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1 Université Paris 3-Sorbonne nouvelle - Etudes du monde anglophone Centre de recherche sur l’Amérique du Nord - ED 514 – EDEAGE Thèse de doctorat « nouveau régime » Geneviève CHEVALLIER L’empreinte du chamane : le souffle de la pensée chamanique dans l’art autochtone contemporain au Canada Thèse dirigée par Jean-Michel Lacroix Soutenance le 22 février 2011 2 Jury : Madame Nelcya Delanoë, professeur émérite à l’université Paris Ouest Nanterre Monsieur Serge Dunis, professeur à l’université de Polynésie Française Monsieur le recteur Jean-Michel Lacroix, professeur à l’université Paris-III Sorbonne Nouvelle (directeur) Madame Hélène Le Dantec-Lowry, professeur à l’université Paris-III Sorbonne Nouvelle Madame Joëlle Rostkowski, professeur à l’EHESS 3 Avant-propos Par Jean-Michel Lacroix Cette thèse de doctorat, soutenue en Sorbonne le 22 février 2011, a valu à l’impétrante la mention Très Honorable avec les félicitations du jury à l’unanimité. Ce travail qui porte sur « l’empreinte du chamane ; le souffle de la pensée chamanique dans l’art contemporain autochtone au Canada », consiste en un gros volume de texte, assorti d’un très beau volume compagnon qui contient, outre des annexes, un répertoire de notices biographiques des artistes convoqués, en fonction de leur origine géographique, mais surtout un ensemble remarquable de reproductions en couleur des oeuvres étudiées et parfaitement bien sélectionnées (l’ordre de présentation correspondant à la progression du texte dans le corps de la thèse, ce qui explique que des cartes viennent s’interposer entre les reproductions d’oeuvres d’art). La bibliographie est riche et bien ordonnée. Il faut saluer le véritable travail sur le terrain avec des séjours réguliers au Canada qui ont permis des contacts privilégiés avec des artistes (James Hart, par exemple) ou avec des personnalités séminales du monde de l’art et des musées : George MacDonald, ancien directeur du Musée canadien des civilisations et spécialiste de l’art haïda, Georges E. Sioui au département d’études autochtones de l’université d’Ottawa, ou bien encore Ruth B. Phillips, ancienne directrice du MOA de Vancouver. G. Chevallier a également participé à un potlach de l’artiste David Neel. L’idée directrice était de ne pas plaquer un éclairage occidental, eurocentrique sur un art autochtone qui serait folklorisé ou réduit mais de saisir l’originalité d’une perception du monde en l’abordant du point de vue esthétique sans pour autant « anthropologiser » l’artiste à outrance. Il s’agit d’établir le lien entre les traditions mythologiques et la création artistique contemporaine. Le concept de « betweenness » ou d’hybridité ou bien encore de « passerelle entre deux mondes » pourrait ressembler à une sorte d’entre-deux fécond, comme aurait pu le dire Daniel Sibony. L’auteure utilise d’ailleurs dans son texte l’expression « transformer la dualité en force ». Ce travail est très bien présenté, très soigné et de fort belle facture. Le style est clair et très 4 agréable à lire : on sent souvent même la patte d’une écriture originale et élégante. L’introduction plante le décor et justifie les balises temporelles retenues (de 1990 et la crise d’Oka jusqu’à 2010 pour insister sur la contemporanéité de l’art autochtone). La célébration de 1492 est naturellement évoquée et il convenait de rappeler la politique assimilatrice du Canada (pensionnats, adoption forcée des enfants…) mais on ne saurait oublier les conclusions de la Commission royale d’enquête sur les Autochtones et sur le processus de réconciliation engagé par un pays qui cherche désespérément à refonder une société multinationale susceptible de satisfaire les deux peuples fondateurs et les premières nations. Sur le plan méthodologique, il est fait appel à une grande variété de disciplines : certes, G. Chevallier se situe à la croisée de l’histoire, de l’ethno-histoire, de la sociologie, de l’anthropologie, de la critique d’art. Le regard adopté introduit une révolution copernicienne en renversant les clichés, les stéréotypes et en redonnant la parole à des premières nations trop longtemps occultées et enfouies. On comprend bien que l’art permet aux « guerriers de l’art » de surmonter le traumatisme de leurs souffrances, de demeurer fidèles à leur héritage et de s’ouvrir à la modernité en produisant des oeuvres universelles. « L’art ne reproduit pas le visible, il rend visible ». Le chamane serait un intermédiaire capable de transformer les blessures du passé en force de transformation et d’évolution, la catharsis conduisant à une identité reconquise. Le chamane, c’est le médiateur entre le monde des vivants et le monde des esprits », un intercesseur. C’est en fin de compte dans la troisième partie intitulée « l’empreinte du chamane » que l’on saisit que l’introduction des arts graphiques a permis l’adaptation des autochtones à une vie différente ; on note la plus grande flexibilité des Inuit, l’art inuit étant dominé par la transformation et l’absence de rupture entre l’humain et l’animal. On appréciera de très bons passages sur les artistes chamanes à l’œuvre, sur l’esprit décepteur, sur le trickster, sur l’énergie subversive, sur l’art comme lieu de résistance spirituelle. Ce qui est affirmé ici se traduit d’ailleurs jusque dans l’expression des formes car les créations des artistes autochtones contemporains sont bien l’expression symbolique de lieux naturels qui ne sont pas enfermés dans une géométrie de lignes et d’angles droits. Les lignes de force, tout en courbures et en mouvement, expriment une harmonie profonde par-delà la lutte pour la survie dans l’absence de coupure entre les êtres humains, l’environnement et les puissances spirituelles. L’intérêt de la thèse consiste à montrer le rôle cathartique de l’art qui permet de cicatriser les blessures et de redonner dignité et visibilité aux Premières Nations. On a particulièrement aimé les développements consacrés aux perspectives muséales (fin de la deuxième partie). Ce 5 travail révèle un véritable enthousiasme, mais la démarche intellectuelle demeure d’une parfaite honnêteté et révèle une grande sensibilité. Il s’agit d’un travail ambitieux, courageux, véritablement pionnier et qui apporte une contribution originale à la recherche. Recteur Jean-Michel Lacroix Novembre 2011 6 Table des matières AVANT-PROPOS 3 TABLE DES MATIÈRES 6 INTRODUCTION 9 CHAPITRE I LE BERCEAU DE L’ART CHAMANIQUE CONTEMPORAIN 19 A. CONTEXTE SOCIO-HISTORIQUE 19 A.1 L’enfance des guerriers de l’art, contexte sociologique 20 A.2 De la crise d’Oka à la création du Nunavut, contexte politique 40 A.3 Des étapes déterminantes 53 B. LE CONTEXTE SPIRITUEL 61 B.1 Le patrimoine imaginaire : cosmogonie, mythes, héros civilisateurs 62 B.2 Les grands rituels 74 B.3 Introduction au chamanisme 87 C. CONTEXTE ARTISTIQUE 108 C.1 L’univers arctique, royaume de l’art inuit 109 C.2 L’art de la côte nord-ouest 123 C.3 La peinture anishinaabe : woodland art ou legend painting 138 CHAPITRE II LES GUERRIERS DE L’ART 149 A. SORTIR DES RÉSERVES 150 A.1 Une croisade postmoderne 151 A.2 Tuer l’Indien mythique 159 A.3 Visibilité de l’art autochtone contemporain 170 B. LE POSTMODERNISME : NOUVELLES PERSPECTIVES POUR L’ART AUTOCHTONE CONTEMPORAIN 191 B.1 A la recherche d’un autre regard 193 B.2 Une nouvelle écriture de l’histoire 195 B.3 L’affaire Christophe Colomb 204 B.4 L’art et la reconstruction identitaire 219 C. RECONNAISSANCE DE L’ART AUTOCHTONE CONTEMPORAIN 234 C.1 L’art autochtone devient patrimoine canadien 235 C.2 Les expositions en solo : Piqtoukun, Morrisseau, Davidson 249 C.3 Témoins du Nouveau Monde 262 CHAPITRE III L’EMPREINTE DU CHAMANE 275 A. L’HEURE ET L’ART DE LA CATHARSIS 275 7 A.1 La catharsis à l’œuvre 277 A.2 Force et puissance iconique de la photographie. 290 A.3 La mémoire en héritage 306 B. LE GRAND RETOUR DU CHAMANE 320 B.1 Traditions en évolution 324 B.2 L’Hyperboréen et la représentation du chamane 338 B.3 Chamanisme, christianisme et syncrétisme religieux 356 C. LES ARTISTES CHAMANES À L’ŒUVRE 372 C.1 Dans l’antre des chamanes de l’art 373 C.2 L’esprit décepteur, l’esprit trickster 388 C.3 L’envol du chamane 401 CONCLUSION 423 INDEX DES ARTISTES CITES 441 BIBLIOGRAPHIE 463 8 Introduction 9 INTRODUCTION « Il y a autant de distance entre moi et l’autre qu’entre moi et moi-même » Montaigne, Essais Le Canada est un pays riche d’une géographie polymorphe. Tantôt lisse, tantôt rugueuse et contrastée. Les glaces tourmentées de l’Arctique, à la neige crissante ou poudrée, bordées de fjords sombres et profonds, ou de plages venteuses, d’eaux bleues et d’eaux noires. Le foisonnement sylvestre de la côte nord-ouest, sur les rivages du Pacifique, les montagnes Rocheuses et leurs torrents qui grondent, leurs glaciers qui craquent, les plaines infinies parsemées d’herbes folles, les herbes rases de la toundra subarctique recouvrant le pergélisol où ondule la crinière blanche des linaigrettes, les grands lacs aux eaux vertes ourlés d’arbres. Les collines verdoyantes, les clairières moussues, les forêts d’épinettes traversées de rivières tumultueuses. Les Premiers Peuples ont exploré cette géographie, foulé ces herbes, trébuché sur ces pierres, descendu ces rivières, sauté dans les rapides, navigué sur les côtes océaniques, pénétré ces forêts sans fin, dans une fusion périlleuse. Ils ont pêché le saumon, croisé l’orque, craint le grizzly, écouté le grand corbeau et l’aigle, piégé le castor et le lynx, pour survivre. Ils ont dessiné une histoire de nomades, imprimée pas à pas dans cette géographie. Enfin, ils ont entendu les murmures des esprits de la forêt, de la mer, du tonnerre et dessiné une cartographie mythique pour orchestrer cette immensité. Le chamane est devenu le traducteur des signes des mondes visibles uploads/s3/ these-annnexes-1.pdf

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