Indépendance et néocolonialisme en Afrique Bilan d’un courant dévastateur © L ’

Indépendance et néocolonialisme en Afrique Bilan d’un courant dévastateur © L ’Harmattan, 2011 5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-13931-2 EAN : 9782296139312 Pierre Ndoumaï Indépendance et néocolonialisme en Afrique Bilan d’un courant dévastateur L ’Harmattan À Silas, mon père, À Marie, ma mère, dont l’espoir et l’espérance sont pour moi une abondante source d’inspiration. Épigraphie Pour aimer les hommes, il faut détester ce qui les opprime. Jean-Paul Sartre Chaque fois qu’un homme a fait triompher la dignité de l’esprit, chaque fois qu’un homme a dit non à une tentative d’asservissement de son semblable, je me suis senti solidaire de son acte. Frantz Fanon Remerciements Je tiens à remercier le professeur Kasereka Kavwahirehi pour ses encouragements et ses remarques pertinentes tout au long de la recherche qui a mené à la rédaction de ce livre. T oute ma reconnaissance au Dr Zachée Betché pour avoir lu mon manuscrit et formulé des remarques pertinentes. Mes remerciements vont aussi à tous les autres collègues et amis qui ont lu en partie ou en totalité mon manuscrit. Leur contribution est très appréciée. Je ne saurais oublier ma famille qui est une inestimable source de soutien, d’encouragement et d’inspiration. J’aimerais enfin rendre un hommage mérité à tous ceux qui ont fait de la cause de l’Afrique leur raison d’être. Nous avons un devoir de révérence envers tous ces martyrs, ces exilés et ces prisonniers pour leur soutien sans réserve et au péril de leur vie à une libération totale de l’Afrique de toute forme d’exploitation. Introduction L’an 2010 marque le cinquantenaire des indépendances dans plusieurs pays d’Afrique1. Après un demi-siècle de post-colonie, il est plus que jamais temps pour l’Afrique d’être face à elle-même et de procéder à une introspection. Elle n’a pas de choix que de faire face à la vérité qui peut être décevante, mais nécessaire si elle aspire à un avenir meilleur. Il n’est pas nécessaire de faire des détours pour reconnaître que les nouvelles sur l’Afrique ne sont pas bonnes. Le PIB par habitant est en deçà de ce qui prévalait dans les années 60 du siècle dernier. De même, la part de l’Afrique dans les échanges mondiaux était meilleure à l’époque des indépendances. Cette marginalisation du continent noir est une très mauvaise nouvelle dans un monde où prédomine le néolibéralisme économique marqué par une concurrence féroce. Dans la mesure où la globalisation impose ses lois en favorisant les multinationales qui asphyxient l’économie locale dans les pays en voie de développement, la situation économique d’une Afrique qui a non seulement de la difficulté à décoller, mais qui a régressé par rapport à sa situation d’il y a 50 ans est très préoccupante. Une majorité d’Africains vit avec moins d’un dollar par jour, ce qui témoigne d’un état de pauvreté pathétique. Pourtant, il y a une élite qui met la main sur les richesses dans les différents pays et s’en sert à volonté au détriment des masses populaires. Cette situation a favorisé la corruption généralisée au point où dans certains pays, elle ne se pratique plus en cachette, mais au vu et au su de tous. Il n’est point besoin de dire que dans un tel contexte, le taux de chômage est exorbitant. Du point de vue de la santé, la situation n’est pas moins déplorable. Le VIH/SIDA et le paludisme entre autres font rage en Afrique plus qu’ailleurs. L’accès aux soins de santé est le plus en retard à travers le monde. L’autosuffisance alimentaire qui est loin d’être atteinte apporte son lot de malheur aux problèmes de santé. L’insécurité en Afrique qui est un véritable frein au développement est si préoccupante qu’elle absorbe 65% des travaux du Conseil de sécurité de l’ONU. Même la Côte d’Ivoire qui était perçue comme l’un des pays les plus stables d’Afrique de l’Ouest a fini par sombrer dans la guerre civile. Les mouvements armés prennent de plus en plus de l’ampleur sur le continent noir et menacent sérieusement les espoirs de paix. Du côté de la gouvernance, en général, la situation est très inquiétante. En effet, environ 75% des gouvernants africains ont quitté leurs fonctions dans un contexte de violence. Plusieurs de ceux qui sont en poste présentement sont loin d’être au-dessus de tout soupçon soit parce qu’ils ont été portés au pouvoir par uncoup d’État, soit par un hold-up électoral. Il se pose dans les deux cas un problème de légitimité et d’autorité morale qui servent de prétexte aux mouvements armés. La corruption, la gabegie, le népotisme, le favoritisme, les détournements des deniers publics sont autant de maux qui sont dénoncés dans les discours, mais qui persistent dans le vécu quotidien. Certains gouvernants semblent en tirer parti. Sur le plan social, il n’y a que les naïfs qui croient en une Afrique unie. L’observateur attentif remarquera au contraire qu’il existe une fracture sociale qui est la conséquence directe du tribalisme et du clanisme qui minent la cohésion et la paix sociales. Bref, l’Afrique est malade. Elle se doit de considérer chacun de ces problèmes et bien d’autres afin d’établir les responsabilités et d’engager des actions concrètes en vue d’un changement de nature profonde. Il lui revient de prendre ses responsabilités et son destin en main. Même s’il est vrai que la situation actuelle de l’Afrique est attribuable dans une certaine mesure à son exploitation par les autres, il n’en demeure pas moins vrai que c’est à elle qu’incombe la responsabilité de plusieurs autres comportements qui se situent aux antipodes de ce qui peut réellement faire son bien. C’est à l’Afrique d’engager des réformes sérieuses au niveau interne et de se libérer du joug de ceux qui l’ont exploitée par le passé et qui continuent à le faire sous une forme plus subtile de nos jours. La liberté a un prix et l’Afrique se doit de le payer en vue d’un avenir meilleur. L’Afrique va mal, mais elle n’est pas dans l’agonie comme le prétendent les Afro-pessimistes. La postcolonie a été globalement un échec, mais plusieurs signes d’espoir existent et c’est sur ces acquis que le continent noir peut bâtir un avenir sûr. On a longtemps clamé que la démocratie ne convient pas aux Africains. Cet argument tombe en désuétude au regard de son avancée dans plusieurs pays d’Afrique tels que le Mali, le Bénin, le Sénégal, le Botswana, le Ghana, l’île Maurice et l’Afrique de Sud. 1 1960 est l’année symbolique de la décolonisation de l’Afrique dans la mesure où dix-sept États africains ont accédé à l’indépendance cette année-là. Voici la liste de ces pays classés selon l’ordre chronologique : Cameroun, Sénégal, T ogo, Madagascar, Congo-Léopoldville (République Démocratique du Congo), Somalie, Dahomey (Bénin), Niger, Haute-Volta (Burkina), Côte d’Ivoire, T chad, Centrafrique, Congo-Brazzaville, Gabon, Soudan français (Mali), Nigeria, Mauritanie. Chapitre 1 : Le néocolonialisme en marche L’histoire des peuples est une histoire de lutte des opprimés contre les oppresseurs. Ce constat est vrai pour l’Afrique. Dans son histoire récente, l’Afrique a été prise en otage par les esclavagistes, puis par les colons. Les années 60 du siècle dernier marquaient un tournant dans cette histoire. En effet, les mouvements nationalistes avaient contraint les puissances colonialistes à acquiescer à leur réclamation d’indépendance. Les archives témoignent du sentiment de satisfaction ressentie par l’Afrique à cette époque. En 2010, plusieurs pays d’Afrique célèbrent le cinquantenaire de cet évènement. Après un demi-siècle depuis ces temps mémorables, il devient important, voire nécessaire, de s’arrêter pour évaluer le parcours. La première interrogation devrait concerner la nature même de ces indépendances. Dans la mesure où le néocolonialisme a supplanté le colonialisme dès la proclamation des indépendances, le moins qu’on puisse dire c’est qu’en réalité, les pays africains n’ont eu que l’illusion de la liberté. Alors qu’il était encore président du Sénégal, Léopold S. Senghor a eu le courage de l’énoncer en des termes suffisamment clairs en affirmant ceci : « sous le régime colonial, on pouvait protester, on avait le peuple avec soi. Aujourd’hui, on est colonisé et on ment au peuple en disant qu’on est libre1. » Par conséquent, la question aujourd’hui ne concerne pas l’état de la consolidation des indépendances, mais plutôt celui de la lutte contre le néocolonialisme. Il semble malheureusement que certains demeurent encore dans l’illusion des indépendances et ne réalisent pas le désenchantement face à la réalité des rapports des pays africains avec les anciennes métropoles. Pour montrer l’actualité du néocolonialisme, ce chapitre s’appuiera largement sur l’allocution prononcée par le Président français Nicolas Sarkozy à Dakar en 20072 et celle qu’il a prononcée au Cap une année plus tard. Ces allocutions ont la particularité de révéler au grand jour que le néocolonialisme est d’une actualité brûlante dans les rapports des ex-colonies avec les anciennes métropoles. Allocution de M. Nicolas Sarkozy à Dakar Le 26 juillet 2007, le président français Nicolas Sarkozy s’est donné la mission de s’adresser aux Africains à partir d’une tribune symbolique, l’université Cheikh Anta Diop. Cette tribune revêt une importance capitale, car elle porte le nom de celui qui a résolument lutté contre la falsification de l’histoire et uploads/s3/ independance-et-neocolonialisme-en-afrique-pierre-ndoumai-pdf.pdf

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