Annales de dermatologie et de vénéréologie (2019) 146, 232—246 Disponible en li
Annales de dermatologie et de vénéréologie (2019) 146, 232—246 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com EXPERTISE MÉDICALE CONTINUE EN DERMATOLOGIE Maladies infectieuses Dermatoses d’origine parasitaire et animale Leishmanioses cutanées Cutaneous leishmaniasis M. Mokni Faculté de médecine de Tunis, université Al Manar 2, service de dermatologie, hôpital La Rabta, rue Jabbari-Bab Saadoun, 1007 Tunis, Tunisie Disponible sur Internet le 15 mars 2019 MOTS CLÉS Leishmanie ; Leishmaniose cutanée ; Leishmaniose muqueuse ; Leishmaniose diffuse ; Leishmaniose post-kala-azar Résumé La leishmaniose cutanée est une infection parasitaire due à un parasite flagellé du genre Leishmania. Elle est le plus souvent une maladie zoonotique transmise par la piqûre de phlébotomes. Les réservoirs de la maladie sont des animaux sauvages ou péridomestiques, le plus souvent des rongeurs, ou de la race canine. La maladie a une large distribution mondiale aux Amériques, en Asie, en Europe et en Afrique. Son épidémiologie est influencée par les facteurs environnementaux, migratoires et climatiques. L’identification des espèces de leish- manies est basée essentiellement sur leurs caractères biochimiques (isoenzymes) qui ont été utilisés pour établir leur classification. Ce sont des parasites dimorphes intracellulaires dans le phagolysosome des cellules immunitaires de l’hôte, et protozoaire unicellulaire flagellé avec un kinétoplaste dans le tube digestif du vecteur et en culture. Trois grandes formes cliniques peuvent être observées : la leishmaniose cutanée, la leishmaniose cutanéomuqueuse et la leish- maniose viscérale. La présentation clinique dépend de facteurs liés à la virulence du parasite, à la réponse immune et à la susceptibilité génétique de l’hôte, et au siège des lésions. Bien que chaque espèce de leishmanie puisse avoir ses manifestations cutanées particulières et ses zones d’endémie, les présentations les plus communes sont les nodules ulcérocroûteux et les plaques. L’histoire naturelle de la leishmaniose doit être également considérée dans les stratégies thérapeutiques. Les leishmanioses cutanées sont spontanément résolutives entre Cet article est paru initialement dans l’EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), EMC - Dermatologie 2016;11(2):1—12 [Article 98-395-A-15]. Nous remercions la rédaction de l’EMC - Dermatologie pour son aimable autorisation de reproduction. Adresse e-mail : mourad.mokni@rns.tn https://doi.org/10.1016/j.annder.2019.02.002 0151-9638/© 2019 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. Leishmanioses cutanées 233 un mois et six ans. De multiples options thérapeutiques ont été considérées ces dernières décen- nies. Malheureusement, très peu ont prouvé leur efficacité et leur innocuité. Les dérivés de l’antimoine administrés par voie intralésionnelle et parentérale restent le traitement standard. Leur toxicité nécessite une vigilance et un suivi du traitement. © 2019 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. KEYWORDS Leishmaniasis; Cutaneous leishmaniasis; Mucosal leishmaniasis; Diffuse leishmaniasis; Post-kala-azar leishmaniasis Summary Cutaneous leishmaniasis is a parasitic infection caused by a flagellated parasite belonging to the genus Leishmania. In most cases, it is a zoonotic disease transmitted via a bite by bloodsucking sand-flies of the genus Phlebotomus. The disease reservoirs consist of wild or semi-domesticated animals, generally rodents or dogs. The disease itself is distribu- ted extensively worldwide in the Americas, Asia, Europe and Africa. Epidemiology is affected by environmental, migratory and climatic factors. Identification of the different types of leishmaniasis is based chiefly on the biochemical characteristics (isoenzymes) on which their classification is based. The offending parasites are dimorphic intracellular organisms within the phagosome of the host’s immune cells, and a single-cell flagellated protozoan with a kinetoplast contained in the gut of the vector and in culture. Three major clinical forms are seen: cuta- neous leishmaniasis, mucosal leishmaniasis and visceral leishmaniasis. The clinical presentation depends on factors associated with the virulence of the parasite, with individual immune res- ponse and with the site of lesions. Although each type of leishmaniasis may have its own specific cutaneous signs and endemic regions, the most common presentations are crusted, ulcerated nodules and plaques. The natural history of leishmaniasis must also be considered when formu- lating therapeutic strategies. Cutaneous leishmaniasis resolves spontaneously within between one month and six years. While numerous therapeutic options have been considered in recent decades, very few have shown proven efficacy and safety. Antimony compounds administered either directly to the lesion or parenterally remain the standard treatment and their toxicity calls for vigilance and monitoring of therapy. © 2019 Published by Elsevier Masson SAS. Introduction Les leishmanioses sont des maladies infectieuses dues au parasitisme des cellules du système des phagocytes mono- nucléés par des protozoaires flagellés appartenant au genre Leishmania, transmises par des insectes diptères appar- tenant au genre Phlebotomus dans l’Ancien Monde et Lutzomyia dans le Nouveau Monde. Elles évoluent clinique- ment chez l’homme sous trois formes : viscérale, cutanée et cutanéomuqueuse. Ces affections sont de distribution mon- diale. Celles de l’Ancien Monde sont cutanées pures dans l’immense majorité des cas et régressent spontanément en quelques semaines à quelques mois. Celles du Nouveau Monde, dues à des multiples complexes de leishmanies, ont le risque majeur de développer une forme muqueuse secon- daire. Parasitologie Sur le plan taxonomique, les Leishmania sont des proto- zoaires flagellés de l’ordre des Kinetoplastidae et de la famille des Trypanosomatidae. Ils existent sous deux formes différentes chez leurs hôtes successifs : • promastigote, flagellée, libre dans le tube digestif du vec- teur ou en culture. Elle a une forme allongée de 20 m de long (Fig. 1A) ; • amastigote, intramacrophagique, non flagellée, arrondie et immobile, de 2 à 6 m de taille, chez l’hôte vertébré. Le kinétoplaste intensément coloré au Giemsa permet l’identification des formes amastigotes sur frottis (Fig. 1). La culture se fait sous forme promastigote dans divers milieux dont les milieux Novy-MacNeal-Nicolle (NNN) et cœur—cerveau—sang (CCS). La croissance varie en fonction des espèces. Les espèces de Leishmania le plus couramment der- motropes sont représentées dans l’Ancien Monde par Leishmania major, Leishmania tropica et Leishmania aethiopica. Cependant, des espèces viscérotropes comme Leishmania infantum peuvent être également responsables de formes cutanées. Dans le Nouveau Monde, elles sont sur- tout représentés par Leishmania braziliensis, Leishmania guyanensis, Leishmania panamensis, Leishmania amazo- nensis, Leishmania mexicana, Leishmania venezuelensis, Leishmania peruviana et quelques autres. Une classification taxonomique à visée clinique peut être établie. Bien que des différences de taille et de morpholo- gie des amastigotes aient été décrites, les différentes 234 M. Mokni Figure 1. Formes promastigote (A) et amastigote (B). espèces infectant l’homme ne peuvent pas être distin- guées morphologiquement. Les isolats de référence sont assignés à des espèces et des sous-espèces selon leur ori- gine géographique, le syndrome clinique, le développement biologique dans le phlébotome et les caractéristiques éco- logiques. Traditionnellement, les promastigotes obtenus par culture sont analysés par électrophorèse protéique et le patron d’isoenzymes obtenus est étudié par comparaison. En Afrique du Nord, par exemple, les variants L. major MON-25 [1] et Leishmania killicki MON-8 du complexe L. tro- pica ont été le plus souvent isolés. En France, les variants de L. infantum qui ont été isolés de leishmanioses cuta- nées et rapportés dans la littérature sont : MON-1, MON-11, MON-29, MON-33, MON-34, MON-24 [2]. D’autres techniques plus récentes de biologie moléculaire ou d’anticorps mono- clonaux sont également utilisées mais pas en pratique courante. Les études moléculaires ont permis la caracté- risation du génome de Leishmania. L’étude de sa fonction pourrait aboutir à mieux connaître la pathogénie, le tro- pisme tissulaire et les résistances médicamenteuses. Épidémiologie Distribution géographique On estime que chez l’homme la prévalence mondiale de la leishmaniose, toutes formes cliniques confondues, est de 12 millions. Le nombre de nouveaux cas actuels est estimé à 0,7 à 1,2 millions par an par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) [3]. La distribution géographique de la leishmaniose de l’Ancien Monde prédomine dans les zones intertropicales et dans les régions tempérées d’Afrique, d’Europe et d’Asie. Elle est endémique dans plus de 70 pays et environ 90 % des cas sont notés dans sept pays : Afghanis- tan, Algérie, Brésil, Pakistan, Pérou, Arabie Saoudite et Syrie [4]. La maladie est sous-déclarée et sous-diagnostiquée dans la plupart des régions et les détections actives révèlent que le nombre de cas pourrait être multiplié au moins cinq fois. Pour le Nouveau Monde, L. braziliensis est trouvée de Mexico jusqu’en Argentine. L. peruviana est signalée dans la partie occidentale des Andes péruviennes. L. guyanenesis est notée au nord de la rivière Amazone au Brésil, Guyane, Suriname, Guyane franc ¸aise, Venezuela, Colombie et Équa- teur. L. panamensis est retrouvée au Honduras, Nicaragua, Costa Rica, Panama, Colombia, Équateur et Venezuela. L. amazonenzis est trouvée au Brésil. L. mexicana est notée au Texas, Mexique, Belize, Guatemala, Republique Dominicaine, Honduras, Costa Rica, Panama, Colombia et Venezuela. L. venezuelensis est trouvée au Venezuela. Vecteur C’est un diptère nématocère, Phlebotomus spp. dans l’Ancien Monde et Lutzomyia spp. dans le Nouveau Monde, dont seule la femelle est hématophage. Il a une activité crépusculaire et nocturne. La piqûre, classiquement doulou- reuse, passe le plus souvent inaperc ¸ue ou est confondue avec celle des moustiques courants. Il est présent toute l’année dans les zones intertropicales et l’été dans les régions tem- pérées. Réservoirs Ils comportent 20 à 30 espèces de mammifères parmi les- quelles on retrouve les rongeurs, les carnivores et l’homme qui est un hôte accidentel. Cycle de transmission de la maladie Le phlébotome femelle se contamine en piquant un vertébré infecté au cours uploads/s3/ leishmaniasis-gpc.pdf
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- Publié le Mar 07, 2021
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