GRANDE SALLE PIERRE BOULEZ – PHILHARMONIE Maurizio Pollini Mardi 26 février 201

GRANDE SALLE PIERRE BOULEZ – PHILHARMONIE Maurizio Pollini Mardi 26 février 2019 – 20h30 PROGRAMME Frédéric Chopin Deux Nocturnes op. 62 Polonaise op. 44 Berceuse op. 57 Scherzo op. 39 ENTRACTE Claude Debussy Préludes (Livre I) Maurizio Pollini, piano FIN DU CONCERT VERS 22H30. LES ŒUVRES 4 Frédéric Chopin (1810-1849) Deux Nocturnes op. 62 I. Nocturne en si majeur op. 62 no 1 Composition : 1845-1846. Édition : 1846. Durée : environ 7 minutes. II. Nocturne op. 62 no 2 Composition : 1845-1846. Édition : 1846. Durée : environ 6 minutes. C’est le compositeur irlandais John Field (1882-1837) qui, le premier, composa des nocturnes pour piano. Chopin fut séduit par cette forme nouvelle, qui offrait une grande liberté d’expression et délaissait la virtuosité pour une écriture sans ostentation : dans ses vingt et un noc­ turnes, regroupés généralement par deux ou trois, le chant accompagné prévaut toujours. Toutefois, les deux nocturnes de ce programme (1846) témoignent de la complexité harmonique et contrapuntique des dernières années. Avant d’installer la tonalité de si majeur, le premier débute par un arpège étonnant – comme un luthiste ou un guitariste testant ses cordes avant de démarrer. Les contrechants et les surprises harmoniques y abondent : Chopin emmène souvent l’auditeur sur des chemins inat­ tendus. Le second nocturne déploie une écriture aussi novatrice, mais avec un ton nettement plus inquiet. Ces pages laissent imaginer – et regretter – les voies qu’aurait pu prendre le talent de Chopin s’il n’avait été fauché à l’âge de 39 ans. Claire Delamarche 5 Polonaise en fa dièse mineur op. 44 Composition : 1841. Édition : 1841. Durée : environ 11 minutes. Parmi les multiples genres pianistiques abordés par Chopin, la polonaise tient une place particulière. Il composa la première à 7 ans, sur le modèle des polonaises de Michał Kleofas Ogiński, dans le style « galant » ; et la dernière en 1846, trois ans avant sa mort. C’est peu dire que sa vision avait évolué. Les polonaises composées à Paris de 1834 à 1846 n’ont plus rien à voir avec les danses brillantes de la jeunesse varsovienne du compositeur. Loin de sa patrie, Chopin imprime à cette danse symbolique un souffle épique, un désespoir tragique qui l’emportent bien au-delà de son cadre d’origine. Dans la capitale française, où résident de nombreux aristocrates polonais chassés par la répression russe, cette musique devient l’expres­ sion des souffrances d’un peuple épris de liberté. En 1841, la Polonaise en fa dièse mineur op. 44 marque une étape supplémentaire. Sa taille est inusitée : près de 11 minutes. Sa forme aussi. « Une nouvelle polonaise, mais c’est plutôt une fantaisie », annonce Chopin, qui a placé au centre de la pièce deux épisodes inattendus : un sombre ostinato où passe le fantôme du thème principal, puis une mazurka, qui détend momentané­ ment l’atmosphère. Claire Delamarche Berceuse en ré bémol majeur op. 57 Composition : 1843-1844. Édition : 1844, J. Meissonnier fils. Durée : environ 4 minutes. Comme toutes les pages tardives Chopin, la Berceuse (1843-1844) est un chef- d’œuvre. Mais elle se distingue par sa simplicité, sa clarté par rapport à des partitions aussi denses et ambitieuses que la Sonate pour piano en si mineur (1844), la Sonate pour violoncelle et piano (1846-1847), la Polonaise-Fantaisie 6 (1846) ou la Barcarolle (1846). La simplicité y est même érigée en défi. Plus de quatre-vingts ans avant le Boléro de Ravel, Chopin explore la variété dans le ressassement. La Berceuse consiste en effet en une mélodie de quatre mesures, variée quinze fois au-dessus de la même basse immuable. Au contraire du Boléro, montée explosive, elle croît en complexité avant de revenir au dénuement initial dans la coda. Claire Delamarche Scherzo en ut dièse mineur op. 39 Composition : 1838-1839. Édition : 1840, Paris, E. Troupenas et cie. Durée : environ 8 minutes. Scherzo : encore un genre préexistant que Chopin remodèle à sa guise, ne gardant des mouvements beethovéniens ou mendelssohniens que la rapidité, la mesure à 3/4 et le trio central. Mais il en change radicalement, plus que les dimensions, la signification. Ce qui se « joue » (scherzo…) ici, c’est bien plutôt un drame, ou, comme le disait Alfred Cortot, « Ce sont des jeux, cependant, mais terrifiants ; des danses, mais enfiévrées, hallucinantes ; elles semblent ne rythmer que l’âpre ronde des tourments humains. » Pour le Troisième Scherzo, Chopin prend la parole sur une introduction tumultueuse, emportée par la fièvre de son presto con fuoco, avant de bifurquer vers des accords solennels et des cascades jouées leggierissimo en alternance. Et le compositeur de continuer d’explorer les contrastes entre puissance et délicatesse avec une inspiration souveraine, jusqu’à une coda furieuse. Angèle Leroy 7 Nocturne. – Dans la seconde moitié du xviie siècle, les musiciens compo­ sèrent des œuvres titrées sérénade, notturno ou Nachtmusik (« musique de nuit »), vocables qui désignent des divertissements joués le soir ou la nuit. Mais chez les romantiques, la nuit n’est plus seulement un moment de sociabilité. Traversée de visions parfois fantastiques et effrayantes, elle favorise l’émergence de vérités enfouies et l’aveu des sentiments les plus intimes. Le mot « nocturne » devient ainsi un substantif qui sert d’intitulé à des pièces essentiellement pianistiques, au climat rêveur et intériorisé, souvent mélancolique. La main droite déploie une mélodie chantante, influencée par l’opéra italien, que la main gauche accompagne avec des arpèges ou des accords. Si l’Irlandais John Field initie le genre (seize Nocturnes publiés entre 1812 et 1836), c’est Chopin qui l’impose et le porte à un degré de perfection inégalé, avec dix-neuf Nocturnes composés entre 1829 et 1846. Autre maître du nocturne pianistique, Fauré laisse treize pièces dont l’écriture évolue vers toujours plus de dépouillement. À l’aube du xxe siècle, Debussy libère le genre du cadre du clavier avec ses Trois Nocturnes pour orchestre (1899). D’autres compositeurs pour­ suivent sur cette voie. En témoignent par exemple les Trois Nocturnes de Vaughan Williams pour baryton, chœur et orchestre (1908), le Nocturne de Britten pour ténor, sept instruments et cordes (1958), ou Sur le même accord de Dutilleux, sous-titré « Nocturne pour violon et orchestre » (2001). Hélène Cao LE SAVIEZ-VOUS ? 8 Claude Debussy (1862-1918) Préludes (Livre I) I. Danseuses de Delphes II. Voiles III. Le Vent dans la plaine IV. « Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir » (Charles Baudelaire) V. Les Collines d’Anacapri VI. Des pas sur la neige VII. Ce qu’a vu le vent d’ouest VIII. La Fille aux cheveux de lin IX. La Sérénade interrompue X. La Cathédrale engloutie XI. La Danse de Puck XII. Minstrels Composition : 1907-février 1910. Première audition (II, X et XI) : le 25 mai 1910, au concert de la Société Musicale Indépendante, Paris, par le compositeur. Audition intégrale : le 3 mai 1911, Salle Pleyel, Paris, par Jane Mortier. Édition : 1910. Durée : environ 44 minutes. « Il n’y a pas de plus grand plaisir que de descendre en soi, mettre en mouvement tout son être, chercher des trésors nouveaux et enfouis. » Lettre de Debussy à Jacques Durand, 18 juillet 1908 Situés à mi-chemin entre les deux séries d’Images (1905, 1907) et les Études (1915), les Préludes marquent un nouveau tournant dans l’écriture pianistique de Debussy. L’exploration de l’univers sonore se concentre en des créations « d’une chimie tout à fait personnelle », comparables à des poèmes en prose. Debussy les dénomme paradoxalement préludes : en effet, le titre choisi ainsi que le nombre (vingt-quatre en additionnant les deux livres) rappellent, comme dans Pour le piano, les œuvres du passé, tels les préludes et fugues de Bach ou les préludes de Chopin. Mais à la 9 différence de Bach ou de Chopin, qui ordonnent leurs pièces suivant un groupement tonal sur les douze sons de la gamme, Debussy s’appuie sur des notes pôles. Ainsi, la première partie du premier livre tourne autour de si bémol, tandis que le second livre se construit principalement autour de ré bémol. Toutefois, le compositeur ne semble pas avoir conçu l’ensemble pour être joué comme un tout cohérent. Comme l’écrit Roger-Ducasse (un proche d’Emma Debussy) à Nadia Boulanger en septembre 1924, ces pièces « sont moins des préludes que des impressions toujours visuelles enfermées dans un cadre quelconque ». L’autre particularité de ces deux recueils réside dans le fait que Debussy ne donne pas les titres au début, mais les cite entre parenthèses à la fin du morceau avec des points de suspension. Peut-être voulait-il éviter que l’on ne s’attache trop à ceux-ci, d’autant plus que certains préludes, comme Le Vent dans la plaine, vont bien au-delà du programme suggéré. C’était aussi une façon de signifier la prééminence de la musique sur le monde visuel et d’indiquer qu’elle n’était pas soumise à quelque univers que ce soit. Néanmoins, ces titres suscitent l’imagination avec l’évocation de pays proches comme l’Espagne (La Sérénade interrompue) ou lointains comme l’Inde (La Terrasse des audiences du clair de lune), procédé auquel le compositeur avait déjà eu recours dans les Estampes et les Images. uploads/s3/ maurizio-pollini 1 .pdf

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