Partie II. Le Surréalisme et la Photographie Qu’est-ce-que le surréalisme ? Les
Partie II. Le Surréalisme et la Photographie Qu’est-ce-que le surréalisme ? Les mouvements d’avant-garde ont changé la définition de l’œuvre d’art, leurs relations avec le public et ils ont introduit d’importants changements sur la forme et les matériaux. Au même temps, ils ont essayé de destituer le musée comme institution légitimatrice et ils ont pluralisé les espaces de diffusion de l’art. Le terme « avant- garde » qui fait référence à une expression militaire a commencé à être utilisé au sens artistique dans l’époque romantique. La popularité de cette métaphore est venue avec le futurisme, mais il est difficile de cerner tous les groupes qui l’ont expérimentée formellement et théoriquement dans le champ de l’art en cette époque. Dans les trois décennies suivantes nous trouvons une prolifération des réponses artistiques considérées comme des mouvements d’avant-garde, toutes différentes, dans une grande variété de pays européens. Les réponses, les relations et les inspirations partagées ont été d’une magnitude qui échappe à notre recherche. Selon les historiens de l’art, les avant-gardes sont nées en 1905 avec l’expressionisme allemand et elles sont mortes en 1939 à cause de la Deuxième Guerre mondiale. Ces dates correspondent à la genèse de cette révolution dans l’art, et la production artistique suivante n’est que le reflet des influences des mouvements originaux. Avec le surréalisme, le cas est intéressant car les auteurs comme Walter Benjamin et Maurice Nadeau affirment qu’il est né en 1919 et mort en 1939. Mais, après cette date nous trouvons des productions liées au surréalisme chez des artistes comme Salvador Dalí, Louis Aragon, même André Breton qui a sorti son Anthologie sur l’humour noir en 1940 et Arcane 17 en 1944. Le mouvement trouvait une audience dans toute l’Europe, en Afrique, en Asie et surtout en Amérique. Le groupe plus formel se disperse avec la morte d’André Breton en 1966. Par définition le surréalisme était plus qu’un mouvement. En suivant Walter Benjamin et d’autres théoriciens et historiens, cette avant-garde ne cherchait pas seulement à établir un changement dans le monde de l’art, mais dans les pratiques quotidiennes. Ils ont poussé la « vie littéraire » aux limites, ils ont mis en question la raison d’être de la civilisation occidentale qui les a envoyés à la guerre pour souffrir un terrible destin : la mort. Ils proposent un regard plein d’espoir sur l’existence de l’homme qui le projette dans « une sorte d’au-delà de la vie naturelle »1 pour découvrir 1 Ferdinand Alquié, Philosophie du surréalisme (Paris: Flammarion, 1977). le Monde sous les verres du merveilleux. Ce merveilleux va être présent dans la vie quotidienne, dans la transfiguration de cette quotidienneté, les surréalistes y trouveront le paradis. Cette transfiguration se fait dans l’exploration de la folie, de l’inconscient, dans tous ces états qui font que l’homme perd le contrôle de soi-même. L’attitude des surréalistes face à ces états était suffisamment passive pour qu’ils fussent interpelés le plus profondément possible par les images qu’ils produisaient. L’exploration de ces états avait comme but de faire connaitre tout ce qui permet à l’homme d’échapper à ses mandats sociaux et de retrouver toute sa liberté. C’est pour cette raison que le surréalisme était contre la morale, le système de valeurs économiques, politiques et artistiques de la bourgeoisie. « Cette révolution poétique a été rendue possible par une révolution intime de l’homme et de ses rapports avec le monde. Vingt siècles d’oppression chrétienne n’ont pu faire que l’homme n’ait encore des désirs, et l’envie de les satisfaire. Le surréalisme proclame la toute-puissance du désir, et la légitimité de sa réalisation. (…) A l’objection que l’homme vit en société, le surréalisme répond par la volonté de destruction totale des liens imposés par la famille, a morale, la religion. »2 Le rejet de la bourgeoisie à toute manifestation radicale de liberté intellectuelle « a poussé le surréalisme vers la gauche »3 et sa liaison avec le Parti Communiste. Cette liberté signifiait que le désir était le protagoniste. Sur ce point, Véronique Bartoli- Anglard précise : « L’individu doit récupérer ses pouvoirs perdus et s’accomplir dans l’union avec la femme conçue, de façon idéale, comme la médiatrice. »4. Cette formule est intéressante pour expliquer la place donnée aux femmes non comme des individus mais comme une espèce de pont pour accéder au pouvoir. Ferdinand Alquié dans sa réflexion sur Poisson soluble d’André Breton et le but du surréalisme propose l’idée que cet espoir d’existence se manifeste sous les joies sexuelles et amoureuses. Sur ce point, Breton montre qu’il a la même idée de beauté de Platon : il ne sépare pas l’émotion que la beauté lui cause de l’émotion érotique. À l’origine, le surréalisme était une nouvelle façon de penser et de représenter la réalité, à travers une recherche constante de surréalité. André Breton voit le réalisme comme une esthétique médiocre et plate dont les œuvres étaient habituellement de longs romans avec des descriptions minutieuses. Le roman est devenu la forme quasi universelle de littérature parce qu’il répondait aux lois de la logique. Cette attitude 2 Maurice Nadeau, Histoire du surréalisme, Points Essais 1 (Paris: Éd. du Seuil, 1991). 3 Walter Benjamin, Oeuvres. 2. 2. (Paris: Gallimard, 2005). 4 Véronique Anglard, Le surréalisme, Collection Nathan-Université Série « Études linguistiques et littéraires » (Paris: Nathan, 1989). antiréaliste a fait que Nadja présente une sélection de photographies pour éviter les descriptions et sa structure ne reprend pas celle du roman classique avec des chapitres bien définis. Les textes programmatiques, c’est-à-dire les manifestes, sont considérés comme une caractéristique spécifique des mouvements des avant-gardes. Les artistes théorisaient leurs visions de l’art et écrivaient des essais où nous trouvons des espèces de recettes pour réussir dans une certaine esthétique. Les surréalistes n’ont pas fait exception par rapport à leurs prédécesseurs et contemporains sur ce point. Avant le Manifeste du Surréalisme écrit et publié par André Breton en 1924, nous avons déjà le Manifeste du futurisme de Filippo Tommaso Marinetti de 1909 et le Manifeste Dada de Tristan Tzara de 1918. André Breton dans ce texte nous donne une définition du surréalisme déjà accueillie par Apollinaire qui associe tout le mouvement à une méthode : l’écriture automatique. « SURRÉALISME, n. m. Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale.5 » Cette première définition comme dit le même André Breton dans Qu’est-ce-que le surréalisme ?, texte postérieur au Manifeste, fait partie du premier moment du mouvement où la priorité était le primat de la pensée sur la matière. L’auteur caractérise cette période comme intuitive et idéaliste. Le but du surréalisme selon l’auteur est la libération de l’esprit, mais pour y réussir, la libération de l’homme est le premier pas. Le mot surréalisme exprime « une volonté d’approfondissement du réel, de prise de conscience toujours plus nette en même temps que toujours plus passionnée du monde sensible »6. La méthode était de ne pas conserver un seul système de connaissance pour faire cette recherche du réel. André Breton différencie deux types de réalités, l’une extérieure aux hommes et l’autre intérieure qui devait devenir une. Ces deux réalités sont en contradiction constante à cause du régime social et cette contradiction est la raison du malheur de l’homme. Donc, André Breton croit que la révolution des états du rêve et de la réalité est la surréalité, une espèce de réalité associant absolument le monde et l’esprit. Selon Aragon, le réel n’a rien à voir avec l’essence des choses, le réel 5 André Breton, Qu’est-ce que le surréalisme? (Paris: Actual [u.a.], 1986). 6 Breton. n’est qu’un rapport comme « le hasard, l’illusion, le fantastique, le rêve »7. La surréalité concilie et réunit tous ces rapports dans le même genre. Les surréalistes ont été influencés par les théories freudiennes de l’inconscient. Par exemple, la définition de « unheimlich », l’inquiétante étrangeté, du psychanalyste est bien présent dans l’imaginaire surréaliste. Après le contraste entre différentes définitions du mot « heimlich » saisi en deux groupes de sens : le premier comme le confortable et le familier ; le deuxième comme le dissimulé, le caché. Sigmund Freud reconnaît l’« unheimlich » comme « ce qui aurait dû rester caché, secret »8 mais qui se manifeste. Dans la littérature fantastique il reconnaît différents motifs comme générateurs d’inquiétante étrangeté : le double, le fantôme, les peurs de l’enfance, et il inclut aussi l’épilepsie et la folie. L’ « unheimlich » surprend quand les limites entre l’imagination et la réalité sont effacées, « ce que nous tenions pour fantastique s'offre à nous comme réel, où un symbole prend l'importance et la force de ce qui était symbolisé et ainsi de suite. »9 Les théories freudiennes n’ont pas été le seul emprunt des surréalistes, André Breton explique dans son Manifeste Surréaliste avoir utilisé des méthodes pour obtenir un monologue sans aucun jugement, rapide où le sujet ne juge pas ses résultats ou son écriture. uploads/s3/ ii-le-surrealisme-et-la-photographie-le-surrealisme.pdf
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- Publié le Dec 16, 2022
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