Communications 1. Lire l'image aztèque Joaquín Galarza Citer ce document / Cite

Communications 1. Lire l'image aztèque Joaquín Galarza Citer ce document / Cite this document : Galarza Joaquín. 1. Lire l'image aztèque. In: Communications, 29, 1978. Image(s) et culture(s) pp. 15-42; doi : https://doi.org/10.3406/comm.1978.1431 https://www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_1978_num_29_1_1431 Fichier pdf généré le 10/05/2018 Joaquin Galarza 1. Lire « l'image aztèque » LE MANUSCRIT ET LE CODEX TOVAR. Le jésuite Juan de Tovar (1543P-1626), missionnaire au Mexique, essaya de présenter dans un ouvrage une synthèse des traditions historico-légendaires des Aztèques. Son manuscrit, que l'on suppose écrit en 1587, disparut. Utilisé par l'historien Acosta en 1608, il ne fut publié qu'au xixe siècle. La Relaciôn del origen de los Yndios... appelée plus tard Manuscrit Tovar a été éditée plusieurs fois sous ce titre. Ce qui nous paraît intéressant dans le travail de J. de Tovar, c'est l'utilisation des connaissances et des écrits des savants indiens rescapés du massacre de la conquête et de la colonisation espagnoles. Il put même avoir à son service plusieurs peintres traditionnels des manuscrits pictographiques. C'est ainsi que les planches que le prêtre demanda comme « illustrations » pour son livre dépassèrent de beaucoup leur rôle de simples « images ». Les auteurs indiens s'exprimèrent avec les moyens picturaux traditionnels de l'écriture aztèque dans laquelle ils excellaient. Les « tableaux » passèrent ainsi de la simple , illustration européenne au « texte imagé » hérité de leurs ancêtres. C'est pourquoi nous parlons du Codex Tovar quand nous nous référons aux trente-deux planches du Manuscrit Tovar, bien que nous sachions qu'elles ne constituent pas exactement un codex dans le sens strict du terme. Mais les éléments des « tableaux » du Codex Tovar sont dignes de figurer dans ou d'être extraits de l'une de ces productions écrites et peintes de la tradition indigène. Dans notre recherche, nous avons employé les « tableaux » indiens et le texte espagnol de la dernière édition du Manuscrit Tovar, auxquels nous renvoyons le lecteur qui voudrait connaître le document en entier (fiche bibliographique) : Manuscrit Tovar. Origines et croyances des Indiens du Mexique. Relaciôn del origen de los Yndios que havitan en esta Nueva Espana segun sus Historias. Tratado de los ritos y ceremonias y Dioses que en su gentilidad usavan los Indios de esta Nueva Espana. Éd. établie d'après le manuscrit de la John Carter Brown Library par Jacques Lafaye. Graz, Austria, Akademische Druck-u. Verlagsanstalt, 1972, 73, 328 p., 27 cm., 20 pi. noir, 32 pi. en coul. (Coll. UNESCO d' œuvres représentatives, série ibéro-amé- ricaine). INTRODUCTION. Nous n'avons pas la prétention, (et ce serait un effort inutile en si peu d'espace) d'entreprendre ici une démonstration des résultats d'une longue recherche sur tous les aspects de Yécriture aztèque, qui après vingt ans d'analyses métho- 15 Joaquin Galarza , diques, permet seulement de commencer à établir la démarche scientifique pour aboutir au décryptage, au déchiffrement complet de cette écriture. Nous voulons uniquement présenter comme exemple un cas précis, l'un des aspects tardifs et mixtes de ce complexe et double système. Complexe, parce que mélange étonnant, étrange de peinture et de phonétisme. Double, puisqu'il joint à la transcription complète d'une langue, la composition plastique, graphique du peintre, du dessinateur. Celui qui était chargé officiellement de la réaliser matériellement, c'est-à-dire, de la fixer, de la perpétuer sur papier indigène, peau ou tissu, devait à la fois réunir les qualités du savant et de Yartiste. Du savant, car il était nécessaire de posséder toutes les connaissances de l'époque pour pouvoir les transmettre. De Yartiste, car il fallait être doué pour le dessin et la peinture avant d'être choisi et instruit dans le difficile métier de tlacuilo (de tlacuiloa- peindre, écrire). Nous avons parlé d'un double système, ou bien d'un système formé de deux sous-systèmes. En effet, il s'agit de l'emploi formel et profond de deux sortes « d'images », qui en réalité se fondent en une seule manifestation plastique. Il est impossible de donner ici l'utilisation de toutes les nuances du dessin dans l'écriture aztèque. Mais nous pouvons déjà dire qu'au niveau des dimensions et proportions des dessins, il en existe deux sortes : les « petites images » et les « grandes images ». Les « petites » étant celles appelées « glyphes », dont certains transcrivent des noms de lieux et des noms de personnes. Ce sont les seuls éléments de cette écriture reconnus officiellement jusqu'à présent comme des mots. Les autres, quoique des mots aussi, sont ignorés ou interprétés par le spécialiste. Les mêmes formes et les mêmes couleurs propres aux « petites images » s'agrandissent et deviennent les « grandes images » ou « icônes ». Ce sont également des produits de la même convention plastique et grammaticale. Ni les formes ni les associations ne changent. Leur rôle est le même : transcrire la langue nahuatl. Mais le fait que le peintre-écrivain, d'après sa tradition picturale et grammaticale dans l'espace, les arrange dans des compositions graphiques sous forme de « paysages », de « portraits », de « scènes », en somme de « tableaux », paraît aberrant et illogique à l'œil non indien et à la conception européenne de l'image. Formes et couleurs se combinent sous tous les aspects variés que les tlacuilo, dessinateurs-écrivains de plusieurs civilisations méso-amérindiennes, leur ont donnés. Car l'écriture aztèque traditionnelle est l'emploi continuel et à plusieurs niveaux de « l'image » (avant l'arrivée des Espagnols, après la conquête, pendant la colonisation). Les mots, les phrases, les paragraphes sont des « images » qui vont de la plus simple à la plus complexe. Elles restent toujours des « images » jusqu'au xvme siècle, époque à laquelle elles disparaissent de cette forme d'écriture pour devenir ce qu'elles sont en Europe, exclusivement des illustrations. ' Les formes stylisées et conventionnelles sont celles des objets réels tirés de l'environnement naturel : plantes, animaux, parties du corps humain; et fabriqués par l'homme : outils, instruments, ustensiles, etc. Tout en étant stylisés, ces objets gardent assez de réalité pour pouvoir être reconnus. Il est indispensable de les identifier pour prononcer leurs noms et en tirer les syllabes transcrites. Ce sont des « images » coloriées, limitées d'un trait noir qui en constitue les contours et en précise les formes. Les couleurs s'étendent, remplissant les surfaces par une technique de lavis. Chaque forme définie possède sa couleur ou ses couleurs propres, qui dans ce cas ne sont pas prononçables. C'est le remplacement de la couleur propre par une 16 Lire « V image aztèque » autre couleur qui indique graphiquement que la couleur nouvelle doit être prononcée. Les couleurs sont employées de la même manière que les objets à forme définie, tout en étant contenues dans ces formes. On les reconnaît, on les prononce afin de tirer de leurs noms les syllabes nécessaires à la formation des mots. C'est pourquoi, nous les appelons des couleurs phonétiques. Le tlacuilo joue avec toutes les qualités de son art, avec toutes les possibilités de sa technique graphique, tout en suivant les contraintes de la convention plastique traditionnelle et de la grammaire nahuatl. Ce qui rend difficile la compréhension de cette écriture, c'est l'utilisation absolue des « images ». Il faut connaître, d'une part, le système plastique pour traduire le code, et, d'autre part, la langue nahuatl, pour suivre l'un et l'autre conjointement et arriver jusqu'à la lecture complète des « tableaux ». La difficulté majeure pour l'Européen est celle de « voir » les dessins autrement que comme des « illustrations », mais en tant que transcriptions de mots, comme un texte précis dans une langue déterminée. Les « images » aztèques traditionnelles sont le « texte » même. Il n'y a pas dans la conception indigène de séparation du texte et de l'illustration, comme en Europe. Ce sont des « images-texte », et elles le restent jusqu'au xvine siècle malgré l'adoption des caractères latins, puisque ces caractères viennent s'intégrer dans les dernières manifestations traditionnelles pour les compositions devenues plus complexes, car on a réussi à fondre et à mélanger dans une même composition plastique-phonétique des « images-texte » et des « lettres-texte ». Dans ces « images » de l'écriture aztèque, tous les « paramètres » ou qualités du dessin entrent en jeu : les formes, les couleurs, les associations graphiques, la distribution dans l'espace pour la mise en pages, etc. C'est pourquoi la « qualité » exigée, en premier lieu, du futur tlacuilo, est celle de dessinateur ou peintre-né; il doit pouvoir s'exprimer plastiquement, graphiquement. A cette double difficulté ou qualité venait s'ajouter celle de l'expression artistique, qui laisse à l'artiste le recours de l'utilisation de Y espace dans sa transcription linguistique. Espace qui est très riche et polyvalent puisque le système de l'écriture traditionnelle aztèque s'étend sans contrainte sur toute la surface de la « feuille ». Nous précisons « sans contrainte », car ce n'est ni sur des lignes droites ni sur des rangs verticaux ou horizontaux que se déroule la transcription de la langue nahuatl d'après les conventions de ce système. Les contraintes, en effet, ne sont que celles, plastiques ou grammaticales, qui se fondent uploads/s3/ comm-0588-8018-1978-num-29-1-1431.pdf

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