à Istanbul, artiste pionnier du mouvement, expose actuellement une de ses collections d’œuvres du Web3 au MoMa: “Unsupervised”. Ses recherches et créations sont axées sur l’esthétique de l’intelligence artificielle et sur les conséquences des technologies sur notre perception et notre expérience du temps et de l’espace. Comment le CryptoArtiste Refik Anadol préserve l’œuvre d’art de son ontologie friable et révolutionne le monde de l’art traditionnel à l’aube de l’ère post-numérique? Nous commencerons par étudier le corpus d’œuvres de l’exposition “Unsupervised” de Refik. Dans un second temps, nous verrons en quoi ses œuvres, et de manière plus générale les œuvres du mouvement CryptoArt, sont des objets anxieux. Enfin, nous nous interrogerons sur la façon dont ces créations virtuelles arrivent à se sortir de cette crise ontologique pour se confirmer au statut d’œuvre d’art. Tout au long de ce développement, nous définirons les termes encore méconnus de ce sujet naissant. 1 LÜTTICKEN Sven, Viewing copies, 8ème édition du E-Flux Journal, 2009. 4 I) “Unsupervised”, une collection d’œuvres caractéristiques du travail de Anadol Refik Refik Anadol est pionnier de l’art post-numérique: commençant dans les années 2010, il est le premier à utiliser l’intelligence artificielle dans une œuvre d’art immersive publique. Il travaille en collaboration avec une équipe d’environ vingt personnes, comprenant architectes, scientifiques, chercheurs et designers. Anadol s’intéresse à l’omniprésence de l’informatique dans notre époque contemporaine et à ce que signifie être un humain durant cette ère post-numérique. Maintenant que les machines dominent notre vie, notre expérience sensible du temps et de l’espace se voit selon lui transformée radicalement. Toutefois, il cherche à démontrer que le mot “transformée”, bien que effrayant, n’est pas ici péjoratif: cette ère offre des nouvelles techniques esthétiques permettant une représentation de la Nature révolutionnaire du champs de l’Esthétique, qui cherche depuis l’Antiquité à représenter au mieux le réel. Dans la lignée des surréalistes, Anadol Refik s’intéresse aux thèmes de l’inconscient, de l’invisible, des automatismes, du hasard et de la mémoire. Pour représenter ces concepts, il travaille avec des données - représentation conventionnelle d'une information permettant d'en faire le traitement automatique - qu’il met en récit. Ces données peuvent correspondre à des images, des mouvements, des pigments, des vibrations, des sons, des données météorologiques recueillies à partir d’archives numériques ou de ressources accessibles au public. Une “esthétique de données” prend forme à partir de plusieurs techniques nouvelles: le software (logiciels permettant la programmation de tâches demandées à un ordinateur: par exemple le logiciel VVVV), la 3D (œuvres en trois dimensions, telles que notre vision perçoit l’espace), l’intelligence artificielle (« ensemble de théories et de techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l'intelligence humaine » 2), le Machine Learning (forme d’intelligence artificielle qui vise la création de systèmes qui apprennent, ou améliorent leurs performances, en fonction des données qu’ils traitent), les algorythme GAN (forme de performance découlant du Machine Learning: les GAN - réseaux antagonistes génératifs - génèrent une image fictive à partir d’une sélection d’images présentant des caractéristiques visuelles communes) ou encore la mise en mouvement/ récit des données à l’aide d’un logiciel personnalisé appelé “Latent Space Browser”, inspiré de la dynamique des fluides (étude du mouvement des fluides, liquides ou gazeux). Pour résumer, Anadole Refik procède en un travail de synthèse de données pour rendre compte visuellement de phénomènes invisibles à l’œil humain et ainsi offrir aux spectateurs une nouvelle perspective du monde qui les entoure: la technologie est collaboratrice de notre conscience. Ce travail technique prend forme à travers des peintures (DataPaintings), sculptures (DataSculptures) et œuvres architecturales numériques, 2 Larousse, (s. d.), Intelligence artificielle, Dictionnaire en ligne. 5 dynamiques ou immobiles, supervisées ou non (on parle alors d’art génératif: algorithme capable de concevoir des œuvres non déterminées qui se génèrent de manière autonome, parfois en temps réel). a) Mise en situation: explication du processus de création de la collection “Unsupervised” Le 18 novembre 2021, Anadol Refik a ouvert au public sa collection d’œuvres de données “UnSupervised”. Cette collection est elle-même la composante d’un plus grand projet continu commencé en 2016 et basé sur “les mémoires collectives de l’espace, de la nature et des environnements urbains” 3: “Machine Hallucination”. Ce projet est constitué de nombreuses collections portant sur des thèmes variés: l’espace, la ville de New York ou encore les coraux. “Les données étant des souvenirs, les machines peuvent-elles rêver, halluciner?”4. Telle est la question fondatrice du projet de Refik Anadol, qui cherche à humaniser les machines et ainsi réconcilier l’Homme et les nouvelles technologies. Le titre “Unsupervised” de cette dernière collection, que l’on peut traduire par “non supervisé” ou encore “sans surveillance”, fait référence au moyen technologique de la création des œuvres qui la compose: l’art génératif. Cet ensemble de 13 œuvres est dédié au MoMa: il traite de 138 151 pièces de données de la vaste collection du MoMa qui couvre plus de 200ans d’art, de la peinture à la photographie en passant par les voitures et les jeux vidéos. “Unsupervised” est complétée par un sous-titre: “MoMa perçu par l’esprit de la machine”. Les données d’archives du MoMa sont d’abord téléchargées sous forme de photographies depuis le site public GitHub. Ensuite vient le tour de l’apprentissage non supervisé de l’art moderne et de l’art contemporain par la machine (Machine Learning). L’algorithme StyleGAN2 ADA, via intelligence artificielle, permet de créer des sous ensembles des archives de la collection d’œuvres d’art du MoMa, sur la base de leurs similitudes. Une fois triées, les données sont regroupées par thématiques pour faciliter leur compréhension sémantique. Le logiciel personnalisé “Latent Space Browser” permet la mise en mouvement des données et donc la construction d’un récit, d’une danse, d’une “hallucination”. La pigmentation des données permet leur connexion: un algorithme de détection des bords modifie la colorisation de chaque donnée en prenant en compte les données précédentes et suivantes en latence. Le résultat figure dans un dégradé mouvant, fluide et évolutif de masses de couleurs. 3 ANADOL Refik, Anadol Refik Website, [En ligne], https://refikanadol.com, Rubrique Information, 2022, consulté le 14 novembre 2022. 4 ANADOL Refik, Modern Dream : Comment Refik Anadol utilise l’apprentissage automatique et les NFT pour interpréter la collection du MoMa, Magazine Le MoMa, [En ligne], https://www.moma.org/magazine/articles/658, 15 novembre 2021, consulté le 13 novembre 2022. 6 La collection regroupe 13 œuvres générées par la machine, dont une sculpture uploads/s3/ l-x27-ontologie-friable-des-arts-post-numeriques-etude-du-cas-de-refik-anadol.pdf

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