Dossiers pédagogiques Parcours thématiques LE MONOCHROME PARCOURS DANS LES COLL

Dossiers pédagogiques Parcours thématiques LE MONOCHROME PARCOURS DANS LES COLLECTIONS MODERNES ET CONTEMPORAINES 2011‐2012 Kasimir Malevitch, Carré noir [1923 ­ 1930] Huile sur plâtre, 36,7x36,7x9,2 cm ­ Œuvre actuellement présentée dans les collections modernes du Musée Qu’est­ce qu’un monochrome ? Renouveler les pratiques artistiques Les avant­gardes russes et soviétiques Kasimir Malevitch, Alexander Rodtchenko, Wladyslaw Strzeminski L’après­guerre, la peinture américaine Barnett Newman, Mark Rothko Robert Rauschenberg Ad Reinhardt Le monochrome en Europe, années 1950­ 1970 Yves Klein Le groupe ZÉRO, Düsseldorf, Heinz Mack et Otto Piene Azimuth, Milan, Enrico Castellani et Piero Manzoni Le groupe Nul, Pays­Bas, Jan Schoonhoven Lucio Fontana Alighiero Boetti Roman Opalka L’après 70 – États­Unis et Europe Le monochrome : le genre de tous les possibles Robert Ryman, Ellsworth Kelly Claude Rutault, Pierre Soulages Clément Mosset, Allan Mc Collum Chronologie – Repères Textes de référence Kasimir Malevitch, Lucio Fontana, Ad Reinhardt Gerhard Richter, Barbara Rose Bibliographie sélective Les monochromes de la collection du Musée (Liste non exhaustive) Pour savoir si les œuvres mentionnées dans ce dossier sont toujours présentées dans les salles du Musée, consulter la Liste des œuvres exposées par créateur QU’EST‐CE QU’UN MONOCHROME ? RENOUVELER LES PRATIQUES ARTISTIQUES Qu’est­ce qu’un monochrome ? « Monochrome » : d’une seule couleur. Le terme fut longtemps dans l’histoire de l’art un adjectif qualifiant un camaïeu ou une grisaille. Au 20e siècle, il devient un substantif puis un genre au même titre que le paysage ou le ready­made. Le monochrome fait partie de ces pratiques qui ont remis en cause les manières traditionnelles d’envisager la création. Comme le ready­made et la performance, il apparaît dans les années 1910 − Marcel Duchamp, avec sa Roue de bicyclette, crée le premier ready­made en 1913 [1] , Malevitch ce que l’on considère comme le premier monochrome avec son Carré noir, en 1915, et les artistes Dada la performance pendant la Première Guerre. Pratiques qui disparaissent quasiment à la fin des années 1920, pour réapparaître après le Seconde Guerre mondiale et les années 1950. Ce qui nous intéresse ici est de comprendre, en observant leurs œuvres et en interrogeant leurs propos, comment et pourquoi des artistes réduisent la peinture à une couleur unique pour renouveler leur pratique artistique. Vide de représentation et de forme, le monochrome est riche de toutes les intentions. Malevitch le conçoit comme un passage vers l’infini, Rodtchenko peint une surface matérielle et vide, Newman et Rothko en font un grand champ coloré pour s’ouvrir à une expérience intérieure. Pour Ad Reinhardt, il est l’ultime peinture et pour Ryman ce qui lui permet de mesurer les effets de chaque matériau et support … « Entre ces deux pôles extrêmes – la manifestation de l’absolu et le rire nihiliste –, écrit Denys Riout, tout l’éventail des possibilités peut donner lieu à des versions monochromatisées. Les unes aspirent à la beauté, les autres au sublime, d’autres encore relèvent du spiritualisme, du matérialisme, de l’ironie ou du désespoir. Il en est de toutes les couleurs, et encore des blanches, des noires. On en rencontre des petites et des grandes, des lisses et des fripées, des rugueuses, des chaotiques, des brillantes, des mates et des satinées. Elles peuvent être peintes à l’huile, à l’acrylique, à la détrempe, avec un pinceau, une brosse, un rouleau ou un pistolet. Les unes sont exécutées par l’artiste en personne, d’autres, plus rares, il est vrai, par ses assistants du moment. Bref, il en est de toutes sortes, et le genre, si étroit qu’il paraisse a priori, n’en offre pas moins d’inépuisables possibilités d’invention aux artistes imaginatifs qui mettent ainsi à l’épreuve la sagacité des commentateurs. » [2] Ce dossier fait écho aux accrochages moderne et contemporain actuellement présentés au Musée, où pas moins d’une vingtaine de monochromes sont à découvrir au détour d’une salle ou d’une allée, placés là comme un leitmotiv pour s’interroger sur la peinture. LES AVANT‐GARDES RUSSES ET SOVIÉTIQUES Au début du 20e siècle, la déconstruction des éléments de la peinture connait une accélération vertigineuse avec le fauvisme, le cubisme, le futurisme et l’abstraction. Malevitch va donner à la peinture un coup de grâce, au double sens du mot, la tuant et la renouvelant à la fois. Ne pouvant plus nous fier à notre seule perception, investir de notre imaginaire ses surfaces, cette nouvelle peinture qui montre peu ou à peine, plaide pour une connaissance de ce qui la fait naître et la constitue. « Objets limites, dit Denys Riout, elles [ces toiles] sont d’excellents observatoires sur l’articulation entre la peinture – et non le sujet de la peinture − et le sens. [3] KASIMIR MALEVITCH Kasimir Malevitch, 1878, Kiev (Russie) – 1935, Leningrad (Urss) Kasimir Malevitch, Carré noir [1923 ­ 1930] Huile sur plâtre, 36,7x36,7x9,2 cm Œuvre actuellement présentée dans les collections modernes du Musée Le motif du carré peint d’une seule couleur apparait chez Malevitch en 1913 dans les décors et les costumes réalisés pour l’opéra cubo­futuriste La Victoire sur le soleil, de Matiouchine. En décembre 1915, il présente parmi 39 œuvres suprématistes son premier Carré noir et son Carré rouge à l’exposition « 0,10 » (Zéro­ Dix). Dernière exposition futuriste de tableaux, où s’affichent toutes les surenchères avant­gardistes de l’époque. [4] Comme le montrent les archives photographiques de l’exposition, le Carré noir est exposé en hauteur, à l’angle de deux murs, place traditionnellement réservée aux icônes dans les maisons russes – ce qui passe aux yeux du public pour blasphématoire. À le regarder cependant, noir, le carré ne l’est pas entièrement, il est entouré de marges blanches qui rappellent le rapport classique d’une forme et d’un fond. Pourtant, Malevitch ne semble pas le voir ainsi. Dans son texte Du cubisme au suprématisme. Le nouveau réalisme pictural (commencé en 1913 et publié en 1915) où il théorise le suprématisme, il n’évoque pas les marges de son Quadrangle, titre original qu’il donne à son œuvre, et qu’il date de 1913. Le Carré noir n’est­il que l’une des formes­plans (si on se fie à la date donnée par le peintre) ou l’aboutissement de ses compositions suprématistes dont le but est de libérer la peinture du monde des objets ? Avec ses marges blanches, le Carré noir n’est pas un monochrome ; et s’il n’est pas entièrement noir, carré il ne l’est pas non plus. Rares sont ceux qui, aujourd’hui, l’ont vu, car il n’est jamais sorti des réserves, depuis 1929, de la galerie Tretiakov à Moscou. Mais ses exégètes en attestent : ses qualités picturales, sa facture, sa forme et sa présence en font plus qu’une simple idée ou qu’une proposition radicale dans un contexte social et artistique révolutionnaire. Malevitch a peint, comme s‘il s’agissait de répéter le signe d’un système, plusieurs Carré noir, et c’est un Carré noir qui fut placé au­dessus de son lit de mort et sur sa tombe par ses proches. Outre le Quadrangle ou Carré noir de 1915, la galerie Tretiakov conserve une version de 1929. Celle du début des années 20 (1920 ou 1924 ?) appartient au Musée russe de Saint­Pétersbourg. La version conservée par le Musée national d’art moderne est peinte sur un parallélépipède de plâtre. S’amincissant sur la gauche, elle serait plus proche de la version originale. [5] « Après cela, que faire ? » demandait­on déjà en 1916, voyant dans ce carré la mort de la peinture. Pour Malevitch, le Carré noir n’est pas un terme mais le début d’une nouvelle étape qui conduit la peinture vers une plus grande vérité, à une sensation pure. La peinture doit contribuer à libérer l’esprit du monde matériel pour faire pénétrer l’être dans l’espace infini. Trois ans (ou cinq selon les dires de l’artiste) après le premier Carré noir, il peint le Carré blanc sur fond blanc. Kasimir Malevitch, Carré blanc sur fond blanc, 1918 > Voir l’œuvre sur le site du MoMA Pas tout à fait carrée non plus, cette peinture témoigne, comme pour le Carré noir, d’une grande sensibilité. On peut lire sur le site du MoMA, où l’œuvre se trouve depuis 1936 que, même radicale et austère, elle n’a rien d’impersonnelle. La trace de la main de l’artiste est visible dans la texture de la peinture et ses subtiles variations de blanc ; les contours imprécis du carré asymétrique produisant une sensation d’espace infini… [6] Le blanc, légèrement bleuté pour la forme centrale, plus chaud et ocré sur la périphérie, crée une matière dense et complémentaire au point qu’on ne peut séparer forme et fond. La position décentrée du carré, comme pesant sur la droite, et le léger cerne noir autour, dynamisent l’ensemble, contribuant à la sensation d’espace. Pour Malevitch, le blanc représente l’infini, le cosmos. Il écrit dans le catalogue de l’exposition Création non­figurative et suprématisme (1919), où étaient présentés le Carré blanc sur fond blanc et quelques autres peintures blanches suprématistes : « J’ai troué l’abat­jour bleu des limitations colorées, je suis sorti dans le blanc, voguez à ma suite, camarades aviateurs, dans l’abîme, j’ai établi les sémaphores du Suprématisme. […] Voguez ! L’abîme libre blanc, l’infini sont devant vous. » [7] Lire dans uploads/s3/le-monochrome.pdf

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