Julien AYGUEPARSE Mémoire de fin d'études juin 2016 Diplôme d'état de professeu

Julien AYGUEPARSE Mémoire de fin d'études juin 2016 Diplôme d'état de professeur de musique Promotion 2014­2016 La technique du piano Illustration: Jacques Colombart. Une Histoire du piano, à l'usage de ceux qui l'aiment ou le détestent. Riveneuve Editions, 2013. p.135 1 Avant­propos L'idée de ce mémoire m'est venue d'un fait que j'observe régulièrement et que j'ai vécu personnellement. A la suite de bons nombres de récitals de piano, j'ai souvent entendu ces discours à l'égard des interprètes: "Jouer ce morceau à cette vitesse et sans fautes, c'est extraordinaire. Il a de la technique, il peut tout jouer". Dans une autre situation, à la suite d'un de mes examens de piano au conservatoire , après être passé devant le jury, ma professeure me dit : "c'est toujours pas très musical ce que tu as fait là mais ils ont bien aimé ton Bach, tu as une bonne technique". Si j'essaie, à partir de cela, d'en déduire quelques points, cela peut vouloir dire que certains pianistes n'ont pas de technique, que la musique de Bach n'est pas musicale et que jouer à toute allure et sans fausses notes signifie qu'on a de la technique. Bien que cette dernière idée soit pertinente pour certains, elle est trop réductrice pour d'autres. Séparer musique et technique en deux points totalement distincts est­il pertinent ? Il est vrai que j'ai considéré, pendant de longues années, ce point de vue comme parfaitement plausible suite aux innombrables exercices que me demandait ma première professeure (Gammes, Hanon, étude...) à côté du "morceau" que j'avais le droit de jouer en fin de séance. Cette vision vous semble rapidement moins évidente quand on vous dit que la pianiste sans doute la plus admirée aujourd'hui n'a pas travaillé un seul exercice dit de "technique". 1 Les exercices dit "de technique" sont­ils indispensables à la formation d'un pianiste ? Le mot technique a bien des significations, que ce soit dans le monde de l'art ou ailleurs. Et en outre il peut s'appliquer à différents aspects d'un art précis. C'est donc dans cette direction que j'ai décidé d'orienter ce mémoire afin d'étudier différentes définitions qui existent de la technique au piano et d'en tirer des leçons qui soient utiles en tant qu'enseignant de cet instrument. 1 ​Martha Argerich sur la technique pianistique. Lien youtube: https://www.youtube.com/watch?v=l_86HRWzuIQ. extrait du documentaire " Martha Argerich et Charles Dutoit: la musique partagée". 1972 & 2004 2 Table des matières Introduction 4 I. Technique et évolution de la facture du piano 6 Création de l’instrument 6 Innovations techniques 7 Domination de Steinway 10 II. Technique et interprétation 11 Qu'entend­on par technique ? 11 La virtuosité 12 Exercices techniques 14 Quelques aspects de la technique pianistique 16 III. Technique et enseignement 29 Différentes écoles 29 Apprentissage des amateurs aujourd'hui 30 Conclusion 33 Annexes 34 Bibliographie 35 3 Introduction W.A.Mozart a pu dire de son adversaire, suite à sa "joute" organisée par Joseph II avec Clementi: "il n'a pas un kreuzer de goût ou de sentiment,[...] il est simplement un mechanicus." ; cette idée de séparer musicalité et technique ne date donc pas d'aujourd'hui. 2 Mais au­delà de la difficulté de chercher une définition précise pour ces deux termes qui convienne à tous, n'y a ­t­il pas tout d'abord des facteurs qui feraient différer le jugement que l'on a d'un pianiste sur ces deux points, et notamment aux différentes époques depuis la création du piano ? La première chose qui vient à l'esprit d'un pianiste classique quand on lui parle de différentes techniques, c'est le répertoire immense qui est à sa disposition. Et il nous dira aisément sans se poser de questions que nous n'avons pas la même technique quand nous jouons du Schubert ou quand nous jouons du Debussy. Un interprète d'aujourd'hui qui enregistre une suite française de J.S.Bach et un prélude de F.Chopin avec les mêmes intentions, sons et techniques digitales, se verra critiqué au sujet de son CD dans les revues spécialisées. Lorsque nous écoutons plusieurs interprétations d'un même morceau pour piano dans des enregistrements du début du XXème siècle ou même du XIXème siècle, nous entendons des versions qui ont chacune leurs sons, leurs intentions, leurs tempi, etc., et sont vraiment très faciles à différencier. Si l'on choisit au hasard des enregistrements datant de ces vingt dernières années d'une même oeuvre pour piano, il est beaucoup moins aisé de trouver des différences dans tous les critères qui constituent l'interprétation. Pourquoi cette "standardisation" ? Comment des techniques de composition si différentes et riches peuvent avoir amené à une seule manière de les interpréter ? Au XVIIIéme, XIXème et début XXème, il y a un foisonnement de facteurs de pianos: Pleyel, Erard, Broadwood, Bechstein,... Chaque facteur développe des caractéristiques propres à son savoir­faire et sa vision esthétique du son. Mais il y a également eu une standardisation de la facture du piano. Aujourd'hui la grande majorité des pianistes jouent sur Steinway ou des marques qui utilisent les mêmes mécaniques que le facteur américain. De nos jours, plusieurs interprètes cherchent tout de même à s'écarter de ce modèle. Par exemple, des pianistes comme Paul Badura­Skoda ou Andreas Staier s'attèlent régulièrement au pianoforte. 2 ​Marc FRISCH, Une histoire du piano à l'usage de ceux qui l'aiment ou le détestent. Riveneuve, 2013. p.130 4 La technique du piano remonte donc à la création de celui­ci et aux différents compositeurs qui y ont ajouté leurs oeuvres dédiées. Il y a donc un lien entre la facture de l'instrument à chaque époque, les pièces composées à ces mêmes périodes de l'histoire et également les conceptions de l'interprétation et la technique qui en résulte. Je ne parlerais dans ce mémoire que du répertoire de la musique savante, mais il existe bien d'autres conceptions de l'usage du piano liées à d'autres styles musicaux. La définition du mot technique est très fluctuante et mon but n'est pas ici d'en trouver une précise, mais plutôt d'explorer les différentes conceptions que les interprètes ont pu avoir d'elle. 5 I. L'évolution de la facture du piano et la technique Création de l'instrument Le pianoforte, créé au début du XVIIIème siècle est considéré comme un des premiers ancêtres du piano moderne. Sa création constitue un tournant dans la suprématie des claviers. En effet, à cette époque, le clavecin, l'orgue et le clavicorde sont les stars en Europe et malgré les différences mécaniques évidentes qu'il apporte, le pianoforte correspond à un certain goût du jour. " Le clavecin est parfait quant à son étendüe, et brillant par luy­même; mais comme on ne peut enfler, ni diminuer ses sons, je sçauray toûjours gré à ceux qui, par un art infini, soutenu par le goût, pouront ariver à rendre cet instrument susceptible d'expression." François Couperin 3 Il est moins difficile à contrôler et possède un toucher sensible (atout du clavicorde) et un son soutenu (atout du clavecin). Le développement de la classe moyenne fait le bonheur des facteurs de pianos. Bien que son acte de naissance soit si ancien, le pianoforte n'a connu un véritable succès qu'à partir de la fin du XVIIIéme siècle. Peu présent dans les salons des années 1710­1720, le pianoforte a déjà bon nombre de différences avec ses compères plus anciens. Même si les historiens ont longtemps attribué la création de l'instrument aux Allemands, c'est Cristofori, ingénieur italien, qui a fabriqué le premier pianoforte dont les innovations ont été reprises par les facteurs viennois et anglais à la fin du siècle. L'essor du piano au milieu du XVIIIème siècle est dû en grande partie à deux pays européens où vont oeuvrer les grands facteurs et inventeurs de l'époque: l'Angleterre et la Prusse. La ville de Londres est un foyer de nombreux facteurs, car la Prusse, avec Frédéric Le Grand, fait beaucoup la guerre et ses villes ne prospèrent pas autant économiquement que celles d'Angleterre et donc nombreux sont les artisans qui souhaitent un environnement moins agité. La facture anglaise recherche de la puissance dans le son. Elle va créer le premier piano à queue à cinq octaves à partir d'une caisse de clavecin anglais. Chaque touche possède trois cordes associées. Cette mécanique permet aussi aux étouffoirs de revenir moins rapidement sur les cordes une fois le doigt retiré de la touche pour obtenir un son avec légèrement plus de résonance. 3 ​Frédéric GAUSSIN, "Le Piano", La lettre du musicien, n°426, décembre 2012, p.29 6 Chez les Viennois, c'est la délicatesse qui prédomine. Les marteaux sont petits et la table d'harmonie est fine. Il y a seulement deux cordes par touche. Caractéristiques principales des pianos entre 1750 et 1800: Piano avec mécanique anglaise: robuste et puissant. renfort de métal à la caisse, marteaux vers l'arrière (comme le piano moderne), trois cordes par touche, mécanisme d'étouffoirs. son long et chantant. Apprécié par Clementi, Dussek, Cramer… Piano avec mécanique viennoise: mécanique légère, sonorité cristalline riche en harmoniques, marteaux recouverts de peau dirigés vers l'avant. Apprécié par Mozart, Beethoven… Les pianos viennois ne seront pas utilisés dans les grandes salles de concert en raison de leur manque de puissance mais beaucoup de compositeurs les préféreront uploads/s3/ memoire-de-piano-2016.pdf

  • 34
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager