18FRESPO3 Baccalauréat général – Séries ES/S – Session 2018 1/6 Épreuve anticip

18FRESPO3 Baccalauréat général – Séries ES/S – Session 2018 1/6 Épreuve anticipée de français BACCALAURÉAT GÉNÉRAL SESSION 2018 ÉPREUVE ANTICIPÉE DE FRANÇAIS SÉRIES ES - S Durée de l’épreuve : 4 heures Coefficient : 2 Dès que le sujet vous est remis, assurez-vous qu’il est complet. Ce sujet comporte 6 pages numérotées de 1/6 à 6/6. L’usage des calculatrices est interdit. Le candidat s’assurera qu’il est en possession du sujet correspondant à sa série. 18FRESPO3 Baccalauréat général – Séries ES/S – Session 2018 2/6 Épreuve anticipée de français Objet d’étude : Le personnage de roman, du XVIIe siècle à nos jours. Le sujet comprend : Texte A : Marguerite YOURCENAR, Mémoires d’Hadrien, 1951 Texte B : Emile ZOLA, L’Œuvre, chapitre 9, 1886 Texte C : Louis ARAGON, Aurélien, Epilogue, chapitre IV, 1944 18FRESPO3 Baccalauréat général – Séries ES/S – Session 2018 3/6 Épreuve anticipée de français Texte A : Marguerite YOURCENAR, Mémoires d’Hadrien, 1951 Marguerite Yourcenar imagine qu’au soir de sa vie, l’empereur romain Hadrien écrit ses mémoires sous forme d’une longue lettre adressée à Marc, son petit-fils adoptif âgé de dix- sept ans. L’extrait proposé est le début du roman. Mon cher Marc, Je suis descendu ce matin chez mon médecin Hermogène, qui vient de rentrer à la Villa après un assez long voyage en Asie. L'examen devait se faire à jeun : nous avions pris rendez-vous pour les premières heures de la matinée. Je me suis couché sur un lit après m'être dépouillé de mon manteau et de ma tunique. Je t'épargne des détails qui te seraient 5 aussi désagréables qu'à moi-même, et la description du corps d'un homme qui avance en âge et s'apprête à mourir d'une hydropisie du cœur. Disons seulement que j'ai toussé, respiré, et retenu mon souffle selon les indications d'Hermogène, alarmé malgré lui par les progrès si rapides du mal, et prêt à en rejeter le blâme sur le jeune Iollas qui m'a soigné en son absence. Il est difficile de rester empereur en présence d'un médecin, et difficile aussi 10 de garder sa qualité d'homme. L'œil du praticien ne voyait en moi qu'un monceau d'humeurs1, triste amalgame de lymphe et de sang. Ce matin, l'idée m'est venue pour la première fois que mon corps, ce fidèle compagnon, cet ami plus sûr, mieux connu de moi que mon âme, n'est qu'un monstre sournois qui finira par dévorer son maître. Paix... J'aime mon corps ; il m'a bien servi, et de toutes les façons, et je ne lui marchande pas les soins 15 nécessaires. Mais je ne compte plus, comme Hermogène prétend encore le faire, sur les vertus merveilleuses des plantes, le dosage exact de sels minéraux qu'il est allé chercher en Orient. Cet homme pourtant si fin m'a débité de vagues formules de réconfort, trop banales pour tromper personne ; il sait combien je hais ce genre d'imposture, mais on n'a pas impunément exercé la médecine pendant plus de trente ans. Je pardonne à ce bon 20 serviteur cette tentative pour me cacher ma mort. Hermogène est savant ; il est même sage ; sa probité2 est bien supérieure à celle d'un vulgaire médecin de cour. J'aurai pour lot d'être le plus soigné des malades. Mais nul ne peut dépasser les limites prescrites ; mes jambes enflées ne me soutiennent plus pendant les longues cérémonies romaines ; je suffoque ; et j'ai soixante ans. 25 Ne t'y trompe pas : je ne suis pas encore assez faible pour céder aux imaginations de la peur, presque aussi absurdes que celles de l'espérance, et assurément beaucoup plus pénibles. S'il fallait m'abuser, j'aimerais mieux que ce fût dans le sens de la confiance ; je n'y perdrai pas plus, et j'en souffrirai moins. Ce terme3 si voisin n'est pas nécessairement immédiat ; je me couche encore chaque nuit avec l'espoir d'atteindre au matin. A l'intérieur 30 des limites infranchissables dont je parlais tout à l'heure, je puis défendre ma position pied à pied, et même regagner quelques pouces du terrain perdu. Je n'en suis pas moins arrivé à l'âge où la vie, pour chaque homme, est une défaite acceptée. Dire que mes jours sont comptés ne signifie rien ; il en fut toujours ainsi ; il en est ainsi pour nous tous. 1 Humeurs : liquides du corps. 2 Sa probité : son honnêteté morale. 3 « Ce terme » désigne ici la fin de sa vie. 18FRESPO3 Baccalauréat général – Séries ES/S – Session 2018 4/6 Épreuve anticipée de français Texte B : Emile ZOLA, L’Œuvre, chapitre 9, 1886 Le peintre Claude Lantier travaille à un très grand tableau comportant une figure féminine nue pour laquelle il fait poser son épouse Christine. Il ne parvient pas à obtenir le résultat souhaité et repense alors au tout premier tableau, très réussi, qu’il avait réalisé d’elle des années auparavant. « Aussi, ma chère, tu n’es plus comme là-bas, quai de Bourbon1. Ah ! mais, plus du tout ! … C’est très drôle, tu as eu la poitrine mûre de bonne heure. Je me souviens de ma surprise, quand je t’ai vue avec une gorge2 de vraie femme, tandis que le reste gardait la finesse grêle de l’enfance… Et si souple, et si frais, une éclosion de bouton, un charme de printemps… Certes, oui, tu peux t’en flatter, ton corps a été bigrement bien ! » 5 Il ne disait pas ces choses pour la blesser, il parlait simplement en observateur, fermant les yeux à demi, causant de son corps comme d’une pièce d’étude3 qui s’abîmait. « Le ton4 est toujours splendide, mais le dessin, non, non, ce n’est plus ça ! … Les jambes, oh ! les jambes, très bien encore : c’est ce qui s’en va en dernier, chez la femme… Seulement, le ventre et les seins, dame ! ça se gâte. Ainsi, regarde-toi dans la glace : il y a 10 là, près des aisselles, des poches qui se gonflent, et ça n’a rien de beau. Va, tu peux chercher sur son corps, à elle, ces poches n’y sont pas. » D’un regard tendre, il désignait la figure couchée5 ; et il conclut : « Ce n’est point ta faute, mais c’est évidemment ça qui me fiche dedans… Ah ! pas de chance ! » 15 Elle écoutait, elle chancelait, dans son chagrin. Ces heures de pose, dont elle avait déjà tant souffert, tournaient maintenant à un supplice intolérable. Quelle était donc cette nouvelle invention, de l’accabler, avec sa jeunesse, de souffler sur sa jalousie, en lui donnant le regret empoisonné de sa beauté disparue ? Voilà qu’elle devenait sa propre rivale, qu’elle ne pouvait plus regarder son ancienne image, sans être mordue au cœur 20 d’une envie mauvaise ! Ah ! que cette image, cette étude faite d’après elle, avait pesé sur son existence ! Tout son malheur était là : sa gorge montrée d’abord dans son sommeil ; puis, son corps vierge dévêtu librement, en une minute de tendresse charitable ; puis, ce don d’elle-même, après les rires de la foule, huant sa nudité6 ; puis, sa vie entière, son abaissement à ce métier de modèle, où elle avait perdu jusqu’à l’amour de son mari. Et elle 25 renaissait, cette image, elle ressuscitait, plus vivante qu’elle, pour achever de la tuer ; car il n’y avait désormais qu’une œuvre, c’était la femme couchée de l’ancienne toile qui se relevait à présent, dans la femme debout du nouveau tableau. Alors, à chaque séance, Christine se sentit vieillir. Elle abaissait sur elle des regards troubles, elle croyait voir se creuser des rides, se déformer les lignes pures. Jamais elle ne 30 s’était étudiée ainsi, elle avait la honte et le dégoût de son corps, ce désespoir infini des femmes ardentes, lorsque l’amour les quitte avec leur beauté. Était-ce donc pour cela qu’il ne l’aimait plus, qu’il allait passer les nuits chez d’autres, et qu’il se réfugiait dans la passion hors nature de son œuvre ? Elle en perdait l’intelligence nette des choses, elle en tombait à une déchéance, vivant en camisole7 et en jupe sales, n’ayant plus la coquetterie de sa 35 grâce, découragée par cette idée qu’il devenait inutile de lutter, puisqu’elle était vieille. 1 Le « Quai de Bourbon » désigne l’adresse du domicile où Claude a peint le premier portrait de Christine. 2 Gorge : poitrine, seins. 3 Pièce d’étude : sujet d’étude, en peinture. 4 Ton : teinte, couleur. 5 La figure couchée : Christine endormie figurant sur le premier tableau de Claude. 6 Les rires de la foule, huant sa nudité : moqueries du public découvrant, dans une exposition de peinture récente, le grand tableau sur lequel Claude est en train de travailler. 7 Camisole : sous-vêtement féminin. 18FRESPO3 Baccalauréat général – Séries ES/S – Session 2018 5/6 Épreuve anticipée de français Texte C : Louis ARAGON, Aurélien, Epilogue, chapitre IV, 1944 Aurélien et Bérénice se sont rencontrés en 1922 et ont alors vécu une brève et intense liaison amoureuse. Ils se retrouvent par hasard en juin 1940 dans le uploads/s3/ s-es-francais-premiere-2018-polynesie-remplacement-sujet-officiel.pdf

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