Graphisme Exposer le design graphique Lise Brosseau Maddalena Dalla Mura Clémen
Graphisme Exposer le design graphique Lise Brosseau Maddalena Dalla Mura Clémence Imbert Jon Sueda Auteurs en France 2018 Graphisme Exposer le design graphique en France 2018 6 Clémence Imbert « Vous en faites une œuvre » Quelques réflexions sur les expositions de graphisme 30 Maddalena Dalla Mura Les graphistes face au commissariat d’exposition et au graphisme d’auteur 44 Lise Brosseau Notes sur les pratiques curatoriales des designers graphiques 56 Jon Sueda Expositions : graphisme, participation, commissariat, enseignement 75 Calendrier 85 Publications et Prix Cette vingt-quatrième édition de Graphisme en France aborde la question des expositions de design graphique. Alors que celles-ci étaient traditionnellement consacrées aux affiches ou à des graphistes en particulier, on a vu l’émergence, dans les années 1990, de manifesta- tions proposées par des commissaires designers graphiques. Depuis, ces pratiques curatoriales ont fait leur apparition dans des programmes pédagogiques et ont fait l’objet de programmes de recherche. Le déplace- ment du design graphique – objet fonctionnel intrinsèquement exposé puisque multiple et destiné au plus grand nombre – dans le cadre du musée ou de la galerie, interroge. C’est à ces problématiques que les textes de Clémence Imbert, Maddalena Dalla Mura, Lise Brosseau et Jon Sueda sont consacrés. Chacun ayant, ces dernières années, mené des recherches spécifiques qui questionnent à la fois le statut des objets, les dispositifs de monstra- tion et les questions du savoir et de la transmission qui en découlent. Ces contributions ont vocation à nourrir une réflexion en cours et témoignent de pratiques et de recherches actuelles sur un sujet qui nécessite assurément de consolider ses références et ses ressources pour construire son histoire. Le design graphique de cette nouvelle édition a été confié à Camille Bonnivard, jeune graphiste formée à l’École européenne supérieure d’art de Bretagne de Rennes, où elle a contribué à plusieurs projets pédagogiques expérimentant la question de l’exposition du design graphique. Sa proposition joue avec les codes graphiques du catalogue d’exposition, de l’affiche, du cartel et de l’échelle. Elle a choisi d’utiliser les caractères typographiques David d’Émilie Rigaud, et Nantes de Luzi Gantenbein. Le poster qui se déploie dans cette publication affiche les initiatives, toujours aussi nombreuses, portées par l’ensemble des lieux investis qui, partout en France, font la promotion du design graphique et de la typographie, prouvant l’existence d’un véritable réseau de diffusion que le Cnap accompagne et valorise depuis toujours. Yves Robert, directeur du Centre national des arts plastiques 7 Ces dernières années, on a pu voir le graphisme exposé dans des cadres très variés : musées, bibliothèques, galeries indépen- dantes, espaces d’exposition des écoles d’art et de design, et même dans les rues et sur les places des villes qui accueillent des biennales, festivals et autres « saisons » qui lui sont consacrés. Les expositions de graphisme sont également diverses dans leurs formats : expositions historiques, thématiques, ou consacrées à un graphiste ou à un studio, présentations de collections particulières, propositions de graphi- stes-curators… L’iconographie qui accompagne cet article donne un aperçu de cette vitalité, au travers de quelques exemples français. Les occasions de réfléchir sur l’exposition du graphisme n’ont jamais été aussi nombreuses. Qu’elles émanent de leurs organisa- teurs – ceux qu’on appelle habituellement les « commissaires » – ou de personnalités extérieures (graphistes, critiques), ces réflexions témoignent des contradictions profondes qui entourent ces événements. On entend, d’un côté, que les expositions sont nécessaires pour faire connaître et expliquer le graphisme à un public dont on regrette qu’il ne soit pas assez large, ou pas assez conscient des images qui l’environnent ; qu’elles sont, en outre, nécessaires à la profession, en générant des recherches historiques et des écrits critiques qui sont la condition de son existence comme véritable discipline – c’est ce qu’explique Rick Poynor dans un article de 2010 1. D’un autre côté, l’exposition du graphisme est presque toujours présentée comme un acte fondamentalement paradoxal, un contresens sur la nature éphémère et « de circonstance » de ses objets, une trahison de leur ancrage dans la vie et dans l’usage. Paradoxe Ces scrupules sont aussi anciens que la pratique consistant à expo- ser le graphisme. On peut en identifier l’origine avec les expositions d’affiches dites « artistiques » organisées à la fin du xixe siècle dans le cadre du mouvement de l’affichomanie. Les collectionneurs passion- nés à l’origine de ces manifestations ont pour habitude de comparer ces nouvelles affiches illustrées en couleur aux œuvres d’un musée de plein air qui viendraient décorer et illuminer la grise monotonie des rues. Les voir transportées dans l’espace confiné des galeries sus- cite alors quelques inquiétudes qui s’expriment dans les comptes ren- dus critiques publiés dans la presse. On lit par exemple, dans la revue L’Artiste, à propos de la première exposition des affiches de Jules Chéret au Théâtre d’application en 1890 : « Son œuvre […] est faite pour l’espace et le grand air. Aussi ne faut-il point s’étonner que, dans une galerie d’exposition, chacune de ces grandes images vives et animées se fassent quelque tort l’une à l’autre dans un rapprochement où leurs couleurs se heurtent, où leur effet individuel se détruit par le voisinage d’effets analogues, enfin dans des conditions où les circonstances qui les expli- quent se trouvent supprimées 2. » Outre les inconvénients évoqués ici de leur accumulation dans un petit périmètre, c’est, à cette époque, l’atmosphère des espaces d’exposition, et des musées en particulier, qui semble impropre à l’exposition des affiches. Il faut en effet se sou- venir qu’à la fin du xixe siècle et au cours des premières décennies du xxe siècle, les défenseurs de la création publicitaire, et parmi eux les milieux artistiques de l’avant-garde moderniste, proclament que la publicité est la manifestation la plus éclatante de l’époque nouvelle, l’incarnation du mouvement, de la vitesse, de l’expression à voix haute et claire qui la caractérisent. Cette idée entre en conflit avec la représentation, 1 Rick Poynor, « We need more galleries that exhibit graphic design », Print, vol. 64, no2, avril 2010. 2 Léonce Bénédite, « Jules Chéret », L’Artiste. Journal de la littérature et des beaux-arts, no 1, 1890, p. 112-116. Clémence Imbert « Vous en faites une œuvre » Quelques réflexions sur les expositions de graphisme Ancienne élève de l’École normale supérieure de Lyon, Clémence Imbert est agrégée de lettres modernes et docteur en esthétique, sciences et technologie des arts. En 2017, elle a soutenu sa thèse, « Œuvres ou documents ? Un siècle d’exposition du graphisme dans les musées d’art moderne de Paris, New York et Amsterdam », préparée à l’Université Paris 8 sous la direction de Catherine de Smet et Jean-Philippe Antoine. Au croisement de l’histoire de l’art, de l’histoire du design graphique et de l’histoire des musées, ses recherches portent sur l’histoire des expositions de graphisme. Parallèlement, Clémence Imbert a enseigné l’histoire de l’art moderne, la muséologie et l’histoire du design graphique à Paris 8, à Paris 1 et au sein du Master History of Design and Curatorial Studies à Parsons Paris. 9 8 8 Cette exposition, dont le commissariat est assuré par le graphiste François Vermeil, est le fruit d’une collaboration du CCI avec l’Agence pour la promotion de la création industrielle (APCI). Elle s’inscrit dans le cadre du « Plan de relance du graphisme et de la typographie » engagé par Jack Lang au ministère de la Culture en 1984. 3 On trouve des pages particulièrement frappantes développant l’image du musée comme cimetière chez le philosophe Quatremère de Quincy dans Considérations morales sur la destination des ouvrages de l’art, Paris, Crapelet, 1815. 4 La comparaison d’Alain Le Quernec figure notamment dans Collection- ner, conserver, exposer le graphisme. Entretiens autour du travail de Dieter Roth conservé au Frac Bretagne, Dijon, Les Presses du réel, 2015, p. 17 ; Peter Bil’ak, « Graphic Design in the White Cube », Graphic, no 11 (« Ideas of Design Exhibi- tions »), automne 2009, p. 164 ; Bridget Wilkins, « Why is design history so obsessed by appearance? », Eye, no 6, 1992. 5 Quatremère de Quincy, Considérations morales sur la destination des ouvrages de l’art, op. cit. 6 L ’exposition avait été organisée conjointement par le Syndicat national du graphisme et le Centre de création industrielle (CCI), le département du Centre Pompidou en charge de l’architecture, du design et des communications visuelles. 7 Jean-François Lyotard, « Intriguer, ou le paradoxe du graphiste », dans Vive les graphistes ! Petit inventaire du graphisme en France, cat. exp., Paris, CCI-SNG, p. 10. Cette équivalence rapidement établie entre la décontextualisation du graphisme exposé, son entrée dans un régime d’appréciation esthé- tique et l’acquisition du statut d’œuvre d’art mérite d’être interrogée en détail. Elle repose sur un certain nombre de présupposés théoriques et met en jeu, en pratique, des phénomènes qui doivent être mis au jour et précisément décrits pour, peut-être, venir à bout de cette idée selon laquelle exposer le graphisme reviendrait toujours à le dénaturer. La réflexion de Lyotard invite également à envisager l’exposition du graphisme au regard des relations complexes que celui-ci entre- tient avec le champ de l’art : uploads/s3/ le-design-graphique-2018-france.pdf
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- Publié le Fev 09, 2021
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