La contrefaçon ancienne En 1876, la rupture entre les Thomas, proprié- taires d

La contrefaçon ancienne En 1876, la rupture entre les Thomas, proprié- taires de la faïencerie de Saint-Clément et Gallé père et fils est consommée. Les Thomas ont sou- vent produit des modèles de Gallé signés uni- quement Saint-Clément. Nous pensons que ces pièces ont été exécutées avant la rupture de 1876 et mises sur le marché sans l’accord des Gallé. D’autre part, après 1876, Saint-Clément a produit des faïences à décor floral sur des formes du XVIIIe siècle, très proches de celles des Gallé, au moins jusqu’en 1896. Il n’y aura cependant pas de procès entre les Gallé et la manufacture de Saint-Clément Par contre, en 1879, Charles et Emile Gallé inten- tent un procès en contrefaçon à la faïencerie de Lunéville. Ils reprochent à ses dirigeants, Louis Edmond Keller et Auguste Edmond Guérin, d’avoir utilisé illicitement des dessins Herbier et Nuit japonaise, imaginés par Emile Gallé et déposé devant le Tribunal de Commerce de Nancy le 3 juin 1869. Ce dépôt avait en outre été réitéré le 1er juillet et le 1er août 1879 (Annabelle Héry, 1999). Charles et Emile Gallé font procéder le 4 octobre 1879 à une saisie de pièces liti- gieuses à Lunéville et dans deux magasins, Majorelle à Nancy et Lamival à Paris. Dans son jugement du 21 avril 1880, le Tribunal civil de Lunéville estime que le dépôt des dessins de Gallé effectué auprès du Tribunal de commerce de Nancy n’était pas conforme à la législation. En effet, la loi du 18 mars 1806 prescrivait le dépôt des dessins et modèles au Conseil des Prud’hommes. Cette loi n’a été abrogée que par celle du 14 juillet 1909 et les Prud’hommes ne sont plus dépositaires depuis la loi du 18 janvier 1979. En conséquence, les Gallé sont déboutés et condamnés à régler les frais de justice. Tirant les leçons de ce procès perdu, Emile Gallé déposera régulièrement à partir de 1880, tous ses modèles au Conseil des Prud’hommes de Nancy avec des lettres d’accompagnement. Cette institution n’a malheureusement pas conservé ces précieux documents. En 1879, Emile Gallé fait saisir à Vichy, dans un magasin appartenant à Victor Ameline, des faïences décorées par la faïencerie de Clairefontaine, mais sortant de moules apparte- nant à Emile Gallé. En effet depuis la rupture avec Saint-Clément, Emile Gallé collaborait avec Clairefontaine en Haute-Saône. Emile Rigal et Jules Sanejouand, les dirigeants de Clairefontaine, se défendent en disant qu’ils n’ont utilisé que les blancs refusés par Emile Gallé (lettre de Rigal et Sanejouand à Monsieur Gallé fils en date du 2 septembre 1879). En novembre 1879, les relations commerciales ces- sent totalement entre Nancy et Clairefontaine. Par jugement, du premier avril 1880, confirmé par la cour de Besançon le 25 août 1880 et É mile Gallé a été confronté à la contrefaçon dès ses premiers suc- cès. Pour se protéger des imitateurs ou copieurs, Charles et Emile Gallé déposent leurs modèles de verre et de faïence. Cette précaution ne leur évitera pas de perdre leur premier procès contre la faïencerie de Lunéville en 1880. Pendant toute la période d’oubli de l’Art nouveau, les copieurs cesseront toute activité. Avec le renou- veau d’intérêt pour l’art 1900, les faussaires se manifestent à nou- veau, d’abord timidement, puis, attirés par l’appât du gain, ils mettent en place une véritable industrie du faux. La plupart des artistes de l’époque 1900 sont copiés, mais c’est Emile Gallé, le plus célèbre d’entre eux, qui est le plus imité. L’objet de cet article est de rappeler l’histoire de la contrefaçon ancienne des " Gallé " et de faire le point sur la fraude de grande ampleur à laquelle nous assistons aujourd’hui. Lumière sur les FAUX GALLÉ LE PETIT JOURNAL DE L’ASSOCIATION DES AMIS DU MUSEE DE L’ECOLE DE NANCY N°3 AVRIL 2003 éditorial Emile Gallé: Décor «Nuit» pour céramique japonisante A gauche, «Les coprins», 1902, création d’Emile Gallé conservée au Musée de l’Ecole de Nancy, à droite sa grossière contrefaçon vendue sur internet. Les Muses inspiratrices sont parfois copieuses ! C’est le chemin obligé du développement d’une mode, d’une école, d’un style. Lorsqu’il s’agit d’art décoratif industriel lié à des matéria- lités telles qu’investissements, renta- bilité, commerce, osons le dire : argent, lorsque pour les artistes- industriels la survie économique ne tient qu’à la capacité de proposer sans cesse au marché des nouveautés exclusives, la vigilance et les tensions autour du droit de propriété artis- tique n’en sont que plus aiguës, tout particulièrement lorsque le microcos- me des entrepreneurs se concentre dans une grosse ville de province : Nancy. Les innovations artistiques et tech- niques d’Emile Gallé (1846-1904) sont déjà en leur temps sources de nombreuses copies, contrefaçons, plagiats en France, à l’étranger et tout particulièrement par ses compa- triotes lorrains. Le constater c’est affirmer définitivement le rôle initia- teur et majeur de l’artiste dans la création du style naturaliste de la fin du XIXe siècle, remarquer sa préémi- nence technique, le reconnaître comme géniteur de l’Alliance provin- ciale des industries d’art : l’Ecole de Nancy. Chercheur, novateur, créateur, pro- moteur par essence, Gallé a du mal a endosser le rôle d’inspirateur. Ainsi, vit-il d’abord très difficilement les incessants pillages, certainement parce qu’il sait plus que tout autre, les angoisses, les déceptions, les coûts liés aux errements, aux échecs, à la mise au point de ses innovations complexes, mais aussi parce qu’il s’est commercialement dépensé très tôt, sans compter, pour défendre, imposer, développer le succès commercial de ses productions d’un style nouveau. La moindre copie lui semble une inju- re à son art et un rapt de son investis- sement industriel et commercial. Ce n’est que plus tard, la reconnaissance et le réalisme économique aidant, parce qu’il sait que seule l’alliance des industriels lorrains pourra faire obs- tacle aux assauts de la concurrence étrangère en imposant collective- ment une offre puissante et homogè- ne, qu’il initie et prend la direction de l’Ecole (1901), outil de formation, de développement et de promotion, offi- cialisant de ce fait son leadership. Du jeune Louis Majorelle (1859- 1926) désireux de s’extraire du style “louisicoriental” et qui trouve dans les créations de son aîné le filon rénova- teur capable de moderniser les pro- ductions surannées des ateliers de feu son père, aux frères Daum (Antonin1864-1930, Auguste 1853- 1909) commerciaux géniaux qui flai- rent très tôt les confortables béné- fices qu’ils pourraient réaliser à bon prix en suivant pas à pas, non sans talent, les succès du maître, aux Muller, aux..., à... Gallé lui-même qui «récupère» Pierre Barbier, bras droit de Majorelle (1884) pour lancer son nouvel atelier d’ébénisterie. L’histoire de l’Ecole de Nancy est faite de ces espionnages, de ces emprunts et de ces admirations et frictions dont cer- taines œuvres imitatives ou hybrides portent jusqu’à nous le témoignage d’une intense et collective période de recherche et d’invention. Ils nous la rendent d’autant plus sympathique qu’elle nous apparaît authentique, humaine et malgré tout généreuse. Les dieux du commerce sont par- fois malhonnêtes ! C’est le travers obligé de ceux qui veulent se faire vite et beaucoup d’argent en jouant sur la crédibilité souvent des plus faibles. De nos jours, se multiplient dans le monde les contrefaçons inspirées d’œuvres d’Emile Gallé. Elles sont volontairement trompeuses sur leur origine par l’utilisation de fac similé de la signature du maître de Nancy. Elles défient jusqu’à présent impuné- ment les lois sur la contrefaçon, désorganisent le marché de l’Art, créent la suspicion et portent attein- te à l’image artistique du créateur lorrain. L’Association des Amis du Musée de l’Ecole de Nancy, appuyée par le S.N.C.A.O., dénonce vigoureu- sement cette imposture. Dans ce journal largement diffusé en France et à l’étranger, elle en appelle aux hommes de loi « pour que règne enfin la Justice » (Citation d’Hésiode mise en exergue par Gallé à l’Exposition Universelle de1900) Bernard PONTON PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION DES AMIS DU MUSÉE DE L’ECOLE DE NANCY 2 publié dans le Courrier de la Haute-Saône le 18 septembre 1880, le Tribunal civil de Vesoul donne tort à Ameline, Rigal et Sanejouand, qui sont som- més de cesser toute fabrication, ou mise en vente d’objets fabriqués avec les moules de Gallé, ou qui serait la reproduction plus ou moins altérée d’un de ses modèles, et ce, sous peine de 200 francs de dommages et intérêts pour chaque contravention constatée. Emile Gallé doit aussi faire face au plagiat pour le verre et le mobilier. Il est constamment hanté par la peur de voir ses concurrents le copier. Il réagit parfois de manière violente et n’est guère tendre avec eux ou avec les membres du jury de l’Exposition universelle de 1900 : «Et aussi quand les critiques imbéciles se déshabi- tueront-ils des assimilations entre les ingénieurs et la gent imitatrice, à laquelle ils tiennent à faire plaisir ?... Voici Majorelle et Daum qui ont été décorés pour m’avoir plagié…. Majorelle s’est fait renseigner sur la façon dont j'opère. Il a monté un atelier. Et c’est l’affreux dessinateur de ses mar- queteries qui a commencé de vilipender un art délicieux à peine né ! Voilà l’impudence moderne, voilà le uploads/s3/ papilionacees-pdf 1 .pdf

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