MUSIQUE S.E.R. | « Études » 2003/11 Tome 399 | pages 542 à 548 ISSN 0014-1941 D
MUSIQUE S.E.R. | « Études » 2003/11 Tome 399 | pages 542 à 548 ISSN 0014-1941 DOI 10.3917/etu.995.0542 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-etudes-2003-11-page-542.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour S.E.R.. © S.E.R.. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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La programmation des principales salles parisiennes (la pro- vince dont l’offre s’enrichit d’année en année fera l’objet d’une pro- chaine chronique) permet de dégager quelques « tendance lourdes » du paysage lyrique. Quels grands axes esthétiques et commerciaux les théâtres privilégient-ils actuellement? A quelle image idéale de M MUSIQUE © S.E.R. | Téléchargé le 12/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.147.71.134) © S.E.R. | Téléchargé le 12/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.147.71.134) Les Carnets d’Étvdes l’interprétation d’une œuvre lyrique, des chanteurs aux metteurs en scène, en passant par les chefs d’orchestre, les distributions propo- sées renvoient-elles? Comment les attentes du public (des publics) sont-elles analysées et satisfaites? Questions auxquelles l’examen attentif des plaquettes, publicités et autres courriers aux abonnés... diffusés par les théâtres apporte des éléments de réponse. Les trois grands lieux parisiens qui font la place belle au lyrique – l’Opéra de Paris (Bastille et Garnier), le Théâtre du Châtelet et le Théâtre des Champs-Elysées – ne suivent pas la même ligne de programmation. Chaque maison a son style, son « standing » social et musical, son approche du public, obéissant, pour une large part, à sa définition institutionnelle 1. Pour aller vite – au risque de tomber dans le piège de la simplification –, l’Opéra favorise le XIXe et le premier XXe siècles, alternant productions « populaires » et ouvrages plus rares. Comme scène publique, il se doit – telle la Comédie Française pour le théâtre – d’illustrer et de maintenir le répertoire du genre lyrique. Les reprises sont nombreuses aux côtés des créations, l’alternance est de règle. Le Châtelet, fleuron culturel de la Ville de Paris, mise davantage sur la cohérence des spectacles, accueillant le fruit du travail d’équipe, sous la houlette de chefs d’orchestre aux options esthétiques affirmées, tel John Eliot Gardiner ou Christophe Rousset. Le Théâtre des Champs-Elysées, qui vit largement du mécénat d’entreprise, aime et défend (quoique la cause soit entendue) l’opéra baroque en invitant de nombreuses productions clef en main. Trois grands « maîtres » du genre sont principalement aux commandes : William Christie, René Jacobs et Marc Minkowski. Entrons un peu plus dans le détail. Cette année, pour sa der- nière saison à la tête de la « grande boutique 2 », Hugues Gall reste fidèle à son credo: de grandes œuvres du répertoire pour le public « amateur », quelques opéras plus inouïs pour les « connaisseurs » et, enfin, un tribut payé à la musique dite difficile (dont une création contemporaine, désormais passage obligé, chaque année) pour les fervents de la « découverte ». Les termes entre guillemets sont tirés de la plaquette-programme, afin d’orienter le mélomane selon sa hardiesse ou son goût des valeurs sûres. On peine à déceler une ligne d’ensemble, exceptée la production de trois Richard Strauss : en septembre/octobre, Salomé a permis de goûter dans le rôle-titre la composition subtile, élégante et infiniment musicale de Karita Mattila, la brillante Finlandaise. Bientôt, une autre diva, au retour aussi fêté que son absence a désolé les lyricomanes, Natalie Dessay, sera la piquante et virtuose Zerbinette dans Ariane à Naxos. Enfin, deux autres stars du chant, Renée Fleming et Anne Sofie von Otter, déploieront leur art dans le méconnu Capriccio. Programmé en fin de saison, il bénéficie exceptionnellement d’un chef d’orchestre de tout premier plan, l’Allemand Christian Thiellemann 3. Car, à l’Opéra, la politique artistique ne « met pas le paquet » sur les chefs – comme si un spectacle lyrique, à la 1. Il en va de même pour les salles dans lesquelles l’opéra fait quelques beaux soirs, dont la rareté va parfois de paire avec une grande qualité : la Cité de la Musique, l’Opéra Comique, Radio-France ou l’Orchestre de Paris. 2. Comme Verdi appelait ironiquement l’Opéra de Paris... 3. Il serait injuste de ne pas mentionner également Seiji Ozawa, attendu dans L’Heure espagnole de Ravel et le délicieux Gianni Schic- chi de Puccini (en mars/ avril). © S.E.R. | Téléchargé le 12/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.147.71.134) © S.E.R. | Téléchargé le 12/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.147.71.134) différence d’un concert symphonique, pouvait se passer de l’impul- sion vitale insufflée par le chef, se satisfaisant de la présence d’une ou deux têtes d’affiche sur scène. L’Opéra de Paris concentre ses investissements (par force ou par choix?) sur certains ouvrages (ce qui permet des reprises routi- nières toujours assez bonnes pour le « grand public », comme cette Tosca poussiéreuse, en septembre dernier), quelques étoiles du chant, et des mises en scène fondées plus souvent sur l’éclairage sophistiqué de décors imposants que sur une véritable recherche dra- maturgique. Il faut dire que, dans l’immense navire de la Bastille, que voit-on des frémissements de Manon ou des émois de Marguerite ? Garnier se distingue, avec les spectacles confiés à quelques lions de la mise en scène lyrique, tels Andrei Serban (pour Les Indes Galantes de Rameau, assez « déjantées » et racoleuses, reprises avec soin en début d’année) ou Robert Carsen, dont on reverra, en mai, l’Alcina froide et chic, et découvrira le nouveau tra- vail dans Capriccio. L’arrivée du facétieux Laurent Pelly pour deux spectacles (Ariane à Naxos et le doublé Ravel/Puccini) donnera-t-elle un coup de frais sur ce catalogue de belles images stéréotypées? Les critères marketing de l’Opéra atteignent leurs objectifs: le remplissage de la salle est très satisfaisant 4. Du spécialiste qui va partout, à l’amateur d’un soir friand d’une sortie culturelle parisienne brevetée, en passant par toutes les catégories de mélo- manes, chacun peut y trouver son miel. Restent à oublier, pour Bastille, les conditions peu favorables à une écoute sereine : la rumeur incessante des toux, papiers de bonbon, sacs en plastique, spectateurs retardataires... et les kilomètres qui séparent la plupart des places de la scène. Au Châtelet et au Théâtre des Champs-Elysées, la politique artistique est assez différente. Sans orchestre ni directeur musical à demeure, ils pratiquent une « circulation » musicale intense. Entre les concerts symphoniques et les spectacles lyriques, le mélomane assiste à un copieux défilé de phalanges internationales5 et de grands noms de la baguette: Bernard Haitink, Wolfgang Sawallisch, Riccardo Muti, Daniel Harding, Neville Marriner... Habitué du Châtelet, John Eliot Gardiner offrait une intégrale des Troyens de Berlioz, en octobre, et célèbre le compositeur français qu’il vénère lors de plusieurs concerts. Retour symphonique d’Esa- Pekka Salonen 6, et lyrique de William Christie dans Les Paladins, un Rameau très rarement interprété où s’illustrera la jeune garde du chant français : Stéphanie d’Oustrac, Sandrine Piau, Laurent Naouri... Ou encore Myung-Whun Chung, avec son Philharmonique de Radio-France pour Tannhäuser de Wagner. Si aucun fil rouge ne relie, cette année, l’ensemble de la saison, excepté un hommage ber- liozien avec Les Troyens et l’enchanteur Béatrice et Bénédict 7, on retrouve cependant le désormais traditionnel festival des régions qui, en juin, invite l’Opéra de Montpellier. Ayant parfois cédé à la tenta- tion du « chic et choc », avec d’improbables objets lyriques, tel le 4. En dépit d’un tassement des abonnements, cette année, attribué par la direction aux annulations récentes provoquées par les intermittents. 5. Orchestre Révolution- naire et Romantique, Staatskapelle de Dresde, Philharmonia Orchestra... pour le Châtelet ; Mahler Chamber Orchestra, Saito Kinen Orchestra, Wiener Philharmoniker... aux Champs-Elysées. 6. Auquel on doit quelques magnifiques productions lyriques des saisons pas- sées, tel Rake’s Progress de Stravinsky ou Le Grand Macabre de Ligeti, et dont on attend impatiemment le retour « en opéra » les années prochaines... 7. En mars, sous la ba- guette de John Nelson et avec de magnifiques chanteurs : Paul Groves et Anne Sofie von Otter, notamment. © S.E.R. | Téléchargé le 12/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.147.71.134) © S.E.R. | Téléchargé le 12/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.147.71.134) Les Carnets d’Étvdes Voyage d’hiver de Schubert mis en scène par Bob Wilson, ou des affiches plus prestigieuses qu’homogènes, le Châtelet semble, cette année, assagi. Il s’adresse à uploads/s3/ musique 2 .pdf
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- Publié le Mai 23, 2022
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