Document généré le 30 mars 2019 19:47 Circuit Musiques contemporaines Enjeux et
Document généré le 30 mars 2019 19:47 Circuit Musiques contemporaines Enjeux et évolution du système de notation dans Pression pour un(e) violoncelliste de Helmut Lachenmann François-Xavier Féron Contenir le sonore Volume 25, numéro 1, 2015 URI : id.erudit.org/iderudit/1029476ar https://doi.org/10.7202/1029476ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Les Presses de l’Université de Montréal ISSN 1183-1693 (imprimé) 1488-9692 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Féron, F. (2015). Enjeux et évolution du système de notation dans Pression pour un(e) violoncelliste de Helmut Lachenmann. Circuit, 25 (1), 55–66. https://doi.org/10.7202/1029476ar Résumé de l'article Cet article présente, dans les grandes lignes, le système de notation utilisé par Helmut Lachenmann dans Pression pour spécifier les actions que doit accomplir l’interprète sur les différentes parties du violoncelle (cordes, table d’harmonie, chevalet, cordier) mais aussi sur l’archet. Après avoir décrit succinctement les principales différences entre les deux éditions de l’oeuvre (1972 vs 2012), nous en expliquons cinq passages en montrant systématiquement les deux versions de la partition et en indiquant les minutages correspondant aux enregistrements vidéo de Lauren Radnofsky et David Stromberg. Ainsi le lecteur pourra apprécier la précision et l’évolution du système de notation, visualiser les gestes que réalisent les interprètes tout en suivant la partition et entrer ainsi pleinement dans l’univers sonore profondément inouï de cette oeuvre devenue un « classique » du répertoire pour violoncelle seul. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter en ligne. [https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/] Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. www.erudit.org Tous droits réservés © Les Presses de l’Université de Montréal, 2015 55 françois-xavier féron Enjeux et évolution du système de notation dans Pression pour un(e) violoncelliste de Helmut Lachenmann François-Xavier Féron Introduction En définitive, le son structuré est le seul type sonore à travers lequel on peut réaliser des conceptions sonores réellement nouvelles : avec lui, les conceptions de la forme et de la sonorité ne font qu’un. La forme est vécue alors comme une seule sonorité aux proportions gigantesques, dont nous explorons pas à pas la com- position, en passant dans l’écoute de chaque son isolé vers un autre, afin de nous rendre compte ainsi d’une conception sonore qui dépasse la simple expérience d’une simultanéité1. Dans ce texte fondateur intitulé « Typologie sonore de la musique contem- poraine » et rédigé à l’occasion d’une émission radiophonique diffusée sur la Westdeutscher Rundfunk de Cologne au printemps 1967, Helmut Lachenmann (né en 1935) expose quelques archétypes sonores lui permettant d’accéder « à la facture des œuvres nouvelles, en partant de leur sonorité2 ». Pour saisir pleinement cette idée de son structuré qui passe par la composi- tion d’un ensemble de structures sonores isolées mais formant un tout unifié, il suffit d’écouter Pression, œuvre pour un(e) violoncelliste composée en 1969- 1970 et révisée en 2010. Devenue aujourd’hui un « classique » du répertoire pour violoncelle seul3, Pression invite interprètes et auditeurs à découvrir la face cachée du violoncelle à travers le déploiement de techniques de jeu sin- gulières et souvent bruitistes dont la notation musicale traditionnelle peine à rendre compte. « Pour ma part, explique Lachenmann, je n’aime pas la ‘‘location’’ de bruits. En faire usage n’est pas un problème en soi, mais on doit trouver un contexte totalement différent qui leur donne un sens, qui rende ces choses signifiantes4. » Si Pression transgresse les canons de l’écriture et de 1. Lachenmann, 2009, p. 59. Le texte « Typologie de la musique contemporaine » a été rédigé en 1966, puis révisé en 1993. 2. Ibid., p. 37. 3. À l’heure où nous finalisons cet article, sept performances de l’œuvre peuvent être visualisées en libre accès sur Internet. Il existe par ailleurs une douzaine d’enregistrements audio édités par différentes maisons de disques. 4. Lachenmann, 2007, p. 80. 56 circuit volume 25 numéro 1 la pratique instrumentale, ce n’est pas dans l’idée de provoquer mais plutôt d’interroger l’écoute et, à travers elle, la notion de « beau » en musique. C’est en 1968 que le compositeur commence à « profaner le son, le dému- sicaliser en le présentant comme résultat direct ou indirect d’actions et de processus mécaniques5 » et qu’il pose ainsi les fondements de la musique concrète instrumentale dont Pression demeure, aujourd’hui, un exemple paradigmatique. Il faut néanmoins rappeler que la plupart des modes de jeu sont présents dans des œuvres antérieures comme temA (1968) ou Notturno (Musik für Julia) pour petit orchestre et violoncelle solo (1966-1968), œuvre charnière qui « montre de façon presque symbolique le passage à la nouvelle esthétique6 ». En revanche, c’est bien dans Pression que le compositeur met en place un système de notation tout à fait original lui permettant d’indiquer avec précision les actions que doit accomplir l’interprète et d’accéder ainsi à une extraordinaire palette de sonorités. Il n’est question, dans cet article, ni de retracer la genèse de l’œuvre ni d’en proposer une analyse détaillée sous le prisme des multiples modes de jeu qu’elle met en scène7, mais de présenter, dans les grandes lignes, le système de notation – et son évolution – grâce auquel Lachenmann spécifie ce que l’interprète doit faire avec/sur les différentes parties du violoncelle (cordes, table d’harmonie, chevalet, cordier) et de l’archet (mèche, baguette, bague) (figure 1). Le défi de la notation : représenter les actions et non les sons a) Pression, édition originale (Hans Gerig HG 865, 1972) Except for places where pitches are notated in the traditional manner, the notation of this piece does not indicate the sound, but the player’s actions, i.e. at what place on the instrument the right hand (bowing : note-stems point up) and left hand (stems point downwards) should operate8. Ce sont ces mots que l’interprète découvre sur la première page de l’édition originale de Pression publiée en 1972. La courte préface dont est extrait ce texte est rédigée en allemand et en anglais. Le compositeur signale que les indications graphiques et textuelles doivent guider l’interprète et que les traits verticaux indiquent l’unité temporelle de base (la noire). Il est précisé que l’instrument – qui est représenté verticalement – peut être amplifié (ad lib.) et que l’œuvre doit idéalement être jouée sans la partition (si ce n’est le cas, celle-ci doit alors être positionnée assez bas de sorte qu’on puisse voir le violoncelle et l’archet). S’offrent alors au violoncelliste huit pages (en mode portrait) contenant 30 systèmes où les actions à accomplir sont décrites gra- 5. Lachenmann, cité in Kaltenecker, 2001, p. 46-47. 6. Ibid., p. 47. 7. Pour une analyse détaillée de l’œuvre, se référer à Jahn, 1988. 8. Lachenmann, 1972, préface. 57 françois-xavier féron phiquement et textuellement (en allemand uniquement). Si les rythmes et nuances sont notés de manière traditionnelle, on ne rencontre en revanche presque jamais de hauteurs inscrites sur une portée. Dans l’imaginaire de Lachenmann, l’instrument est un nouvel objet, « un composé de différents ustensiles qu’il s’agit de désemboîter9 ». C’est en explo- rant individuellement le potentiel sonore de ces « ustensiles » que le compo- siteur structure le son et propose une nouvelle forme d’écoute. La scordatura (la bémol, sol, ré bémol, fa) permet d’abolir le rapport de quinte entre les cordes à vide, ce qui dénature déjà la sonorité typique du violoncelle. Celui-ci semble alors être scruté méticuleusement, pièce par pièce, de manière à offrir un ensemble de sonorités insolites allant du crissement suraigu à des bruits de souffle ou de frottement – parfois à peine audibles – en passant par toute une série de frappes, rebonds, pizzicati… C’est pour protester contre la banalisation du son que le compositeur cherche à révéler l’aspect énergétique qui se cache derrière chaque mode de production et chaque matériau (bois, crins, métal…). « Le son, explique-t-il, n’était alors plus compris comme un FIGURE 1 Description des principaux éléments constituant un violoncelle et un archet. 9. Kaltenecker, 2001, p. 67. 58 circuit volume 25 numéro 1 élément à varier sous l’aspect de l’intervalle, de l’harmonie, du rythme, du timbre, etc., mais avant tout comme le résultat de l’application d’une force mécanique sous des conditions physiques qui sont contrôlables et variables par la composition10. » Se pose alors la question de la notation : comment consigner par écrit une musique qui s’inscrit dans une telle perspective ? Si Lachenmann recourt de manière sporadique à des éléments de notation descriptive – qui dépeignent les sons eux-mêmes –, il privilégie surtout les éléments de notation prescriptive – qui informent sur la manière de produire les sons11. Malgré la qualité de son système de notation, certaines actions ne sont pas suffisamment bien explicitées pour parvenir au résultat sonore escompté. L’édition originale de Pression contient en effet de nombreuses zones d’incertitude quant à la réalisation de certains modes de jeu. C’est pourquoi la plupart des musiciens se confrontant à cette œuvre ont générale- uploads/s3/ circuit-25-1-feron-enjeux-et-evolution-du-systeme-de-notation-dans-pression-de-h-lachenmann.pdf
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- Publié le Dec 31, 2022
- Catégorie Creative Arts / Ar...
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