SEXTUS EMPIRICUS, CONTRE LES MUSICIENS AVERTISSEMENT Un seul des ouvrages de Se

SEXTUS EMPIRICUS, CONTRE LES MUSICIENS AVERTISSEMENT Un seul des ouvrages de Sextus Empiricus a traduit en français, les Hypotyposes pyrhoniennes.[1] Pourquoi ses Contradictions ( ντιρρήσεις) n’ont-elles tenté aucun traducteur, ni en France, ni à ἀ l’étranger? Il est facile d’en trouver la raison. Comme on peut le reconnaître d’après le livre VI, consacré à la musique, les notions intéressantes, au point de vue spécial de la matière traitée, sont trop souvent perdues au milieu d’argumentations subtiles et fastidieuses dont on a peine à les dégager. Toutefois, nous n’avons pu nous résoudre à donner une partie seulement de ce livre VI. D’abord, toute traduction incomplète d’un texte ancien peut laisser au lecteur le regret de n’avoir pas sous les yeux la série continue des raisonnements déduits par l’auteur. De plus, il nous a paru bon de faire connaître, à titre de spécimen, la méthode de composition et les procédés de dialectique de Sextus. Ce sera peut- être lui rendre un mauvais service: Il n’importe : on pourra, croyons-nous, relever dans ce fatras plus d’une observation vraiment philosophique, plus d’un aperçu ingénieux Sextus Empiricus, d’après les supputations fort admissibles de M. Brochard,[2] serait le contemporain de Galien qui mourut vers l’an 200. « Il est certain, écrit le savant professeur, qu’il était Grec, mais nous ne pouvons savoir ni où il est né, ni où il a enseigné. Divers passages de ses écrits nous indiquent qu’il n’était ni d’Athènes, ni d’Alexandrie. On peut conjecturer qu’il a passé au moins quelque temps à Rome. Tout ce que nous savons de certain, c’est qu’il fut le chef de l’école sceptique et qu’il enseigna au même endroit où son maître (le médecin Hérodote de Tarse) avait enseigné. » Nous ne pouvons mieux faire que de citer encore M. Brochard en ce qui concerne les écrits de notre auteur. « Nous possédons trois ouvrages de Sextus : les Πυρρώνειοι ποτυπώσεις qui sont un résumé ὑ et comme un bréviaire du scepticisme, et, réunis à une époque récente sous le titre de Προὸς μαθηματικούς, deux ouvrages dirigés l’un contre les sciences en général, l’autre contre les philosophes dogmatiques. Ils forment onze livres, mais vraisemblablement il n en avait que dix à l’origine: les deux livres Προὸς γεωμέτρας et Προὸς ριθμητικούς, dont l’un est fort court, n’avaient pas encore été ἀ séparés. Dans le Προὸς μαθηματικούς, Sextus passe en revue toutes les sciences connues de son temps,... et s’efforce de démontrer que toutes leurs affirmations ne reposent sur rien, qu’on peut leur opposer sur chaque point des affirmations contraires et d’égale valeur. Les grammairiens, les rhéteurs, les géomètres, les arithméticiens, les astronomes, les musiciens sont successivement pris à partie dans les six livres dont se compose l’ouvrage. C’est aux philosophes qu’est consacrée la troisième oeuvre de Sextus. Des cinq livres dont elle est formée, la réfutation de logiciens occupe les deux premiers; celle des physiciens les deux suivants; le dernier est dirigé contre les systèmes de morale. On est en droit d’affirmer que les ouvrages de Sextus ont été composés dans l’ordre suivant 1° les Hypotyposes; 2° le livre contre les philosophes; 3° le livre contre les savants.[3] » Il faut lire tout le chapitre dont nous extrayons ces lignes et qui expose avec la plus saine critique le caractère littéraire et philosophique de Sextus. Toutefois, comme l’éminent auteur des Sceptiques grecs a passé rapidement sur la partie scientifique de l’ouvrage Contre les Mathématiciens,[4] nous devons nous y arrêter quelques instants, au moins en ce qui touche la doctrine musicale. Sextus ne s’en tient pas exclusivement à une argumentation négative. Avant de réfuter les points principaux de la théorie qu’il va essayer de détruire, il apporte dans le débat tout ce qu’elle contient de positif, il rappelle avec impartialité, et même avec une sorte de complaisance, ce qu’on a dit et ce qu’on peut dire en faveur de la musique, et c’est surtout par ce côté que nous intéresse le livre VI du Προὸς μαθηματικούς. D’autre part, ses autorités et ses sources appartiennent à l’école d’Aristoxène, qui, on le sait, raisonnait sur l’art musical en posant pour principe primordial de sa doctrine le jugement de l’oreille, tandis que les pythagoriciens rapportaient les lois musicales à la division mathématique du monocorde. Enfin, plusieurs éléments de la réfutation qu’il oppose aux musiciens se retrouvent particulièrement dans les fragments qui nous restent de la philosophie épicurienne. Rien ne prouve que Sextus ait possédé une connaissance approfondie de la musique. Il est probable qu’une lecture attentive des musicographes lui a suffi pour écrire son livre Προὸς μουσικούς; mais il s’y trouve telle proposition dont aucun des ouvrages techniques parvenus jusqu’à nous ne porte la trace. Ce fait seul justifierait déjà l’admission de ce livre dans une collection musicographique. EDITIONS ET TRADUCTIONS. Σέξτου μπιρικο ταὸ σωζόμενα. Sexti Empirici opera quae exstant. Magno ingenii acumine scripti pyrrhoniarum Ἐ ῦ hypotyposeon libri III. Quibus in tres philosophiae partes acerrime inquiritur, Henrico Stephano interprete. Adversus Mathematicos, hoc est qui disciplinas profitentur, libri X. Gentiano Herveto Aurelio interprete. Graece nunc primum editi. Adjungere visum est Pyrrhonis Eliensis philosophi vitam, nec non Claudii Galeni Pergameni de optimo docendi genere librum quo adversus academicos pyrrhoniosque disputat. Ms. nostri varias lectiones et conjecturas aliquot margini insertas operi praefiximus. Indicibus item necessariis opus locupletavimus. Genevae, sumptibus Petri et Jacobi Chouët, 1621, in folio. — D’autres exemplaires portent, toujours avec la date de 1621, soit Parisiis, in officina Abr. Pacard, soit Aurelianae, ou encore Coloniae Allobrogum. La traduction latine de G. Hervet parut d’abord à Paris chez Martin Lejeune. 1569, in folio, et à Anvers, la même année, chez Christophe Plantin. Sexti Empirici opera graece et latine. Pyrrhoniarum institutionum libri III, cum H. Stephani versione et notis. Contra mathematicos sive disciplinarum professores libri VI. Contra philosophos libri V, cum versione Gentiani Herveti. Graeca ex rnss. codicibus castigavit, versiones emendavit supplevitque et toti operi notas addidit 70. Albenius Fabricius, Lipsiensis, etc. Lipsiae, J. Fr. Gleditsch, 1718, in folio. Cette excellente édition a été réimprimée, avec des corrections de détail, sous le même titre. Lipsiae, Kühn, 1840, 2 vol. in-8. Fabricius put consulter trois nouveaux manuscrits, un Savilianus, un Cizensis et un manuscrit de Breslau. Sextus Empiricus. Ex recensione Imm. Bekkeri. Berolini, Reimer, 1842, in-8°. Texte seul avec les variantes recueillies par Fabricius, augmentées de celles du manuscrit de Koenigsberg coté 16 B 12. Bekker déclare en outre avoir consulté les manuscrits de Munich, de Venise et de Florence. LIVRE VI. — CONTRE LES MUSICIENS 1. Le mot musique a trois significations. En premier lieu, c’est la science qui traite des mélodies, des sons, des rythmopées et d’autres choses semblables. C’est dans ce sens que nous disons qu’Aristoxène, fils de Spinthare,[5] est un musicien. En second lieu, on désigne par ce mot la pratique instrumentale;[6] c’est ainsi que nous appelons musiciens ceux qui jouent de la flûte et des instruments à cordes pincées, et musiciennes les joueuses de cithare.[7] 2. Ces diverses acceptions, sont d’un emploi courant et propre, tandis que parfois nous appliquons par abus ce mot même à des productions heureuses d’un autre genre.[8] C’est ainsi que nous parlons d’une oeuvre d’art « harmonieuse », lors même qu’elle appartient à la peinture, et, du peintre auteur d’un tableau réussi, qu’il a été inspiré par les Muses. 3. La musique étant considérée sous tant d’aspects, on se propose maintenant d’en entreprendre la réfutation, qui du reste n’aura trait qu’à la musique considérée dans la première acception; car celle-ci (ce dit-on) semble avoir été constituée de la manière la plus parfaite comparativement aux autres sortes de musique. 4. On peut employer (ici) un double[9] mode de réfutation, comme on l’a fait pour la grammaire. Les uns, plus particulièrement dogmatiques, s’efforcent d’enseigner que la musique, n’est pas un sujet d’étude nécessaire pour le bonheur, mais qu’elle est plutôt nuisible, et ils en donnent pour raison que les propos tenus par les musiciens prêtent au blâme et que leurs principaux raisonnements ne tiennent pas debout. 5. D’autres, traitant la question d’une façon plutôt dubitative, s’abstiennent de toute réfutation de cette nature, mais croient, en faisant écrouler les hypothèses fondamentales des musiciens, réduire à néant la musique tout entière. 6. Quant à nous, pour ne pas paraître mutiler la doctrine, nous caractériserons sommairement l’une et l’autre opinion, ainsi que l’un et l’autre fait (avancé comme argument); évitant, sur les points secondaires, de nous lancer en de longues digressions, mais ne voulant pas, d’autre part, sur les points nécessaires, exposer insuffisamment les questions pressantes, mais tendant autant que possible à tenir le juste milieu et la mesure dans notre enseignement. 7. Nous donnerons la première place aux arguments qui ont cours dans le monde en faveur de la musique. Si l’on admet, dit-on, que la philosophie, assagit la vie humaine et réprime les passions de l’âme, à plus forte raison admettrons-nous que la musique exerce sur nous un pouvoir sans violence, et, avec un charme persuasif, obtient les mêmes résultats que la philosophie.[10] 8. Ainsi Pythagore ayant vu des jeunes gens qui faisaient mille extravagances sous l’action de uploads/s3/ sextus-empiricus-contre-les-musiciens.pdf

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