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L'importance d'apprendre le rythme en passant par le corps Travail de Fin d'Etu

L'importance d'apprendre le rythme en passant par le corps Travail de Fin d'Etudes Nora FROGER Master Didactique de Formation Musicale Conservatoire Royal de Bruxelles Année 2021/2022 Remerciements Je tiens à remercier chaleureusement toutes les personnes qui ont rendu possible la réalisation de ce mémoire ainsi que de ce master. Merci à : Marc Vandersmissen pour son implication, sa compréhension et d’avoir guidé ce travail. Arnould Massart, pour avoir pris de son temps pour échanger et partager avec moi autour de la question de ce TFE. L’ensemble du corps professoral du conservatoire pour son accompagnement. Mes professeurs de flûte traversière pour leur compréhension et leur soutien. L’ensemble des élèves du Master Didactique avec qui j’ai pu échanger et qui m’ont épaulée (au Novo entre autres). Merci à mes collègues du master de FM pour leur bonne humeur, leur écoute et leurs bonnes idées, ce fut un plaisir de travailler et échanger avec eux. Mes amies Emma, Déborah, Margaux, Claire, Gwen, Louise, Maria et Maria-Jose sans le soutien de qui je n’aurais pas pu tout mener de front. Merci de m’avoir écouté, conseillé et encouragé (et supporté !). Mes parents et mes grands-parents qui m’ont encouragée et ont cru en moi depuis le premier jour, même quand je n’y croyais pas. Merci de m’avoir laissée faire ce choix et de m’avoir accompagné, aidé, autant moralement que financièrement. Et surtout merci d’avoir compris que c’était « un vrai métier ». Et enfin Edi, mon conjoint, pour son soutien inconditionnel et sa volonté de tout mettre en œuvre pour que je puisse vivre ma passion. Merci pour les choix que tu as fait pour que je puisse aller au bout. Merci d’avoir compris à quel point tout cela est important. Merci de croire en moi. 2 Table des matières INTRODUCTION........................................................................................................................4 Avant de commencer, le rythme : définition et histoire...............................................................5 La question de la conception du corps.......................................................................................7 I. CE QUE DIT LA SCIENCE........................................................................................................9 Les effets du rythme sur le balancement du corps...................................................................10 Le Tempo Spontané Moteur (TSM)..........................................................................................11 Arnould Massart, Carnets du Rythme, l'apport de la science...................................................14 Conclusion Partie I...................................................................................................................17 II. EN PEDAGOGIE......................................................................................................................18 La méthode Dalcroze...............................................................................................................19 O'Passo....................................................................................................................................23 La pédagogie Willems..............................................................................................................27 Conclusion Partie II..................................................................................................................28 III. Mise en pratique....................................................................................................................29 Construction de la grille d'observation......................................................................................30 1. Situation 1 : marcher la pulsation chez les apprenants de 4 et 5 ans - travail sur plusieurs séances........................................................................................................................................31 2. Situation 2 : la mesure a 4 temps avec des apprenants de 6 ans..........................................33 3. Situation 3 : travail sur table du ternaire inspiré d'un exercice Dalcroze................................35 4. Situation 4 : travail de la partition du 2eme mouvement de la pièce Living Room Music de John Cage,...................................................................................................................................37 5. Situation 5 : recherche de métrique du 3eme mouvement de la symphonie n°3 de Brahms (3/8)..............................................................................................................................................39 Analyse et conclusions.............................................................................................................41 Conclusion partie III.................................................................................................................43 CONCLUSION.........................................................................................................................44 Bibliographie............................................................................................................................46 Annexes...................................................................................................................................47 3 INTRODUCTION "On n’écoute pas la musique uniquement avec les oreilles, on l'entend résonner dans le corps tout entier, dans le cerveau et dans le cœur" Emile Jacques-Dalcroze, Notes Bariolées 1 . En tant que professeure de musique, de surcroît de Formation Musicale, je suis très vite arrivée à me poser la question de "comment apprendre le rythme ?". J'ai d'abord étudié en France, puis ai continué en Belgique. En commençant le Master Didactique de Formation Musicale, je me suis rapidement rendu compte que la pédagogie belge était différente de celle avec laquelle j'avais moi-même appris, notamment par rapport à l'apprentissage du rythme, que nous avons abordé en passant par le corps : la marche, les percussions corporelles, des pas organisés pour comprendre l'organisation des mesures. Ainsi, la question de ce travail de fin d'étude s'est imposée : est-ce important de passer par le corps pour apprendre le rythme ? Nous nous intéressons ici à l'apprentissage du rythme dans le cadre occidental. Dans cette recherche, nous allons d'abord analyser les travaux réalisés en neurosciences autour de la question du corps et du rythme : le tempo moteur spontané, l'envie naturelle de bouger quand on écoute de la musique, la notion de temporalité, le rythme biologique, les mouvements naturels induits par l'écoute de musique. Puis, nous analyserons les solutions apportées dans des pédagogies actives telles que la méthode Dalcroze, ou O Passo. Nous nous appuierons également sur les recherches d'Arnould Massart, professeur de jazz et de rythmique au Conservatoire Royal de Bruxelles. Pour terminer, nous exposerons les résultats de mises en pratique sur le terrain, dans le cadre d'ateliers en groupe, en ou hors ESHAR, et critiquerons ce que ces résultats apportent à la question de départ. 1 Jaques-Dalcroze. (1948) E. Notes Bariolées. Biographie. Paris. éd. Jeheber 4 Avant de commencer, le rythme : définition et histoire En préambule de ce travail, il convient de s'interroger sur la définition du rythme. Etymologiquement, le mot "rythme" vient du grec ῥυθμός (rhuthmos) qui peut se traduire par rythme, temps, proportion. Le dictionnaire Laroussei2 le définit comme un "retour, à des intervalles réguliers dans le temps, d'un fait, d'un phénomène" ou encore, plus spécifiquement pour le rythme musical un "élément temporel de la musique, dû à la succession et la relation entre les valeurs de durée". Pour Platon, le rythme est "l'ordre dans le mouvement"3. Dans son Encyclopédie, Rousseau4 défend que le rythme n'est rien sans harmonie. Cependant, on constate la grande richesse rythmique des compositions de son contemporain Rameau et de l'importance du rythme dans le caractère musical de l'époque de façon générale. Mais le rythme est peu théorisé en tant que tel à cette époque, il est plutôt perçu comme un élément qui sert un discours, une harmonie, une mélodie ou une poésie. A la fin du XIXe siècle et jusqu'au milieu du XXe siècle, les compositeurs s'interrogent énormément sur la question du rythme, du temps et son organisation, et cela semble donc logique que les pédagogues de la musique suivent ce questionnement. La question est aussi abordée dans le domaine de la science. Sans lancer de conjecture, on peut constater que cette période fourmille de nouvelles idées et de recherches en ce sens, et il est intéressant de noter que Stravinsky, Dalcroze et Einstein sont des contemporains qui ont fait avancer leur domaine d'expertise sur la question du temps et son organisation. C'est aussi la période où apparaît le jazz, style musical qui apporte une grande complexité rythmique. G. Szamosi rapporte dans son ouvrage The Twin Dimensions: Inventing Time and Space les propos de Stravinsky qui accordait une place primordiale au rythme dans sa composition : "La fonction exclusive de la musique est de structurer le flux du temps et d'y maintenir l'ordre."5 2 Larousse. (2020). Rythme. Dans Dictionnaire. 3 Sauvanet, P. (1999). « L’ordre du mouvement » (Platon). Dans : , P. Sauvanet, Le rythme grec: D'Héraclite à Aristote (pp. 62-93). Paris cedex 14: Presses Universitaires de France. 4 Rhuthmos , « Article « Rhythme » – Jean-Jacques Rousseau – L’Encyclopédie », Rhuthmos, 12 juillet 2016 [en ligne]. https://rhuthmos.eu/spip.php?article102 5 Szamosi.G. (01/07/1986) The Twin Dimensions : Inventing Time and Space 5 En parlant de Stravinsky et pour faire le lien avec la notion du corps, on peut noter que la pièce qui a tant choqué la France, le Sacre du Printemps, écrit en 1912 était un ballet. Beaucoup de ces œuvres novatrices ont été conçues comme ballet ou chorégraphiées par la suite. On pourrait également parler de l'œuvre de Messiaen, qui s'est intéressé de près au rythme, notamment aux mesures à valeurs ajoutées (donc asymétriques). On en arrive à la définition du rythme par Pierre Boulez6, qui, comme ses prédécesseurs, considère le rythme comme élément du langage musical à part entière, et en dégage un modèle : le temps lisse et le temps strié (pulsation métrique audible ou pas). Il accorde une place importante au corps dans ses réflexions en dirigeant de nombreux ballets et imaginant des partitions gestuelles. Cette période d'évolution musicale nous donne donc un début d'explication sur les questionnements des pédagogues sur la manière d'apprendre et appréhender le rythme. Ces questions n'avaient pas lieu à l'époque où la musique était intimement liée à la pratique de la danse. Cependant, au XIXe siècle, la conception du concert a changé : on venait écouter la musique dans des salles de concert, assis, et bien que les bals et les fêtes avaient toujours lieu, on peut imaginer qu'une dissociation s'est faite entre l'écoute de la musique et la sensation physique qui lui était auparavant associée. 6 Boulez. P. (1963) Penser la musique aujourd’hui. éd. Gonthier. p.93-113 6 La question de la conception du corps On le voit encore aujourd'hui dans l'enseignement de la FM (même si cela tend à évoluer, notamment en Belgique), le rythme n'est pas toujours appréhendé par le ressenti et l'aspect corporel. On le voit de façon très marquée dans les études supérieures : le travail rythmique devient évidemment très complexe, et nous avons tendance à le travailler assis à une table, en battant une pulsation où la mesure. Il est évident que dans une telle disposition, le corps n'est pas engagé dans cet apprentissage, ce qui le rend purement cérébral. On peut donc se demander avec uploads/s3/ tfe-norafroger 1 .pdf